Baz'art  : Des films, des livres...
22 octobre 2012

Mon week end avec Ken Loach : 1. La remise du prix Lumière

 ken loachJe ne pourrais dire si cela est du au faible nombre existant de blogueurs lyonnais spécialisés dans le cinéma, toujours est-il que le service communication du Festival Lumière m'a vraiment gaté cette année en accèdant à toutes les demandes que j'avais pu faire quelques semaines auparavant.

Si je n'ai pu hélas me présenter à tout ce que j'avais désiré (et notamment, excusez du peu, les cérémonies d'ouverture et de clôture), je n'aurais voulu rater pour rien au monde les deux évenements autour du prix Lumière de cette année, Mister Ken Loach en personne.

Ainsi, samedi soir, j'ai pu assister à la cérémonie de remise de ce prix Lumière se déroulant à l'Amphithéatre des Congrés de la Cité Internationale, et, cerise sur le gateau, hier matin, j'ai eu l'immense privilège d'assister à la conférence de presse de Mister Loach découlant de ce prix.

Pour partager avec vous mes impressions de ce week end éminement "loachien" ( sans même parler des films de lui que j'ai pu voir dans le cadre du festival et dont je parlerais encore plus tard), je vous livre un compte rendu forcément subjectif de ces deux moments forcément mémorables, autour d'un artiste que j'admire et que je consdière comme un des plus grand cinéastes en activité.

Mais pour ne pas que le billet soit trop long, et vous décourager de le lire, je préfère le couper en deux parties distinctes sur ces deux différents évenements qui me marqueront certainement pour longtemps, et revenir dans un premier temps sur la soirée de samedi de remise du prix proprement dit.

Si des 3 grandes soirées phares du festival, j'ai choisi de privilégier celle de la remise du prix Lumière, ce n'est pas seulement en raison de la personnalité du cinéaste récompensé, mais aussi car c'était la seule qui avait lieu à la salle de la Cite Internationale (anciennement salle des 3000), salle que je préfère largement à la Halle Tony Garnier, pour son confort, son design, son acoustique, et sa facilité d'accès par rapport à mon domicile.

Cela étant, lorsque je suis arrivé 20 minutes avant le début de l'heure annoncée, et vu les places que les bénévoles du festival m'indiquaient pour accueillir mes jolies fessounes dessus, je me suis dit qu'ils auraient pu choisir une salle un peu moins grande vu qu' à la place de Loach, Frémeaux et autres, j'allais plus voir des fourmis... En même temps, je me disais aussi que d'où j'étais, j'avais une belle vue d'ensemble sur les 3000 personnes que composaient l'assistance, tous venus pour célébrer le plus grand réalisateur britannique actuel.

Et puis, les organisateurs avaient décidé de retransmettre sur écran géant l'intégralité de la cérémonie, et même les préparatifs, avec l'arrivée  sur tapis rouge de toutes les personnalités présentes à la soirée.

Bref, on se croyait un peu à feu Champs Elysées de mon enfance, où, dès le générique, l'on voyait les stars  jaillir une par une  d'une limousine pour se mettre sous les feux des projecteurs.

Cette présentation avait au moins la particularité de mesurer la côte de popularité de ces différents invités : ainsi, à l'applaudimètre, et à mon grand désespoir, Laurent Gerra et Virginie Effira l'emportaient nettement devant les frères Dardenne (que mes voisins de droite ont pris pour les frères...Coën :o),  ou bien encore devant Frédéric Pierrot et ma chère Julie Gayet (arrivée étrangement au bras de Gérard Collomb, le maire de Lyon),

Cependant, et de façon évidente, ces applaudissements  n'étaient rien, comparés à l'immense ferveur qui attendait l'arrivée du maitre de cérémonie Thierry Frémaux, et de l'équipe qu'il accompagnait, à savoir Ken Loach himself, son épouse Leslie, sa productrice Rebecca O'Brien, son scénariste habituel Paul Laverty, sans oublier et celui qui était désigné pour lui remettre son prix, the "King" Eric Cantona, qui n'avait pas volé son surnom, car avec sa barbe de 15 cm et sa stature de plus en plus impressionnante, quelque chose de royal (peut-être  des réminissences du roi Ubu qu'il a joué récemment au théatre?) émanait éffectivement de lui.

