Tu verras: le retour en grâce de Nicolas Fargues
Souvenez vous ( voilà que je parle comme Drucker, c'est grave, docteur?), il y a quelques mois de cela, je faisais un billet sur un de mes auteurs francais favoris, Nicolas Fargues, et je déplorais le fait qu'il semblait se trouver sur une pente descendante, illustré par son Roman de l'été, décevant à tous les points de vue.
Heureusement Nicolas Fargues ne m'a pas écouté (pourtant il lit bien mon blog, comme tout le monde, non?) puisque son dernier roman à ce jour est l'occasion de nous faire preuve de son talent de manière absolument éclatante.
Le sujet de Tu Verras n'est pas des plus faciles : le narrateur, Colin, parisien quadragénaire qui se croit un peu au dessus de tout le monde ( on se demande toujours quelle est la part d'identification à l'auteur) vient de perdre son fils de 12 ans, Clément, passé sous les rames d'un métro.
Le titre, déjà, est magnifique. "Tu verras", ce sont les mots avec lesquels Colin ponctuait sans cesse ses lecons de morale assénées à son rejeton ("Mais plus tard, quand tu seras grand, lorsque tu entendras le nom de Turner, eh bien tu te souviendras de ce tableau et tu me remercieras de t'avoir amené ici, Tu verras. » « Les femmes, Clément, Tu verras, c'est Fuis-moi je te suis., ect...)
Et le souvenir forcément et terriblement douloureux de ces "Tu verras" est d'une beauté renversante, par la reflexion qu'elle entraine. En effet, a posteriori, on peut douter de la signification de ces heures passées à lui répéter ces leçons de vie qui n'auront, du coup, servi à rien? N'aurait-il pas valu plutot profiter de ces heures, de ces jours passés avec son fils, du bonheur de celui ci à écouter du rap et à porter son jean au ras des fesses sans le lui reprocher et passer pour le vieux con de service, la même image laissée par son propre paternel?
Colin n'est pas un personnage aimable de prime abord, mais son travail de deuil et toutes les questions qu'il se pose, suite à cette tragédie, en fait un être terriblement bouleversant, et pour moi un des plus beaux personnages de romans lu cette année.
Que transmet-on à ses enfants ? Comment vit-on avec eux ? Et surtout, dans quelle mesure ne les aime t-on pas trop ? Toutes ces questions, que je peux me poser en tant que père, Fargues ose y y apporter un point de vue, et même si je ne suis pas forcément d'accord avec toutes ces réponses qui sont parfois à la limite du réactionnaire et souvent à l'encontre du politiquement correct, elles ont l'immense mérite de nous interpeller dans nos convictions et nous faire réagir.
Tu verras est donc un roman bouleversant, qui fait infiniment réfléchir. Assurément, la cuvée Fargues 2011 est un excellent millésime.
Quant à moi, qui ai beaucoup lu de romans sur ce thème cette année, je vais peut etre me calmer en 2012, sinon je pourrais conccurencer le fameux Topito et me mettre à établir derechef un top 10 des meilleurs romans qui ont pour sujet sur la perte d'un enfant.