Baz'art  : Des films, des livres...
29 septembre 2015

Trois cinémas ouvrent sur Lyon, leur nouvelle directrice nous dit tout !!

 Da-Rocha-La-Fourmi-oc ©Olivier Chassignole

Pour les cinéphiles lyonnais, cette rentrée 2015 est forcément un évènement à marquer d'une pierre blanche : à trois mois d'intervalle les uns des autres, ce n'est pas moins de trois nouveaux cinéma qui ouvrent sur Lyon. Je devrais  plus exactement employer le verbe  "ré-ouvrent "car les trois cinés en question, à savoir le  cinéma le Fourmi, et les deux CNP (Terreaux et Bellecour), après avoir été fermé quelque temps, ont ouvert -ou vont rouvrir- leurs portes de début septembre à la fin de l’année, et ce, grâce à l’Institut Lumière, qui a racheté les lieux et qui a nommé une nouvelle directrice pour chapeauter tout cela.

 Cette dernière n’est autre que Sylvie da Rocha, ancienne étudiante lyonnaise qui adorait fréquenter les CNP il y a quelques années, et qui est donc de retour au bercail pour mener à bien ce projet forcément excitant et stimulant pour tous les cinéphiles lyonnais.

 Et Sylvie Da Rocha, il se trouve qu’on a eu l’immense  chance de la rencontrer, Michel et moi, la semaine passée pour une discussion à bâtons rompus autour d’un déjeuner juste à coté de l’Institut Lumière, où se trouve actuellement son bureau temporaire.

 Cette conversation a duré pas loin d’une heure et demie, et afin que son compte rendu ne soit pas trop indigeste à lire pour vous, on l’a coupé en deux parties distinctes, la seconde partie devrait arriver d'ici quelques jours.

 Dans cette première partie, la toute nouvelle directrice du Fourmi et des CNP nous parle de ses expériences passées et des différentes animations qu’elle souhaiterait mettre en place dans ses établissements, ainsi que du lien à retisser entre les lyonnais et leurs salles de cinéma… 

Vous pourrez ainsi aisément constater que Miss Da Rocha ne manque ni de verve, ni d’ambition ni encore moins d’énergie, et comme ce sont trois qualités que nous aimons particulièrement nous n'avons pu qu'écouter religieusement tout ce qu'elle avait à nous dire : 

1erepartie da rocha-@tribunedelyon @blogbazart

Baz'art : Sylvie Da Rocha, bonjour et merci beaucoup d’avoir pris le temps dans votre programme que nous imaginons très chargé, de répondre aux lecteurs de Baz’art. Commençons si vous le voulez bien par revenir un petit peu sur votre CV pour mieux comprendre votre projet lyonnais. Vous venez du cinéma d’Art et d’essai "Le Studio", à Aubervilliers,  dont vous avez été la directrice pendant de longues années et où vous avez fait, d’après que j’ai pu entendre, un travail remarquable pour attirer un public qui ne venait pas forcément dans ce genre de cinéma. Même si on imagine aisément que les deux expériences sont radicalement différentes, que pensez pouvoir calquer de votre expérience aubervilloise à ce nouveau projet lyonnais ? 

  Sylvie Da Rocha :  En fait, je n’ai passé que deux ans à la tête du cinéma le Studio  et ce fut une expérience passionnante mais effectivement avec des enjeux  particulièrement complexes à mettre en place. Pourquoi complexes ? Parce une grande majorité des habitants de la commune sont pauvres financièrement,  et au-delà du manque de moyens,  il y a d’autres paramètres (tel qu'un certain degrès d'analphabétisme qui leur empêche d’accéder au programme écrit) à prendre en compte pour aller les chercher.

C’est un public  qui, effectivement, n'a pas l'habitude d'aller au cinéma, et on a du aller au forceps pour les faire venir à nous. On a beaucoup travaillé avec l'associatif et on notamment organisé des ciné-repas qui ont vraiment beaucoup marché (notamment un autour du film My sweet Pupperland  qui a fait salle pleine)

Petit à petit, le bouche à oreille ca s'est très bien développé et, malgré l'intimidation intrinsèque de ce public pour le concept de cinéma d’art et essai, oui, on peut dire que l’expérience a été très positive.

A Lyon, comme vous le soulignez, c’est tout à fait une autre histoire, on est beaucoup plus dans une niche de cinéphile, le public est radicalement différent et il n'y a pas qu'un seul écran dans la commune comme à Aubervilliers, mais j’ai bien envie quand même de reproduire certaines expériences que j’ai tenté la bas et qui ont bien marché.

