Les petits mouchoirs : Mon festival de Cannet
Alors là, je sais pertinement que, contrairement à samedi dernier où mon coup de griffe a presque fait l'unanimité, celui ci va déclencher des torrents de commentaires outrés car je m'attaque quand même à un des énormes cartons du cinéma français de ces dernières années, que tout le monde a vu (ou presque), et que tout le monde a adoré (ou presque)... Je sais par exemple que My Little discoveries l'a cité, au détour d'un quelconque tag, comme le film qui l'a la plus marqué cette année, pour plein de raisons. Et bien moi, je suis désolé, j'ai vu, comme plus de 5 Millions de Français, Les petits mouchoirs au cinéma, et j'ai pas vraiment partagé cet enthousiasme quasi général.
Et dieu sait pourtant que j'aime ce genre de films de copains: peut - être car, dans la vraie vie, je n'ai jamais vraiment fait partie d'un de ces groupes de potes qui passent leur vie et leur vacances ensemble, liés à la vie, à la mort (mes amitiés à moi étaient plus exclusives et souvent sous la forme de binomes mal assortis), et que du coup j'ai beaucoup projeté ce manque au cinéma. Car, c'est un fait acquis, plusieurs films de potes font partie de mes films de chevet.
En premier lieu figure le duo des films réalisés par Yves Robert, Un éléphant ca trompe énormémement et Nous irons tous au paradis : j'ai bien du voir une dizaine de fois ces deux films, éblouissants dans sa manière de confondre moments de complicité énorme entre ces 4 potes, et moments plus douloureux (oh la scène où les 3 amis de Bedos viennent sur le quai de gare annoncer la mort de sa mère). Et je fais partie de ceux qui vouent un culte au seul excellent film du tandem Poiré- Clavier "Mes meilleurs copains" avec une brochette d'acteurs au top (Lanvin, Bacri), et notamment Daroussin, et ses "y' pas mort d'hommes". Et évidemment le cinéma anglo saxon a livré aussi son lot de trés grands films sur l'amitié masculine, des Copains d'abord à Peter's Friend.
D'ailleurs, Guillaume Canet, si on en croit ses interview, a visiblement pris pour référence les modèles étrangers plutot que les français, et je trouve que cette influence ne lui sied pas forcément. Le gros problème du film pour moi réside dans le faible degrès d'empathie avec les personnages. Lorsqu'on va voir un films de potes, on a envie de rester avec ces types au moins deux heures, et on sort du cinéma en étant content d'avoir partagé un bout de la vie de ses mecs là. Et, en ce qui me concerne, les héros des Petits Mouchoirs, ce ne sont pas pas des personnes qui m'ont semblé super interessantes et passionnantes à voir vivre.
Egoistes, peu cultivés, superficiels, se prenant la tête pour des broutilles, ces gens là ne sont pas vraiment trés aimables, surtout les mecs (mais les filles, à part le personnage de Marion Cotillard, sont de simples faire valoirs). Alors, certes, rongé par le remords de voir leur ami sur un lit d'hopital se battre entre la vie et la mort, ils vont faire un travail sur eux- meme. Et faire en sorte que leur égocentrisme naturel disparaisse pour laisser place à la vraie valeur de la solidarité, mais ce cheminement intérieur m'a semblé trop être un artifice de scénario.
La faute peut etre à ce personnage de Jean Louis, ostréiculteur dans la vie et sur l'écran qui est chargée d'apporter la belle parole, et qui représente les vraies valeurs contre cette société individualiste et matérialiste que les autres personnages incarnent. Pas forcément faux, mais la charge manque de subtilité. Et si beaucoup de gens se sont gaussés sur la performance de Cluzet, j'ai trouvé qu'il en faisait des tonnes dans le rôle de cet odieux personnage de stressé qui se pourrit la vie et surtout celles des autres. Et du coup, j'ai pas cru du tout au soi disant flash amoureux que ressentait Magimel à son sujet.
Bon, certaines scènes sont quand même assez réussies, notamment grâce à Laurent Laffite (vous savez, le sosie de Michel Leeb) qui distille une certaine fraicheur, et la fin, lacrymale juste ce qu'il faut a de quoi émouvoir.
Visiblement, ce film, qui a connu un énorme succès, a également vu des réactions de rejet assez fortes à son encontre, et d'ailleurs, dans un entretien lu cette semaine, Guillaume Canet en a pleinement conscience et dit en connaitre les raisons. Il prétend que ceux qui ont détesté le film ont eu le dégout de voir une sorte de miroir de leur personnalité, car ces êtres, reflet de la société actuelle. Je ne pense pas du tout ressembler à un seul des personnages des petits mouchoirs, mais ci c'est le cas, il ya de quoi sortir de la salle bien déprimé.