Baz'art  : Des films, des livres...
13 avril 2012

Une métamorphose iranienne: stupéfiant et révoltant!!

Metamorphose-iranienne-couv-600Le week end passé, j'ai fait un petit tour aux urgences de ma ville. La faute à un voyage en avion que j'ai tenu à faire alors que j'avais déjà une otite, et à une perforation du tympan qui s'est ensuivi (mon tympan a voulu jouer le remake de "voir Rome et mourir"). Sachant que j'allais rester de longues heures à attendre qu'un urgentiste daigne bien s'occuper de moi, je  me suis empressé avant de partir, de prendre,en plus de 3 journaux quotidiens, un ouvrage qui me tombait sous la main pour combler mon attente. Et l'ouvrage en question, c'est une BD que je venais tout juste de recevoir, offert par mon journal Libération, dont l'auteur est un certain Mana Neyestani, et qui a pour nom Une métarmorphose iranienne.

Si a priori on pourrait penser que cette histoire de dessinateur poursuivi par les autorités de son pays et contraint de fuir les instances judiciaires et politiques n'est pas la lecture idéale pour me remonter le moral, en fait, j'ai puisé dans ce récit édifiant la force de relativiser mon petit bobo : qui suis je pour me plaindre d'attendre deux petites heures dans un hopital de France alors que Neyesteni a vécu l'enfer des prisons iraniennes et la honte des humiliations publiques, pour  un délit qui  nous parait totalement disproportionné à ce qu'il a enduré? 

En effet, Mana Neyestani est au départ un fils d'un très grand poète iranien, et également architecte de formation, reconverti dans la BD enfantine écrivant notamment dans une revue pour la jeunesse, donc a priori  un univers peu suseptible de géner un régime iranien pas forcément reconnu pour garantir une bonne liberté de pensée.

Seulement, un jour, l'auteur imagine pour une nouvelle BD, les aventures d'un petit garcon et d'un cafard, et a le malheur de placer, de manière totalement fortuite, dans la gueule du cafard, une interjection pouvant etre considérée comme empruntée au vocabulaire azéri, une des tribus minoritaires de l'Iran.

Pour avoir dessiné ce cafard,  Mana Neyestani va déclencher la colère des populations azéris du nord de l’Iran. Comment peut-on oser comparer les turcs à des cafards? La minorité azérie ( dont je n'avais en fait jamais entendu parler),vit dans le Nord de l’Iran et a longtemps été opprimée par le pouvoir central. Le dessin de Mana Neyestani est perçu comme un outrage de trop, et le prétexte idéal pour déclencher des émeutes.

1702Mana_prison-ITWMana Neyestani et son rédacteur en chef ont beau présenter des excuses, rien n’y fait. La situation s’envenime et prend une ampleur inattendue, en très peu de jours.

Même si je m'en doutais déja, le récit de Mana Neyestani nous démontre merveilleusement bien à quel point la vie peut basculer pour un  détail insignfiant. Ce détail prend ici la forme d’un mot, et de sa mauvaise interprétation, qui vont complètement bouleverser la vie de l’auteur, le faisant passer d’artiste établi à exilé politique en passant par un séjour dans les geôles de son pays natal. metamorphose-iranienne-neyestani-L-UJ2d6t

 Une métamorphose iranienne raconte donc de manière à la fois réaliste et allégorique (voir dessin à gauche) cette descente aux enfers, l’enfermement, l’accusation, la menace, l’absence de possibilité réelle de défense,la douleur... Puis la liberté retrouvée, mais constamment mise en péril et l’exil inévitable vers les Emirats Arabes Unis, d’abord, puis divers pays (Turquie, la Chine et la Malaisie), puis enfin la France, où il est accueilli,depuis un an, grâce au réseau international de villes refuges Ircon.

Cette BD vous transporte (j'en étais presque à ne pas vouloir que ca soit à mon tour d'être pris par l'ugentiste) autant par l’incroyable histoire qu’elle raconte que par la puissance graphique qui la porte.  Et le livre est aussi un réquisitoire féroce sur le système judiciaire iranien.  La référence à Kafka, omniprésente, n'est absolument pas anodine, tant la mécanique répressive apparait totalement antiliibertaire et totalement absurde. 

Evidemment, le livre, surtout les passages dans la prison, vraiment éprouvants, a un  petit coté anxiogène, que les murs blancs de mon hôpital n'ont fait qu'accentuer, mais, en fin de compte, ma lecture s'est achevée sur deux bonnes nouvelles : Neyestani est libre ( bien qu'il n'est pas pret de retourner en Iran de sitôt) et mon tympan devrait s'en sortir d'ici peu...:o)

 

Commentaires
F
oui cette BD vaut vraiment le coup...et pour les séquelles irreversibles,j'espère pas, mais je t'avouerai que c'est pas encore le top là niveau audition :o)
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P
Quel bel article filou ! Tu me donnes envie de foncer me procurer cette BD ! <br /> <br /> Et ravie d'apprendre que tu vas mieux, j'espère de tout cœur que tu n'auras pas de lésions irréversibles :(
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F
disons que le tympan fait encore de la résistance...la partie qui est restée à Rome n'a pas envie de revenir :o) on peut la comprendre
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M
Héhé, bon rétablissement Filou, j'espère que ça va mieux! ;o)
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