Baz'art  : Justement, quelles sont les grandes lignes de vos projets que vous avez en tête pour vos trois cinémas ? En terme d’animation notamment, j’ai entendu parler d’un grand festival que vous souhaiteriez mettre en place, ainsi que de diverses animations autour de jeune public, de films surprises ect..Qu’en est-il exactement ?

Sylvie Da Rocha  : Ah vous devez faire référence à cet article de Tribune de Lyon dans lequel on m’interrogeait sur mes projets, et j’avoue m’être dit en le relisant «  wouah, quelle ambition et quelle énergie, elle a cette fille !! » (rires)

Plus sérieusement, à propos de mes envies d’animation, on ne va pas mettre la charrue avant les bœufs… lorsque toutes nos salles seront ouvertes et  que mon équipe sera complète, je me pencherais pleinement et plus concrètement sur le sujet..

Là, je suis vraiment entré dans mes fonctions le 1er juillet seulement, avec les vacances au milieu, et une équipe encore incomplète,  on n’a pas eu beaucoup de temps de s'y plonger vraiment sérieusement.

Pour le moment, j’ai juste une soirée avec le GRAC-  autour du film "Le challat de Tunis"(voir photo)-, et une autre animation fixée en février ou mars, mais je pense qu’il faudra vraiment attendre  septembre 2016 pour tout se mette bien en place.

J’ai notamment été contacté par un certain nombre de festivals qui cherchent des espaces de disponibles, mais il faudrait que j’aie le temps de me pencher sérieusement sur la question. En tout cas, ce qui est certain, c’est que je ne vais pas organiser moi-même des festivals, mais seulement les accueillir.

Avant de travailler à la direction du cinéma d’Aubervilliers, j’ai été délèguée générale de  la CICAE (voir le site) qui est en fait le pendant international de l’AFCAE (association fédération internationale des cinémas d'art et d'essai), donc j’ai passé quatre belles années à rencontrer divers exploitants d'Europe et d'autres pays,  et cela nous a notamment permis d'échanger plein d’idées sur ce qui fonctionne le mieux dans leurs cinémas respectifs.

C’est ainsi que j’ai nourri mes réflexions sur les animations à mettre en place; le film surprise notamment vient d’un exploitant de Prague qui avait mis cela en place avec un gros succès ( si le film ne plait pas, la personne est remboursée après 1/4 d’heure de film, ou bien alors il choisit de rester au bout et a une bière offerte). Parmi les autres idées qui me plaisent, il y aussi cet exploitant slovène qui avait projeté «  le projet Blair Witch" dans une foret ou  bien encore le film "l’odyssée de Pi" diffusé dans la piscine Pailleron à Paris, et j'aime bien aussi beaucoup le concept de la Septième Salle, qui propose aux spectateurs de choisir eux-mêmes la programmation de leur cinéma, à mi-chemin entre la VOD et le ciné-club.

Bref, je trouve toutes ces idées vraiment excellentes et excitantes, et j’aimerais bien aller dans ce sens pour mes projets à venir, si j'en ai l'opportunité et les moyens. 

Quant aux  séances "jeunes public",  elles peuvent sur le papier ressembler à celles que font le Comoedia, mais il faut savoir que je connais très bien Coline du Comoedia avec qui on a suivi les mêmes formations, mais bon, je n’ai absolument pas vocation à faire ce qu’elle fait- assurément très bien- au Comoedia…

Bref, on va voir ce qu’il est possible de mettre en place au Fourmi ou aux CNP, en fonction des capacités d’accueil et des commerçants du quartier qui pourraient éventuellement s’associer à nous, mais comme je vous l’ai dit, tout cela est encore trop précoce pour que cela se concrétise dans le court terme..

 

fourmi (2)

Baz'art  :  Et justement, toujours par rapport à ces idées et ces projets que vous avez en tête, il y en a une qui s'est déjà concrétisée puisque j’ai vu sur le site de votre cinéma que la Fourmi proposait le concept du "ticket suspendu"  (on offre un ticket à 4 € à tout spectateur bénéficiaire du RSA qui pourra venir sur la séance de son choix). Comment cette initiative vous est venue à l'esprit, et est-ce qu'elle commence à porter ses fruits ?

Sylvie Da Rocha :  Le ticket suspendu, oui,  c’est justement  une idée que j’ai "récolté" de mon expérience à l’AFCAE, c’est quelque chose qui a été mis en place dans certains cinéma européens avec une vraie réussite, qui s'est basé sur les concepts de café et de "baguette suspendue" qui ont de plus en plus court dans les bars et boulangeries européens.