Après quelques mots d'entrée de Thierry Frémaux (définitivement très à l'aise avec un micro, le genre de facilités que j'admire particulièrement) et un montage vidéo reprenant la quasi intégralité des films présentés lors du festival, il était l'heure de diffuser le film choisi pour célébrer Ken Loach, et vu la présence de Canto, il était logique que ce soit Looking For Eric qui passa sur l'écran géant de cette salle, transformée en l'occasion en salle de cinéma géante...3000 personnes qui riaient à l'unission aux aphorismes du Cantonac du film (largement inspirées de celles tenues par le vrai), ca faisait vraiment quelque chose!

Si, comme je l'ai dit plus haut, je reviendrais dans un prochain billet sur ce film ( et sur l'autre fiction que j'ai pu voir de Loach durant ce festival), je ne saurais passer sous silence l'émotion intense qui m'a envahi lorsque, une fois envolé le générique de fin, les 3000 personnes se sont levées comme un seul homme pour applaudir le réalisateur anglais, qui semblait sincèrement très ému par cet accueil et cette reconnaissance du public français.

Une fois la standing ovation passée, l'ensemble des personnalités invitées furent appelés par Thierry Frémaux à venir s'asseoir sur la scène, sur un des confortables sièges dréssés pour l'occasion (en plus de ceux cités plus haut, figuraient notamment Arianne Ascaride, Hypolite et Anna Girardot, et l'immense Jerry Schartzberg, restés sur Lyon depuis le  début du festival et son Epouvantail qu'il avait présenté en ouverture). Ces protagonistes du cinéma n'ont pas dit le moindre mot, elles venaient simplement rendre un hommage mutique au héros du soir.

Une fois tout le monde installé ou presque (il manquait pas mal de sièges pour la trentaine d'artistes présents), Frémeaux lanca sur un grand écran une rétrospective d'une dizaine de minutes sur la filmographie de Ken Loach, un montage très réussi de l'oeuvre du cinéaste, où l'on voyait les films d'hier répondre à ceux d'aujourd'hui. Bref, un film qui donnait une folle envie de revoir tous ses films!!!

Juste après ce film, Thierry Frémaux a lu un texte de Bertrand Tavernier, président de l'Institut Lumière et coorganisateur du festival, mais resté à Paris pour raisons de santé; texte évidemment trés politisé (que Laurent Gerra, placé juste derrière Frémaux, semblait modérément apprécier) et également très lyrique (fidèle au style Tavernier) sur l'influence du cinéma de Loach sur son propre cinéma.

Frémaux lacha ensuite sa lettre pour partir sur son propre hommage à Ken Loach, multipliant les anecdotes sur la simplicité et l'humilité de l'homme (qui préferait notamment venir à ce festival en train, car cela couterait moins cher pour l'organisation),ainsi que sur sa passion du foot, Loach étant visiblement totalement déséspéré dès que son cher club de Bath perd le moindre match...

Puis, ce fut au tour d'Eric Cantona d'être invité à rejoindre la scène. Et King Eric, fidèle à l'image qu'il donne, nous a alors révélé qu'il avait rencontré  dans sa vie seulement "deux personnes alliant le génie et la passion : Alex Ferguson (l'entraineur de Manchester United, son ancien club) et Ken Loach, deux personnes qui ont tout gagné et qui ont fait ce qu’il y avait de plus beau…"

Si personnellement, j'admirerais toujours forcément un peu plus un cinéaste plus qu'un vulgaire entraineur de foot, j'imagine que, dans la bouche de Canto, ce genre de compliments vaut son pesant d'or et nous démontra à sa facon qu'il était fier de remettre le Prix Lumière 2012 au réalisateur britannique.

Ce dernier, qui, à son tour, sous des nouveaux vivas du public, fut appellé par Thierry Frémeaux à rejoindre l'estrade. L'ex numéro 10 des Reds de Manchester lui remit le prix (qui pouvait d'ailleurs faire penser à une trophée sportif), et Loach, dont la voix tremblait au départ un peu d'émotion, nous fit un long discours, passionnant, qui en dit long sur l'humanité et les convictions de cet artiste exceptionnel.

