Ben Affleck : acteur nul mais cinéaste génial?
Après, le mois dernier, ma question à 1000 dollars sur Lou Doillon (qui avait connu un beau succès), je réitère l'exercice, avec une autre question que tout le monde se pose forcément en ce mois de novembre : Pourquoi Ben Affleck est-il autant adoré comme cinéaste et tant méprisé comme acteur?
En effet, à écouter la presse de ce mois chanter les louanges du cinéaste, alors que les mêmes tiraient à boulet rouge peu de temps auparavant sur le comédien, on peut se demander comment ce médiocre acteur a pu se transformer en cinéaste aussi génial, carrément un des plus influents d'Holywood ...
Bon, acteur médiocre, tout le monde s'accorde plus ou moins dessus...contrairement à son comparse Matt Damon, moins joli garçon mais plus charismatique, Ben Affleck paie le lourd tribut d'avoir joué dans pas mal de nanars, notamment avec son ex épouse Jennifer Lopez ( aïe, Gigi, re-aie Amours Troubles) ...
Une fois cela entendu, on peut donc voir la seconde partie de la problématique, à savoir si Ben Affleck cinéaste est t-il aussi extraordinaire que l'on prétend?
Pour tenter de répondre à cette question, j'ai décidé de me faire une journée spéciale Ben Affleck en voyant coup sur coup les deux derniers films qu'il a réalisé, Argo, actuellement sur nos écrans de ciné, et The Town, que j'avais en DVD et que je n'avais pas encore regardé...L'occasion a donc fait le larron...
Car de Ben Affleck cinéaste, je n'avais vu jusqu'à présent que Gone Baby Gone, adaptation très réussie du non moins réussi roman de Denis Lehane, mais aussi excellent soit-il, ce n'était pas en un seul film que je pouvais juger du talent de ce cinéaste néophyte... Cette journée "spécial films de Ben Affleck" s'imposait donc d'elle-même :
1. Argo
Cela fait plusieurs semaines, bien avant sa sortie, que j'entends parler d'Argo comme d'un film à très fort potentiel, certainement un des meilleurs films américains de l'année ( faut dire qu'ils ne nous ont pas beaucoup gatés cette année les ricains)... , on lit même un peu partout que Ben Affleck serait un sérieux concurrent pour les Oscars 2013.
Avec un tel background, forcément, la curiosité était forte, de mon côté, et le risque d'être déçu est du coup assez évident. D'ailleurs, le début du film, explication un peu scolaire du conflit iranien des 1979, inquiète quelque peu. Puis, très vite, on est vraiment happé par la puissance du film, et il faut reconnaitre que la mise en scène d'Affleck y est pour beaucoup, tant elle arrive à insuffler une réelle tension à son film.
L'indéniable atout du film est de parvenir à tracer un bel équilibre entre entre thriller très efficace et satire légèrement ironique de l'univers d'Hollywood des années 80. Le montage, notamment, est très bien dosé, et permet de faire naitre intelligement le suspense dans des scènes clés du film, et notamment dans un final certes un peu exagéré, mais diablement efficace.
Mais, on peut également louer d'autres qualités incontestables à ce film, comme son souci constant de réalisme, avec notamment un soin énorme de reconstitution qui se retrouve tous les détails des personnages et dans ceux des décors.
Argo s'inspire beaucoup, comme on l'a dit déjà ici ou là, d'un certain genre de cinéma trés en vogue dans le cinéma américain des années 70, le thriller politique basé sur des faits réels (Les Hommes du Président, les 7 jours du Condors)), et le pari est audacieux et parfaitement tenu. On a beau savoir la fin, film historique oblige, on rentre complètement dans l’histoire et on tremble pour Mendez et son équipe de professionnels du cinéma malgré eux (une équipe composée de caractères qu'on aurait toutefois aimé qu'ils soient plus fouillés).
Alors, effectivement, Affleck acteur, y est comme d'habitude, c'est à dire un peu falot, mais pour le coup, son relatif manque de charisme colle bien avec son personnage d'anti Jason Bourne (sans une seule arme et n'utilisant que ses neurones), et ce bémol est contrebalancé par une distribution aux petits oignons, dominée d'une bonne tête par le duo pétaradant John Goodman Alan Arkin, à tel point qu'on regrette que le scénario ne leur reservent pas encore plus de scènes, et parte trop vite en Iran. Toute la partie autour de la mise en place du faux film est hilarante; le duo Goodman-Arkin possédant toutes les répliques cultes du film.
Mais ces petites réserves mises à part, Argo est un blockbuster à la fois intelligent, prenant et divertissant, genre qui ne courent pas forcément les rues à l'heure actuelle.
2. The Town
Les films de braquage n'étant pas forcément ma tasse de thé, j'avais ignoré le deuxième long de Ben Affleck cinéaste lors de sa sortie en salles en mai 2010, et ce, malgré les bons échos qui accompagnaient le film, et malgré aussi un réel enthousiasme chez mon entourage, notamment chez mon beau frère qui m'exhortait mordicus à aller le voir. Les références à Heat (mon film préféré de Michael Mann, malgré justement ce coté "film de casse") étaient nombreuses, et ne serait ce que pour son intrigue similaire, j'avais un peu peur que ce film ne patisse de la comparaison.
En fait, malgré sa dernière partie avec une fusillade attendue et sans gros intéret, The Town tient parfaitement la route et arrive à équilibrer parfaitement intrigue policière et portraits de personnages fouillés, possédant tous des failles et des états d'âmes assez passionnants à suivre.
La question du voyou qui tente un dernier coup avant de se ranger des voitures est récurrente dans le cinéma américain classique, mais elle a donné des chefs d'oeuvre (Heat, donc, mais aussi L'impasse de Brian De Palma, un autre de mes films cultes), et ici, sans arriver aux mêmes hauteurs que ces mastodontes, Ben Affleck réussit un excellent film, qui m'a in fine encore plus emballé qu'Argo.
Une des grosses réussites du film est de nous dresser un portrait d'une ville, mais surtout d'un quartier, celui de Charlestown à Boston ( qui était déjà le décor de Gone, Baby Gone, et c'est aussi la ville où a vécu ben Affleck), . Un quartier de traditions et de clivages où les natifs de la ville s'opposent aux nouveaux résidents, et où toutes les classes sociales se connaissent et tentent tant bien que mal de cohabiter, sauf lorsqu'un évenement endogène fera tout exploser.
Le film tient parfaitement cet équilibre entre polar pure et peinture sociale, et, cerise sur le gateau, même Ben Affleck comédien , en bad guy prêt à vaciller pour une jeune directrice de banque (la plus que ravissante Rebecca Hall, déjà éblouissante dans Vicky Christina Barcelona de Woody Allen) y est tout à fait convaincant...
Comme quoi le cinéaste reconnu par ses pairs peut parfois aussi être simultanément un acteur irréprochable!!!
Bref, un Ben qui, en trois films, n'a certes pas encore évidemment atteint le même niveau qu'un Clint Eastwood (dont la comparaison s'impose car Clint est un des seuls à être passé du statut d'acteur moyen à celui réalisateur unanimement célébré par la profession), mais il marche sur ses traces sans avoir à en rougir!!
Quoiqu'il en soit, je continuerai de suivre sa carrière de cinéaste avec entrain... Il faut dire qu'il a enclenché la vitesse supérieure, car juste après Argo, il devrait enchainer sur The Trade, film situé dans le milieu du baseball et qui marquera ses grandes retrouvailles avec son pote Matt Damon, pour certainement la confirmation de son emprise sur Hollywood. '