Et c’est vrai qu’à Aubervilliers, comme notre volonté première, c’était de faire venir des gens qui n’ont pas les moyens de se payer une place de ciné, j’ai notamment eu un partenariat poussé avec l'association Quart monde  et l'idée de mettre en oeuvre cette idée a commence à lentement mûrir.

Mettre en place un tarif particulier pour les personnes au RSA est en effet essentiel, puisque, contrairement au statut de chômeur qui recouvre des profils et des situations totalement différentes, on sait qu’une personne au RSA est  pauvre et n’a pas les moyens de venir au cinéma en payant plein tarif.

Le but de cette opération, à mon sens, c’est de faire comprendre aux gens que si "le cinéma ne sert à rien, il est indispensable à la vie" (pour reprendre les termes de mon regretté prof de philo afin de faire la pub pour sa matière). Le cinéma, comme la culture dans son ensemble, est profondément vital, car cela donne de l'énergie, crée un lien social, ainsi, tout autant que le café ou la baguette, il est nécessaire que tout le monde puisse y accéder.

Le plus important est que ce genre de démarche respecte l'économie du cinéma, il ne peut y avoir de gratuité totale, car il y a forcément des gens qui travaillent derrière,cela entraine forcément une participation financière, aussi modeste soit-elle.

Et oui, pour répondre à la seconde partie de votre question, l’opération commence bien à prendre : on a déjà eu des personnes qui achètent ce ticket et des titulaires du RSA qui en bénéficient ,et ça, c'est  vraiment chouette !!!

Baz'art : J’ai lu dans vos précédentes interviewes que vous avez  déclaré, en arrivant à la direction de ces trois cinémas, votre fort désir de  "retisser un lien entre ses cinémas et les lyonnais". Vous aviez l’impression que ce lien était distendu ? Le lyonnais est pourtant cinéphile à ce qu’on dit, vous n'êtes pas d'accord avec cette affirmation?

Sylvie Da Rocha :   Oui oui, évidemment que le lyonnais est cinéphile, il n’y a qu’à voir le flux de gens que je croise tous les jours pour assister aux séances de l’Institut Lumière, c'est quelque chose qui m’épate toujours.

Non, quand je parlais de "retisser le lien entre les lyonnais et ses cinéma", je voulais tout simplement évoquer l’offre d’écrans qui était forcément réduite ces derniers temps, notamment dans le centre de la ville.

 

cinefourmi

Avant notre arrivée, il y avait un manque flagrant d’écrans sur Lyon, une carence d'ailleurs reconnue par toute la profession, et les gens du centre ville ont délaissé les cinémas de la ville, soient pour aller vers des multiplexes, soient pour abandonner totalement la fréquentation des salles.

Dans nos trois salles, il n’y pas de parking sous-jacent, donc on retisse les liens avec le quartier pour les gens du coin avant tout, pour ceux qui ne font pas plus de dix minutes de transport (vélo, pied, trotinette, transport en commun...) pour venir voir un film.

On le voit avec le public de la Fourmi qui est composé en grande partie de riverains qui habitent juste à coté, exception faite de la niche de cinéphiles qui viennent de l’agglomération pour voir les films en sortie nationale ou en continuation qu’ils ne peuvent pas voir ailleurs.

On a quand même un gros avantage, celui d'être en centre ville, et l’idée est ainsi de récupérer le public qui habite en plein centre qui ne veut pas prendre le métro pour aller au ciné. Il est très important d'avoir des cinéma de quartier, pour qu’une personne qui a 1h30 devant soi puisse le passer dans un lieu social comme l'est une salle de cinéma et non pas devant sa tablette.

Il faut savoir que dans un ciné de quartier, l’approche est complètement différente d’un multiplexe, où les gens a priori savent ce qu’ils vont voir. Dans un cinéma de quartier, on fait souvent confiance au programmateur, on se dit que, même si l'on n’a pas entendu parler du film, on se laissera embarquer par la surprise du film proposé à l’affiche.

Du coup, il est vraiment plus que nécessaire de créer du lien social en amont, et cela passe avant tout par des animations ou des soirées spéciales dont j’ai parlé il y a un instant  ....(suite de l’entretien à venir très prochainement)…    

 

Commentaires
G
C'est une nouvelle dont on est tous ravis! Un grand Bravo à Sylvie Da Silva pour sa pugnacité et son énergie, et merci à toi de nous la transmettre!
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