Soyons un peu suicidaire, et faisons fuir tout ceux ou celles qui pourraient être attiré(e)s par mon titre. Et si on commençait cet article sur The Voice, l'émission super populaire de TF1 qui bat tous les records d'audience, par un petit cours de sociologie, ca vous dit?

Alors, allons y : connaissez-vous Bernard Lahire, sociologue de son état? Non? Dans ce cas, sachez juste qu'un jour, ma copine, qui avait voulu me cultiver un petit peu (quelle idée saugrenue), m'avait emmené voir une conférence de cet éminent professeur. Ce dernier publiait à l'époque La Culture des Individus, "longue réflexion sur la compréhension sociologique des pratiques culturelles et, plus largement, des styles de vie", très gros pavé qu'on avait achété dans la foulée, et qui, depuis, sert parfois de marche pied pour accéder en haut de notre bibliothéque.

Bref, ce que j'avais retenu de son intervention orale résumant ses 800 pages (enfin un résumé de 3h30 quand même), c'est que chaque individu possède en lui de vraies disonnances culturelles, c'est à dire qu'il peut apprécier la plupart du temps des arts majeurs, prétendument de haute qualité (par exemple l'opéra) sans pour autant bouder son plaisir de temps en temps, devant des divertissements plus légers ( euh, Camping 2?, non là, l'exemple est une peu trop caricatural quand même)

Bref, vous voyez où je veux en venir : j'ai beau vous pondre des billets de 100 lignes sur d'obscurs films allemands ou suédois, tous les samedis, je suis devant mon petit écran à 20H50, depuis 6 semaines déjà, à vibrer devant les performances des candidats de The Voice, et grâce à Lahire, je n'en éprouve aucune honte...Vous voyez enfin à quoi ca sert , la sociologie? :o)

Trève de plaisanteries, maintenant que j'ai laborieusement tenté de me déculpabiliser, passons maintenant aux choses sérieuses, et répondons à la seule question qui vaille le coup : et il pense quoi, le fan de Bergman, de cette énième émission de Télécrochet musicale?

Oui, j'en pense quoi, de cette fameuse émission dont on nous rebat les oreilles depuis près d'un an et qui mélange, dans le jury des has been, dont certains n'ont jamais vraiment été been ou alors (Jennifer ou Garou qui a plus été Mister Bean), en animateur l'éternel Nikos, qui aurait tant aimé sortir de ses émissions musicales (vous vous rappellez de son émission culturelle sur LCI?) et sur la scène tout un tas de semi professionnels qui ont déja, pour la plupart, connus les prémisses de la gloire?

Eh bien, j'en pense plutôt du bien, sinon je ne la regarderais pas tous les samedi, le masochisme a ses limites tout de même...

Mais au lieu de me perdre dans des palabres dont je me fais une spécialité, simplifions la chose et mettons des "plus" devant ce que j'ai aimé, et des "moins" devant ce que j'ai moins aimé (bon là, pas besoin de lire Lahire pour comprendre, pas vrai?)

Les plus de the Voice

+ La qualité d'ensemble des candidats : au début de l'émission, je m'attendais à avoir une pluie de casserole comme dans le dernier télécrochet en date, ce X factor de triste mémoire, or, dès la première émission, on doit se rendre à l'évidence: tous les protagonistes savent chanter, qu'on aime ou on aime pas la tessiture de l'un ou de l'autre;

+ Le principe même de l'audition les yeux fermés, ce concept pourtant tout bête qui a cartonné dans tous les pays. Et même si au final, beaucoup de beaux gosses et de belles plantes ont été retenus, cela a donné une nouvelle fraicheur à ce genre d'émission;

+ La complicité évidente du jury, qui visiblement, ne se déteste pas et qui surtout ne tirent pas la couverture à eux comme pouvaient le faire Manu Katché, Manoukian ou Marianne James dans la Nouvelle Star;:

+ 4 équipes composés de candidats assez hétéroclites et ayant leurs caractéristiques propres, souvent à l'image du coach à sa tête, comme si chaque membre du jury voulait donner sa couleur musicale à son groupe.

Les moins de The Voice :

- La qualité d'ensemble des candidats: Aucune casserole certes, mais justement, le processus d'indentification inhérent à toute bonne émission de téléréalité peut être moins fort que prévu si de suite ces chanteurs apparaissent à des années lumières de nous...et puis, qui ne s'est pas esclaffé devant les inoubliables de la Nouvelle Strar? Ici, la seule qui nous fait marrer, c'est Virginie de Clausade, chargée de relayer les buzz des réseaux sociaux, mais, hélas, ce n'est pas volontaire

- Le concept du casting à l'aveugle : une bonne idée, oui, mais après 2 émissions, une fois que tout le monde a montré sa tronche, elle disparait purement et simplement...en même temps, je vois mal comment ils auraient pu faire autrement :o)

- La mollesse d'ensemble du jury: Certes, Katché, Manoukian, et James donnaient plus l'impression de flamber leur égo que de découvrir des talents, mais en même temps, leurs analyses étaient autrement plus pertinentes et plus poussées que ceux du jury, et surtout leur ( faux?) affrontements étaient quand même  autrement plus drôles..                         Ici, Bertignac et Pagny donnent quand même la facheuse  impression de s'ennuyer terriblement et n'être là que pour des raisons fortement mercantiles....et puis, Jennifer, quand même, qui donne des conseils à des mecs qui ont au moins 10 ans d'experience de plus qu'elle dans le métier, vous en pensez quoi, vous?

- L'étrange constitution des équipes : des équipes hétéroclites, certes, mais surtout terriblement déséquilibrées. A trois émissions de la fin, ce sont les équipes de Jennifer et de Garou qui apparaissent nettement au dessus de celles de Pagny et Bertignac. Bref, les deux équipes des coachs qui possèdent pourtant a priori le moins de crédibilité artistique...Tout petit hic, non?

     Bref, vous l'aurez compris, tout ce que j'ai mis en "plus", je l'ai détruit ensuite en "moins", Autrement dit, j'ai pondu un billet qui n'aurait pas déplu à François Bayrou, le chef de file des consensuels qui ne prennent jamais partie...Tiens, au fait, il lit Bernard Lahire, notre cher François Bayrou? Pertinente réflexion à creuser,n'est ce pas?....