Petit bilan du festival de Cannes à mi parcours : la France à l'honneur?
Je ne vais évidemment pas jouer les mythomanes et prétendre que je suis en direct de la Croisette me faire le plein de films, puisque personne ne me croirait. Mais, comme depuis mercredi dernier, et comme tous les ans, je baigne tellement dans l'ambiance cannoise, en guettant le moindre tweet, le moindre article de la presse écrite ou la moindre émission de radio et de télé, je pense être capable de faire un petit bilan après une semaine de compétition, en sachant évidemment, qu'au moment où je ponds ce billet, il reste encore de gros morceaux qui ne sont pas encore passés en Selection Officielle (les films de Cronenberg, Walter Salles, Jeff Nichols, Leos Carax...)
Personnellement, vu que je n'ai vu qu'un seul film de la compétition ( Moonrise Kingdom, le film d'ouverture qui m'a que très moyennement emballé, j'y reviens plus longuement bientôt), je vais surtout vous donner un aperçu des impressions générales du festival, des favoris aux déceptions.
Mais comme je ne serais pas chez moi ce week end prochain (mais malheureusement toujours pas sur Cannes), je ne pourrais malheureusement pas livrer mes pronostics définitifs, au vu des rumeurs de veille de festival, souvent les plus parlantes pour se faire une idée précise du palmarès en devenir. C'est donc dès à présent que je fais une petite synthèse de ce début des festivals, d'après les échos des journalistes et festivaliers qui ont bien voulu nous donner leurs impressions ( cinématographiques si possible, pas ceux qui dissertent longuement sur leurs tenues du soir ou sur l'heure à laquelle ils ont quitté la soirée de la veille)
Pour l'instant, après 5 jours de festival, et 11 films sur les 22 présentés en sélection officielle, on peut dire sans se tromper que l'édition 2012 semble moins forte que la 2011 car à moins que tous les films chocs passent les derniers jours, les déceptions furent plus grandes que l'an passée, et surtout il ne semble pas y avoir de films incontestables comme l'an dernier, où on avait pu grosso modo en compatibiliser une bonne demi douzaine (Tree of life, mais aussi Melancholia, La Piel que habito, Drive, Polisse, The artist...)
Au jour d'aujourd'hui (j'ai écrit mon billet lundi soir, donc avant la présentation de Cogan la mort en douce d'Andrew Dominik, In Another Country de Hong San Soo et de la Route des anges de Ken Loach, pas sûr que ces films viennent bouleverser la donne), ce sont, sans chauvinisme aucun (ou si peu) les 2 films français en compétition (car si Hanecke a eu la palme d'or en 2009 sous pavillon autrichien, ici c'est sous la bannière de la France, pays des producteurs du film en compétition, qu'il concourt) qui ont laissé la meilleure impression d'ensemble :
1. De rouille et d'os : Audiard dans la cour des grands
Pour le moment, et ce n'est pas pour me déplaire tant je pense que le film sera un de mes préférés de cette sélection, c’est le film de Jacques Audiard, De rouille et d’os, qui a fait son petit effet en projections (pleines à craquer) et en conférence de presse. Thierry Frémaux croyait même se souvenir, jeudi soir, que l'ovation réservée au film de Jacques Audiard était l'une des plus ferventes depuis des années.On murmure même ici que si un prix d’interprétation n’est pas attribué à Marion Cotillard ou Matthias Schoenaerts, cela serait surprenant…
.Le film démarre aussi sur les chapeaux de roues au box office, avec une première journée sur Paris impressionnante en terme d'entrées, et 600 000 entrées France en 4 jours. Et au niveau de la presse, malgré quelques bémols, ici et là, De rouille et d'os s'est aussi installé en première ligne des favoris de la critique internationale, avec une moyenne de 2.9 (sur 4) dans le panel de Screen magazine. Pareil chez les critiques d'ici, interrogés par le Film Français. Pour l'instant, il y a peu de concurrence, à part le dernier film de Michael Haneke, qui, lui aussi, tient solidement son rang de favori.
2. Amour de Michael Haneke : Une valeur sure fidèle au poste
Un choc salutaire administré, dimanche matin, par Michael Haneke. Dans le sobrement intitulé "Amour", le grand cinéaste autrichien raconte une tragédie universelle : la vieillesse, la déchéance, la mort, emmené de main de maitre par un grand Jean-Louis Trintignant, qui mériterait, infiniment, un prix d'interprétation.
