La belle est endormie, le spectateur un peu aussi
J'avais dit il y a quelques semaines tout le bien que je pensais du seul film italien que j'ai vu en salles en ce début d'année, Les Equilibristes, un film distribué par Bellissima Films, mais qui, malheureusement, était passé complètement inaperçu, noyé sous le flot des sorties plus populaires et plus médiatisées
Toujours grâce au même distributeur, très dynamique pour promouvoir ce cinéma de ce pays, j'ai pu voir un autre film transalpin, La belle endormie, mais contrairement aux Equilibristes, celui ci a été bien plus médiatisé, et cela est du à la notoriété du cinéaste, un des plus grands metteurs en scène italiens vivants, dont les films sont présentés dans tous les festivals du monde, et également au sujet du film en question, qui pose une question cruciale dans nos sociétés occidentales actuelles, celle de l'euthanasie.
En effet, dans ce film choral, comme il en fleurit beaucoup dans le cinéma moderne, Marco Bellochio met en équation l’euthanasie en se référant à un fait divers devenu politique qui a beaucoup fait parler de lui en 2008 lorsqu'un un père a réclamé de « débrancher » sa fille maintenue artificiellement en vie depuis 17 ans, suite à un profond coma.
A cette époque, l'Italie s’enflamme entre partisans et opposants à l’euthanasie, un projet de loi est soumis au Parlement, avec dans l’ombre un Sylvio Berlusconi Premier ministre manipulateur.
Plutôt que trancher, Bellochio interroge un fait de société par le biais de quatre histoires édifiantes, qui illustrent toutes un cas de figure différent autour de ce thème.
Un film choral donc, mais ces quatre histoires ne se croiseront jamais. « La Belle endormie » n’est pas pour autant un film à sketches, car elles ont en commun la toile de fond du fait sociétal de cette femme dans le coma depuis 17 ans qui a mis le feu aux poudres. Quatre histoires très différentes : le sort de cette dernière, le cas de conscience d’un sénateur face au dilemme de son vote sur l’institutionnalisation de l’euthanasie, l’acharnement d’une mère à maintenir en vie sa fille dans le coma, enfin, une toxicomane suicidaire qu’un médecin s’échine à sauver de ses pulsions.
Reconnaissons tout d'abord au film une qualité: le fait qu'il réussisse à éviter le piège du film dossier cher aux films de Cayatte chez nous ou aux téléfilms qui suivaient les dossiers de l'écran. Malheureusement, cela n'empeche pas le résultat d'être pour autant convaincant.
Dans cet enchevêtrement de problématiques similaires, le film alterne différents tons, entre la farce politique et le drame bourgeois, entre la romance post-adolescente et le conte moral. Du coup, cela rend chaque histoire est très différente et l'ensemble manque d'homogéneité, et tout cela donne au film un aspect décousu, un peu comme si l’on avait imbriqué entre eux plusieurs courts métrages.
Les personnages sont présentés avec leurs doutes et leurs souffrances pendant un temps très important, au détriment du développement de l’histoire et de leurs sentiments vis-à-vis de la mort.
Le film finit par perdre de vue ses sujets d’études et traîne en longueur, oubliant l’histoire et laissant le spectateur sur sa fin. Il faut dire que les quatre histoires donnent la facheuse impression d'être toutes un peu bancales bancales, notamment la partie avec Isabelle Huppert (que je vois beaucoup dernièrement au cinéma, et pas forcément dans des rôles très bons), qui n'apporte pas vraiment grand chose au récit, car l'évolution des personnages n'étant pas évidente du tout .
La partie plus sentimentale entre la fille du sénateur et le jeune homme commence bien, par une très belle scène de rencontre, mais ensuite, déçoit aussi.
Bref, tout le monde fait un peu du surplace, contrairement aux grands films choraux, où d'habitude les personnages évoluent de manière circulaire.
On a l'impression que Bellochio, à force de ne pas donner un avis trop tranché et manichéen, ne sait pas exactement quoi faire de son film, et nous laisse un peu perdu devant.
Le film a pourtant eu les faveurs d'une bonne partie de la presse, certainement à cause de cette fameuse " politique des auteurs" qui veut qu'on ne peut pas faire la fine bouche devant la dernière oeuvre d'un réalisateur confirmé, voire institutionnalisé, comme cela est le cas avec Bellochio. Désolé, Marco, mais moi, je vais la faire, la fine bouche....