Ken Loach, dans ce discours d'une dizaine de minutes,  a notamment  évoqué son "respect" pour la vitalité du cinéma français, et rendu hommage au "système" qui lui permet de vivre, grâce à une fiscalité adéquate, qui risque aujourd'hui d'être remise en cause par la Commission européenne. : "Nous sommes inquiets d'apprendre que ce système risque d'être attaqué. Le système français est important. Nous devons tous le défendre parce que c'est celui qui permet aux autres cinémas de rester vivants", a t-il notamment affirmé devant un public tous acquis à sa cause ( euh, sauf mes voisines de droite, qui semblaient surpris de le voir aussi "gaucho")

 Mais le metteur en scène a su aussi faire preuve de pas mal d'humour, celui dont il fait montre dans ses films les plus récents (notamment  dans son dernier La part des anges) en confessant que,selon lui,  "le cinéma ne peut pas changer les choses. Non, et en fait, c'est mieux comme ça. Parce que si le cinéma transformait le monde, on serait tous des Américains avec des flingues dans la poche.", genre de déclaration sur laquelle je suis assez d'accord, j'avoue :o)

 Pour clôturer son discours, Loach, sans doute encouragé par l'accueil trés chaleureux du public,  est allé encore plus loin dans ses déclarations, avec un appel  à soutenir la Palestine, tout en se gardant de citer précisément l'état d' Israël: "Il y a des années, en appelant au boycott de l'Afrique du sud, on a aidé les Noirs sud-Africains. On devrait faire de même aujourd'hui pour soutenir la Palestine".

A cette déclaration, la salle a réagi avec un enthousiasme particulier, certaines personnes n'hésitant pas à se lever d'un bond pour manifester leurs approbations.  Je n'avais pas pu assister à la remise du Prix les autres années, mais je ne suis pas sur que Clint Eastwood ou Gérard Depardieu avaient tenus un discours aussi orienté politiquement :o)

Quoiqu'il en soit, je suis sorti ravi de cette soirée, heureux comme tout d'avoir partagé 4 heures de mon temps à célébrer un homme de convictions et un artiste aussi talentueux qu'il est.... Et encore plus heureux de savoir que le lendemain, je passerais encore un peu de mon temps avec lui, mais ce coup ci, en bien plus petit comité.....

 Ken Loach, prix Lumière 2012

Commentaires
A
J'étais arrivée avec environ 1/2 h d'avance.
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D
Rebonjour, j'avais eu l'occasion de voir Ken Loach à une avant-première à Paris en 2007 (It's a free world...). Il avait répondu très gentiment aux questions. C'est un monsieur très simple et sympathique. Il a mérité son prix. Bonne après-midi.
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M
Comme tu t'en souviens peut-être, j'avais eu la chance d'assister à une projection-rencontre avec Ken Loach à Bristol et j'avais beaucoup apprécié aussi son discours sans langue de bois. Tu as dû passer une super soirée, je suis ravie pour toi! ;o)
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F
@madame sophie :ah ton we était pas mal non plus je crois...moi aussi je l'ai découvert a peu pres en meme temps que toi... ah bientot le récit de la conf :o)<br /> <br /> @renette: frémaux tu as du le voir dans ses oeuvres à Cannes, ici dans son festival qui est son "bébé" il est comme un poisson dans l'eau...<br /> <br /> @anna : comment ca se fait que tu avais une aussi bonne place? tu étais arrivée super tot?<br /> <br /> potzina : ah il est pas long pour toi mais pour le commun des mortels, je t'assure que le premier billet spécial loach que j'avais prévu ( soirée plus conférence plus analyse des deux films ) était imbuvable...il a fallu faire une version courte :o) ah j'aurais été jaloux dans l'autre sens aussi je pense miss, c normal :o) bisous
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P
Bon, je ne vais pas te mentir, je suis un peu jalouse ;) Quelle soirée ! Merci beaucoup pour ce beau billet qui n'est pas long du tout :D<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne soirée filou !
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