Le Cercle : traitement efficace contre la toute puissante promo
Depuis plusieurs années maintenant, c'est à dire depuis que les chaines de télévision constituent une source de financement vital pour la quasi totalité des projets cinématographiques qui naissent en France, aucune remarque, même très légèrement, critique ne peut être émise, à la télévision française, sur un film qui sort en salles.
Le débat critique, omniprésent dans les émissions des années 80, telles que "Cinémas, Cinémas", a laissé peu à peu place à un discours promotionnel consensuel où tout invité à une émission doit vendre son film, forcément génial, forcément extraordinaire. Combien de Ruquier vantant sans la moindre mesure des navets comme "Cinéman", la sous sous Rose pourpre du caire de Yann Moix avec Dubosc ou "Donnant donnant", la dernière daube d'Isabelle Mergault. Evidemment , le fait que france 2 ait mis de l'argent dans ces films n'est pas une pure coïencidence.
Alors que la radio publique continuer de proposer quelques émissions où l'on ose critiquer un film (dont l'émission la plus emblématique, "le masque et la plume", est diffusé depuis maintenant 25 ans sur France Inter), une seule émission fait un peu office de village gaulois résistant à l'invasion de la promotion romaine.
Cette émission, proposée sur canal + cinéma ( on peut se demander pourquoi les simples abonnés à canal + classique y sont exclus) s'intitule "Le Cercle", et elle passe tous les vendredis soirs à 22h30 et présentée par le dandy écrivain le plus célèbre du PAF français, j'ai nommé Frédéric Beigbeder.
Alors, niveau production, rien de mirobolant: une grande table en forme de cercle de casino, un Beigbeder qui trône à la place présidentielle et 6 chroniqueurs, 3 d'un coté, 3 de l'autre qui argumentent, puis contre- argumentent pendant que Beigbeder joue les arbitres qui met parfois de l'huile sur le feu.
Ici, la langue de bois est strictement interdite: les films financés par Canal plus ( et il y en a pas mal vu l'argent que met Canal dans le cinéma français) peuvent être éreintés autant que les autres, et on cause souvent technique de mise en scène, étude de tel ou tel travelling ou focale, sans ennuyer le moins du monde.Les échanges sont souvent violents, drôles, toujours jubilatoires.
Certains chroniqueurs sont évidemment plus érudits ( Frédéric Bonneau ex France Culture), ou agaçants ( François Bégaudeau, l'auteur d'entre les murs et de plusieurs livres et qui a un avis forcément tranché sur tout) que d'autres, tandis que ces derniers ont parfois des analyses plus populaire ( notamment Marie Sauvion du journal Le Parisien). Mais ces disparités de caractères sont évidemment délibérés puisque on est là en premier lieu pour débattre, avec des sensibilités et des cultures différentes.
A l'issue de cette foire d'empoigne, Beigbeder fait tirer le kjackpot (ben oui on est toujours dans l'univers des jeux), et celui ci peut donner 4, 3,2,1 ou zéro coeurs, ce qui est l'infamie suprême pour le film en question ( L'immortel de Richard Berry avec Jean Réno ne s'en est jamais complétement remis).
Mais quelquefois, il arrive que tous les critiques sont unanimes autour d'une oeuvre, ce qui a été le cas dernièrement pour les films Tomboy et Une séparation. Peut-être que l'émission y est d'ailleurs pour quelque chose lorsqu'un film, qui a eu peu de publicités, marche bien en salles, ce qui serait salutaire pour la profession des critiques.
Contre cette émission dont je ne loupe pas un numéro, je n'émettrais qu'une seule réserve :il vaut mieux avoir vu les films qui nous intéressent avant leur passage au Cercle, car entre l'étude des scènes bien détaillée et la révélation de l'intrigue souvent un peu éventée, on a pas toujours envie de voir un film car l'effet de surprise sera amoindri, et cela, du coup, va à l'encontre du but premier de l'émission, à savoir inciter les gens à sortir fréquenter les salles de cinéma.
En effet, comme le dit Beigbeder (plûtot moins agaçant que dans ses anciennes prestations télévisuelles) à la fin de chaque émission, "tant qu'il y aura de la vie, il y aura du cinéma". Slogan oh combien d'actualité en cette semaine de fête de cinéma.