SLP_packshot Hasard de mes chroniques cinéma, deux des derniers films que j'ai pu voir en février se déroulent dans la même ville, une ville qui n'est pourtant pas celle la plus fréquentées par les studios de cinéma. Par cette ville, je veux parler de Tanger, un port au nord du Maroc, qui était déjà le décor du beau film de Nadir Moknéche, Goodbye Morroco, et qui est également le cadre du film  Sur la planche de Leila Kilani que je viens de voir en DVD, dans le cadre de mon programme DVDtrafic, qui m'a, je le reconnais, particulièrement gaté pour cette session là .

 Ce long métrage, qui est  sorti en DVD  le 5 février 2013, distribué par Epicentre films, j'en avais entendu parler pour la première fois lors de ma présence au Festival D'annonnay l'année passée, car le film sortait en salles en meme temps, et tous les professionnels que j'ai pu croiser la bas, et qui avaient eu la chance de le voir, en disaient le plus grand bien.
 
Hélas, son nombre de copies étant peu fourni, je n'avais pu le voir sur Lyon lors de sa sortie en salles et du coup, lorsque j'ai vu son nom sur la liste des DVD proposés par Cinétrafic, je n'ai pas hésité un seul instant.
Le film se passe donc à Tanger, mais on est bien loin de l'image du Tanger de Goodbye Morroco, qui était plus glamour, plus ensolleillée, plus cosmopolite aussi. Ici,  la cinéaste Leila Kilani s'interesse un peu à la face cachée de la ville, celle qu'on ne montre pas aux touristes, à travers ses ouvrières qui constituent une des forces réelles, mais dissimulées, de la ville. 
Comme l'explique la cinéaste dans un des beaux bonus du DVD, la ville a explosé ces dernières années : auparavant  mal aimée du pouvoir royal, la ville s'est métamorphosée autour du nouveau port et de la Zone Franche, afin de devenir d'ici  2015 la base arrière industrielle de l’Europe.
Du coup, les ouvrières de Tanger sont des personnes importantes de la ville, même si on ne les voit pas forcément puisque la plupart travaillent de nuit et rentrent dormir à l'aube chez elle. . Dès l’aube, elles se mettent en marche et traversent à pieds ce genre de paysage commun à toutes les périphéries des villes marocaines : des immeubles aux murs de béton nu, aux rideaux de fer baissés, aux baraques inachevées qui gangrènent le flanc pelé des collines.

Les ouvrières sont réparties en deux castes : les textiles et les crevettes, ces dernières étant bien plus stigmatisées que les autres, ne serait ce qu'à cause de l'odeur persistante qu'elle trainent  autour d'elles .

En tournant un documentaire sur Tanger, la cinéaste a commencé à s'interesser à ces filles là et a décidé de créer une fiction autour d'un quator travaillant dans cette usine, et qui vont tout faire pour  tenter de trouver des moyens pour s'élever de leur conditions, notamment financièrement.
Badia et sa copine Ismal travaillent dans une usine de décorticage de crevettes. Elles ne tarderont pas à rencontrer Asma et Nawal, jeunes ouvrières dans le secteur textile. Ensemble, elles vont faire les quatre cent coups. Et nous d’escalader, de dévaler les sentiers de la criminalité à leur suite.

Le film veut donc absolument saisir l'urgence qui soutend ces filles  boules d’énergie incontrôlables, assez représentatives  de cette jeunesse arabe bouillonnante qui s’est exprimée lors du printemps arabe, survenu après le tournage du film, qui en portait donc quelques prémisses.

Pour illustrer l'urgence qui anime ses personnages, la cinéaste a opté  pour une mise en scène trés mobile, trés caméra à l'épaule, entre Cassavetes, et le Rosetta des Frère Dardenne.

La réalisation est donc extremement rythmée, frénétique, et on reste donc pendant toute la durée du film collé aux basques de ces filles, et notamment de Badia, fille rebelle et révoltée, animée par une rage permanente ( qui peut parfois un peu lasser le spectateur) .

Si ce parti pris de réalisation, pleinement assumé et maitrisé,  séduit la première heure, il tourne malheureusement ensuite un peu au procédé, d'autant plus que l'intrigue fait du surplace et ne va pas assez loin dans le polar social qu'on aurait pu  et voulu attendre. 

Et du coup, de rythmé et révolté, on ne voit plus que l'autre pendant de cette réalisation, à savoir le coté aride et un peu désincarné de ses personnages.

Bref, un film interessant pour sa réalisation et le Tanger original qu'il nous montre, mais qui ne convainc, hélas, qu'à moitié...

Parmi les bonus, notons un très interessant reportage  qui nous permet de suivre pendant près d'une demi heure,  l’équipe du film lors de sa venue à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes en 2011 , on  y apprend notamment que la réalisatrice a connu quelques problèmes pendant le tournage à Tanger, ville où visiblement rien ne se déroule facilement. 

Puis un autre bonus original nous permet de suivre  la présentation du film en avant-première au MK2 Beaubourg, avec encore une fois un entretien avec la réalisatrice qui montre une nouvelle fois la croyance profonde de Leila Kilani en la force de son sujet et de son cinéma.

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