Baz'art  : Des films, des livres...
29 mai 2015

Mes 10 questions à Stéphanie Hochet, pour " un roman anglais"!!

 La semaine passée, je vous avais dit tout le bien dont je pensais du nouveau roman de Stéphanie Hochet, un roman anglais qui se déroulait sous l'Angleterre du début du siècle. et bien figurez vous que l'auteur a très gentiment accepté de répondre aux  dix questions  que je lui ai posé sur son roman, et sur la littérature en général .

Le compte rendu de notre entretien sans plus tarder :

ITW Exclusive avec Stéphanie Hochet , auteur du livre " un roman anglais"

hochet

crédit photo Stanislas Kalimerov.

 

 Baz'art : Bonjour Stéphanie Hochet, et avant tout un grand bravo pour votre superbe roman «  Un roman anglais",  particulièrement réussi… Ma première question est simple : Pourquoi avoir eu envie de revenir au roman, après le très beau succès rencontré par votre essai « éloge du chat « ?  La fiction vous manquait-elle et considériez-vous  qu’il était temps pour vous de revenir raconter des histoires au lecteur  ?

 Stéphanie Hochet :  En fait, c’est  plutôt "Éloge du chat" qui a été une exception.

Écrire un essai a été une expérience passionnante – d’autant que le sujet avait cet aspect ludique particulier - mais je suis avant tout romancière.

Plus que le besoin de raconter une histoire, j’aime avant tout ce que la littérature va puiser d’expérience sensorielle et de création esthétique.

Baz'art :  Est-ce que le fait que votre roman se passe  durant la première guerre mondiale en pleine commémoration des cent ans de cette guerre est une  pure coïncidence ou bien l’omniprésence médiatique de cet évènement vous a incité-consciemment ou non- à choisir ce cadre pour votre intrigue ?

Stéphanie Hochet Non, ce n’est pas le centenaire de la Première Guerre mondiale qui a compté dans l’élaboration de ce texte. D’abord parce que j’ai été immergée dans ce contexte bien avant – j’ai un père obsédé par 14-18 et je suis allée visiter Verdun et ses environs il y a plusieurs années-, et ensuite, parce que j’étais avant tout intéressée  par la version anglaise de cette guerre, loin du front, mais subissant les rigueurs des privations liées au conflit avec la pensée d’un parent disparu dans les tranchées de Flandres.

Baz'art : A ce propos, j’imagine que votre travail de documentation sur la vie pendant cette période en Angleterre, une époque que l’on connait assez mal de ce coté là de la Manche,  a été particulièrement dense, afin de parvenir à rendre ce décor si réaliste. Vous confirmez cette impression?

Stéphanie Hochet :   Oui, je me suis plongée dans divers documents mais c’est une partie très intéressante du travail. L’intertexte était d’abord le premier tome du Journal de Virginia Woolf où l’on découvre comment la vie s’organise pour les civils lors du conflit (pénurie de charbon, de nourriture, lien avec les domestiques qui change etc.), et puis le pays se vide des hommes jeunes, les femmes se mettent à travailler, revendiquent aussi le droit de voter (les Suffragettes manifestent, sont emprisonnées, certaines font un grève de la faim et sont nourries de force…), la société est en train de changer.

J’ai aussi visionné des films de l’époque sur Londres, je voulais savoir à quoi ressemblait la ville, c’était aussi important car la narratrice, Anna Whig, y fait des passages, s’y promène dès que l’armistice est déclaré. Je voulais recréer cette ambiance et même cette double ambiance ville-campagne.

Baz'art : Votre « roman anglais » est un hommage évident et très réussi au roman victorien du 19ème siècle, Pourquoi vouez vous une telle passion dans la littérature anglaise de cette époque  et pourquoi avoir eu envie  après des romans précédents  très différents de vous inspirer de ce genre de littérature là?

C’est un hommage à la littérature anglaise en général. Pas seulement victorienne. J’évoque plus ou moins explicitement Joyce, D.H Lawrence, Thomas Hardy, Joseph Conrad, Emily Brontë et … Shakespeare.

J’ai  aimé ces auteurs, je les ai aussi étudiés (j’ai fait des études de littérature anglaise), et j’aime l’évasion que leur monde procure. La littérature est aussi une forme de voyage.

Vous emmenez le lecteur loin de son quotidien, vous partez avec lui, et personnellement, j’ai souvent besoin de partir.

Baz'art Pourquoi  avoir choisi ce titre «  un roman anglais » qui donne immédiatement les clés de vos influences et qui affiche de suite votre ambition ? Est-ce également un petit clin d’œil au « roman français » que Frédéric Beigbeder avait écrit il y a plusieurs années ?

Stéphanie Hochet :   Je me souvenais davantage d’"Un roman russe" d’Emmanuel Carrère, même si le projet de son livre était différent. Ce titre, Un roman anglais, est à la fois simple et ambitieux. Il suggère que nous allons aborder un récit ample et que l’histoire du pays aura une influence.

A l’origine, mon roman avait un autre titre et quand je l’ai fait lire à une amie qui est aussi mon éditrice pour Sang d’encre (2013, Les Busclats), Michèle Gazier, elle m’a écrit qu’elle aimait beaucoup mon « roman anglais », et ce terme a tout de suite fait tilt, j’ai immédiatement pensé que ce serait un meilleur titre pour ce texte.

Baz'art : Par rapport à votre lien avec la littérature anglaise, j’aimerais savoir si vous avez connu beaucoup de difficultés, pendant l’écriture de ce roman, à ne pas tomber dans  un pastiche, à écrire « à la manière de »  et ne pas vous laisser manger par les influences, ou bien au contraire, très rapidement, avez-vous  réussi à écrire un roman qui parvient à s’affranchir parfaitement de vos modèles de base  ?

