Moonrise Kingdom : joli mais un peu vain
Je l'avais déja très brièvement évoqué dans mon bilan des films de Cannes puisque à l'époque c'était le seul film de la compétition que j'avais vu (depuis, cela a quelque peu changé), Moonrise Kingdom ne m'a pas vraiment réconcilié avec Wes Anderson, un cinéaste que pourtant un très grand nombre de cinéphiles adorent.
Pour ma part, j'aurais tendance à placer Wes Anderson dans le même sac que Sofia Coppola (les deux cinéastes sont d'ailleurs très proches dans la vie), et en général, les fans de l'un adorent aussi l'autre.
Il existe effectivement des similitudes très fortes dans leurs univers respectifs: image très stylisée, soin particulier apporter au décor, à la lumière pour créer un univers assez évanescent. bref, tous deux sont de vrais formalistes qui soignent leurs mise en scènes, facilement identifiables dès les premières images. Le revers de la médaille, pour tous les deux, résident, à mon sens, dans la faiblesse de l'écriture scénaristique : à force de perfectionner leurs mises en scène, ces cinéastes oublient de nous tisser un récit digne de ce nom, et les personnages qui habitent ce récit semblent trop figés, trop artificiels, pour nous sembler être constitués de chair et de sang.
C'est ce que j'ai ressenti à la vision d'une grande majorité de leurs films, et notamment ceux d'Anderson, de La Vie aquatique à La famille Tennembaum, et c'est malheureusement ce que j'ai continué à éprouvé en allant récemment voir Moonrise Kingdom dans les salles. Pendant toute la projection du film, je n'ai pu que m'incliner devant la maitrise totale du cadre, de l'image, de la beauté des plans, mais en même temps, tout cela me paraissait tellement pensé, tellement réfléchi, et malheureusement tellement trop corseté que l'émotion n'affleure jamais vraiment.
Wes Anderson situe en effet son film dans une île fantasmée de la Nouvelle Angleterre et ce coini stimule pas mal les réalisateurs, de Polanski ( Ghost Writer) à Martin Scorsese ( Shutter Island) même si l'imagination d'Anderson est plus solaire et légère que ses illustres prédecesseurs.
Dans cette ile, la population se divise entre adultes immatures, parfois stupides et toujours mélancoliques d'un côté, et enfants astucieux, hyper-sérieux et ayant un énorme sens des responsabilités d'autre part. La marque de fabrique d'Anderson est bien résumée dans ces deux lignes, c'est bien ce style osccilant entre ce burlesque provenant de situations toujours un peu décalées, et une vraie mélancolie émanant de ces personnages adultes qui regrettent leurs enfance.
Wes Anderson nous narre une histoire d'amour entre préadolescents avec une paire d'acteurs adolescents sympathiques, à défaut d'être réellements attachants. Sam, le scout malin, et Suzy, la gamine rebelle, s'aiment, et ne veulent laisser personne les en empêcher, naturellement surtout pas leurs parents, qui semblent avoir, de leurs cotés, oublier la signfication des sentiments, amoureux ou non.
La mise en scène d'Anderson, comme toujours, privilégie la veine contemplative à l’action et aux rebondissements en rafale. Cela ne me dérangerait aucunement si le tout ne donnait pas ce sentiment que Wes Anderson est avant tout un styliste, voire un poseur et pas vraiment un bon raconteur d'histoire. Le film manque en effet de vraie consistance, et d'enjeux dramatiques, tant tout est uniquement créée dans le but de rester dans le cadre extrémement rigoureux posé par le cinéaste, et de ne surtout pas en dépasser.
Ainsi cadrée, la mise en scène, trop étouffante, empeche le film d'avoir le souffle de vie et de liberté qu'Anderson aimerait pourtant tant insuffler à ses personnages.
Bref, Moonrise Kingdom est un film pétri de qualité et reste en cela très agréable à regarder, mais c'est aussi un film qui ne m'a jamais vraiment emporté et fait vibrer comme je l'aurais voulu. Ainsi, et pour toutes ses raisons, son absence au Palmarès du dernier festival de Cannes ne m'a absolument pas paru relever du scandale.