Amour est un film dont les festivaliers semble avoir apprécier la finesse psychologique et et la délicatesse de l’ensemble. La froideur habituelle du cinéaste pairaitrait se teinter d’une tonalité plus sensible. Assurément l'un des grands chocs de ce festival qui a provoqué des réactions extasiées à la sortie de la séance de presse La presse française est enthousiaste, à l'exception d'Eric Neuhoff du Figaro qui déteste (mais Neuhoff, que je suis dans l'émission du Cercle n'est pas absolument pas un critique de cinéma crédible). Sept titres, cités par le Film Français, lui décernent une palme (Première, La Croix, Positif, Le Parisien, L'Humanité, Ouest France et le JDD). La presse internationale est globalement emballée, mais la moyenne des notes des journalistes interrogés situe le film de Haneke au même niveau est un peu inférieure à la française
Le reste des autres films : Légères déceptions et gros flops
Comme je le disais, le reste de la compétition officielle du Festival de Cannes semble, surtout dans les premiers jours, avoir réservé bien des déceptions. Ambiance morose, de faux scandales (Paradies - Liebe d'Ulrich Seidl) en tunnels d'ennui (Au-delà des collines de Cristian Mungiu, La chasse de Thomas Vinterberg)...
Enthousiasme modéré pour le Wes Anderson, la comédie loufoque de Wes Anderson qui divise les avis (à Cannes comme sur la blogosphère) ou pour le film d'Abbas Kiarostami, un des réalisateurs préférés du président du jury.
Certains films, au sujet pourtant fort, sont passés totalement inaperçus (comme le film de Youri Nasrallah sur la révolution egyptienne, Après la bataille ou bien Lawless, le film de John Hillcoat écrit par le bluesman Nick Cave, western se déroulant pendant la prohibition dont certains se sont carrément demandés pourquoi le film était sélectionné en compétition.
D'autres longs métrages ont, au contraire, créé des polémiques qui ont divisé la croisette en deux clans, comme Paradis : Amour d'Ulrich Seidl, sur des femmes âgées et disgracieuses qui se paient des gigolos africains, dont les défenseurs paraissaient toutefois plutôt moins acharnés que ceux qui se sont déchainés contre la « complaisance » et le « regard obscène » du cinéaste autrichien.
Très attendu, Reality, le nouveau film de Matteo Garrone, le réalisateur du puissant Gomorra, satire sur la télé réalité, a déçu lui aussi une bonne partie des festivaliers, de par la façon un peu datée d'aborder son sujet. Et que dire du film d'Alain Resnais, Vous n'avez encore rien vu, dont les derniers films pourtant pas terribles étaient défendus à corps et à cri par la profession, et qui là, semble avoir dérouté et ennuyé tout le monde ou presque?
Malgré ces journées qui ne cessent de décévoir critiques et certains festivaliers, certainement pas vraiment remis de la qualité de l'édition précédente, se dégage toutefois, dans les premiers films présentés, une constance, que tout le monde ou presque a souligné: des performances d'acteurs assez prodigieuses.
En effet, que ce soit Matthias Schoenaerts, Tom Hardy, Aniello Arena (l'acteur de Reality qui n'a pu être présent à Cannes, car il est incarcéré et n'a pu se libérer que pour tourner le film), Jean Louis Trintignant, Mads Mikkelsen, tous pourraient prétendre à un prix d'interprétation masculine. Pour les femmes, Marion Cotillard se sent bien pour l'instant bien seule. Et ce ne sont pas les futurs Cosmopolis ou Sur la route, qui semblent donner la part belle aux hommes, qui risquent de changer la donne.
De mon coté, d'après ce que j'ai pu lire et ici et là, et connaissant mes gouts personnels, j'ai très envie, je l'ai déjà dit, mais je le répète, de voir De rouille et d'os ( très bientôt, je l'espère), mais aussi Reality, dont la filiation avec la comédie italienne des années 70 me séduit, et dans une moindre mesure La Chasse, au sujet qui m'interpelle. Quant au film d'Hanecke, malgré ce qu'on dit, j'ai un peu peur du coté cérébral et froid présent dans toutes les oeuvres de ce grand formaliste qui s'érige souvent en moraliste, mais cela dit, cela ne m'avait pas empeché d'apprécier Caché ou La Pianiste.
Par contre, je pense que je détesterai le film roumain (trop lent et ennuyeux) ou l'autrichien ( trop haineux envers ses personnages), mais sait-on jamais, tant que je n'ai pas vu les films en question, tout cela reste en l'état d'impressions. Et vous, si vous suivez Cannes aussi attentivement que moi, quel film de la programmation vous a fait le plus envie jusqu'à présent?