 Stéphanie Hochet : C’est toute la difficulté des romans qui se situent a priori loin de soi (sur une autre géographie et à une autre époque). J’avais tenté la même expérience avec un précédent roman : Combat de l’amour et de la faim (Fayard, 2009) dont l’intrigue se situait dans le Sud des États-Unis entre 1903 et 1929.

L’amour pour la littérature de ces pays et ces époques m’a donné envie de me plonger dans ces atmosphères. On se garde d’écrire « à la manière de » en élaborant clairement la voix du narrateur et en ayant une idée précise de son entourage, de sa vie. Le pastiche n’est intéressant qu’en tant que pastiche, pas en tant que création littéraire. L’essentiel est de se sentir en terrain familier, ce qui est a priori étranger doit devenir votre quotidien. C’est une sorte de voyage.

Baz'art : J’ai vu que vous vous étiez inspirée de Virginia Woolf  pour écrire votre personnage d’Anna Whig.  Était ce une manière de rendre hommage à une romancière qui, on l’imagine aisément , a beaucoup compté pour vous ?  Par ailleurs, pouvez nous vous dire  quel sont les points communs entre Anna et l’auteur de The Years, et où commence exactement la fiction ? 

Stéphanie Hochet : Un livre a réellement compté dans l’élaboration d’Un roman anglais : le premier tome du journal de Virginia Woolf. On y découvre la vie au quotidien de l’auteur d’Orlando. Anna Whig est issue du même milieu social que Woolf : la bourgeoisie lettrée. Comme elle, elle est en contact avec le groupe d’intellectuels et d’artistes appelé le Bloomsbury group. Et je lui ai donné quelques points communs d’ordre biographique avec V.W. (l’enfance en particulier).

La grande différence est qu’elle n’est pas écrivain (seulement traductrice) et qu’elle a un enfant. On a beaucoup glosé sur le désir de maternité de Virginia Woolf, certains chercheurs en littérature comme Vivianne Forrester ont prétendu que ce désir a été sciemment inassouvi par Leonard Woolf, son mari, qui la croyait trop fragile psychologiquement. Quelle mère aurait été Virginia Woolf ? Cette question ouvre un champ fictionnel passionnant mais je ne pouvais pas le traiter autrement que par l’imagination. Anna Whig est donc inévitablement différente de Virginia Woolf.

Baz'art : Plus encore qu’une chronique de l’époque victorienne, « Un roman anglais » est avant tout un superbe portrait de femme et de la maternité à une époque où la condition de la femme était particulièrement complexe… Si je dis qu’un roman anglais est avant tout un grand roman féministe, est ce que vous revendiquez cette appellation ou bien trouvez vous cela assez  réducteur, vu les portraits tout en nuance des deux hommes qui échappent largement à  toute forme de caricature ?

Stéphanie Hochet :  Mon roman n’est pas féministe : le militantisme ou le message politique n’est pas le but de la littérature. J’ai voulu montrer la prise de conscience d’une femme qui découvre que le rapport entre les hommes et les femmes est en train de changer, du moins socialement. Cette observation va créer des interrogations chez la narratrice, et puis elle a sa vie, les pulsions qui la traversent. Je vois ce livre plutôt comme l’histoire d’une émancipation.

Baz'art :  J’ai vu que vous alliez participer à des lectures publiques de votre roman, notamment le 31 mai prochain une lecture  par Yves Heck au théâtre de la loge ans le cadre de ces «  têtes de lecture  «.    Est-ce une expérience que vous appréciez particulièrement ? N’est ce pas particulièrement déconcertant pour vous d’entendre vos propres mots vivre dans la bouche de comédiens ou tierce personne ?

Par ailleurs, toujours dans le thème de votre communication, vous êtes très présente sur internet, (site officiel mis à jour régulièrement, blog, réseaux sociaux) Est-ce que pour vous un passage obligé pour communiquer aujourd’hui ou bien un vrai plaisir et une façon ludique de diversifier vos productions écrites?

Stéphanie Hochet :  Pour répondre à la première partie de votre question, j'avoue ressentir en effet  un plaisir particulier d’entendre son texte lu par quelqu’un. Le comédien et écrivain Manuel Blanc a fait récemment une superbe lecture du texte et je suis très curieuse de découvrir comment Yves Heck va s’emparer de mes mots. Une lecture publique donne du relief à ce que vous avez écrit, c’est aussi une façon de redécouvrir son texte.

Quant à ma présence sur les réseaux sociaux et sur différents supports de communication, disons simplement que j'aime échanger avec les lecteurs et internet permet de multiplier ces échanges. Je veux aussi donner aux lecteurs ou futurs lecteurs les informations qu’ils sont en droit d’obtenir concernant mes romans.

 Baz'art: Enfin dernière question, pas follement originale j’en conviens, pour clore une interview : savez vous déjà quel  à quoi ressemblera votre prochain livre et si oui, pouvez vous d’ores et déjà nous en dire plus ?

Stéphanie Hochet : Oui, j’ai recommencé à écrire – car Un roman anglais a été terminé en juillet dernier. Mais j’avoue que les moments d’écrire sont de telles remises en question que je ne préfère pas trop en dire. Je cherche, j’essaie, je reprends… Et il vaut mieux que je demeure seule à ce stade.

Baz'art  : Eh bien, pas de problème Stéphanie, on vous laisse seule pour le moment, et en tout cas, merci énormément d’avoir pris le temps de répondre à ces questions et très longue vie à un Roman anglais !!

Commentaires
B
la passion de Stéphanie et son implication dans son nouveau roman ressortent très bien. <br /> <br /> C'est une des rares auteures à être présenté et active sur Twitter
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