Les lieux sombres: mon ultime coup de coeur estival!!
Bon, avant de fermer totalement le chapitre de mes coups de coeur littéraires de l'été, et d'attaquer frontalement mes chroniques de mes lectures de la rentrée littéraire ( ce que j'ai déjà commencé avec les ombres de marge finally et La déesse des petites victoires), je reviens une ultime fois sur les poches qui m'ont profondément marqués cet eté.
Ici, le genre est totalement différent du livre de Jonathan Coe ou Fouad Laroui (mes autres coups de coeur) puisqu'il s'agit d'un polar, dans une veine thriller psychologique très sombre, et sans hésiter une seule seconde, je dois dire que ce livre est vraiment un chef d'oeuvre du genre.
Le polar, cela fait plusieurs mois que je n'en avais pas ouvert, après en avoir lu plus que de raison l'année passé, grace notamment aux différents jurys policiers auquel je participais. J'avais été du reste un peu lassé de ce type de lecture, trouvant que le genre a parfois du mal à se renouveller. C'est pourquoi la lecture de ces lieux sombres, dont j'avais effectivement entendu énormément de bien avant de le lire, a été un vrai plaisir de tous les instants, et m'a permis de me réconcilier (le mot est un peu fort, on était pas faché non plus) avec cette littérature là...
L'auteur, c'est, Gillian Flynn , diplômée de journalisme de l'université de Kansas avant de poursuivre sa formation à l'école de journalisme de la North Western University. Après avoir écrit pour différents journaux , elle se lance parallèlement dans l'écriture de son premier roman Sur ma peau, paru en 2006, et que je n'ai pas eu la chance de lire. Aujourd'hui elle vit à Chicago où elle poursuit une carrière d'écrivain. Son second roman, Les lieux sombres, est paru en 2009, et un troisième, Les apparences vient juste de sortir chez Sonatine, et je meurs d'envie de le lire pour voir si elle continue sur cette lancée.
L'histoire des Lieux sombres commence dans les années 80, lorsque l'héroïne Libby Day, sept ans, voit sa mère et ses deux sœurs sont massacrées dans leur ferme. La petite rescapée désigne son frère Ben, quinze ans, comme étant le meurtrier. Vingt-cinq ans plus tard, alors que Ben purge toujours sa peine « condamné en dépit d'une absence criante de preuves matérielles » et que Libby souffre de dépression et vit chichement, elle accepte contre une somme d'argent proposée par une association d'amateurs passionnés par cette affaire de revenir sur les lieux du drame.
Dès les premières pages, on sait qu'on affaire à du très haut de gamme, à un roman superbement écrit et construit :l'intrigue alterne en effet, ( et un peu comme pour la déesse des petites victoires d'ailleurs), séquences du passé et du présent. avec une rare fluidité, mélant à la fois suspens haletant et personnages et décors trés habilement campés.
Dans un contexte pesant, dépeignant une l'Amérique rurale emplie de misère physique et morale, l'auteur nous raconte l'histoire de personnages au passé lourd, bien loin de l'image des winners dont Holywood ou les séries nous abreuvent à longueur de temps. La narratrice est une vraie anti héroîne, fille devenue, à cause de sa tragédie enfantine, associale et immature, et qui se révèle au fil des pages d'une sensibilité insoupçonnée, et son frère est un accidenté de la vie, totalement dépassé par les événements.
Gillian Flynn tisse avec ce roman une admirable trame psychologique sur fond de Middle West dévasté par la crise économique. Tous les acteurs du drame vont apparaître sous des jours divers au fur et à mesure de la progression de l'intrigue, le père minable alcoolique dépensant les maigres revenus de la famille avant de se barrer, la mère qui élève seule ses enfants comme elle peut dans la ruine annoncée de son exploitation agricole, les enfants aux caractères variés, l'adolescent Ben, seul garçon de la tribu, qui peine à s'affirmer dans son rôle d'homme.
L'auteur nous balade à son gré, entre bars sordides et sectes Satanistes, avec en toile de fond, dealers, arnaques, attouchements sexuels sur de jeunes gamines,sans que jamais la barque ne se charge trop.
Et comme dans les plus grands polars à tiroirs, nos soupçons divergent au fil des pages, porteront sur tel ou tel personnage, Libby elle-même ne sachant plus très bien si ce qu'elle pensait avoir vu cette nuit-là s'est réellement passé ou non.
Entre le roman social, psychologique, noir et policier, la romancière mène son intrigue de main de maître, et de manière crescendo jusqu' à la révélation finale (peut etre un chouya décevante, comparé au reste du roman).
Les lieux sombres est en tout cas un éblouissant livre noir qui nous donne à voir une Amérique comme on en voit rarement, mais qui semble tout à fait fidèle à la réalité.