The other side : la belle mais terrible plongée dans l'Amérique des laissés pour compte...
Un peu commele fait aussi l’autrichien Ulrich Seidl dont la vision du récent Sous Sol avait laissé des marques le cinéaste italo-américain Roberto Minervini a le projet de nous montrer dans les documentaires qu'il réalise la face cachée de l’iceberg en pointant sa caméra sur des territoires et des personnes que les médias traditionnels n’ont pas l’habitude d’aller voir.
Ainsi, dans son quatrième long métrage à ce jour, "the Other side" , qui sort demain en salles et que nous avons pu voir la semaine dernière en avant première au Comoedia , Minervini, ancien photo reporter qui a réalisé 3 films documentaires consacrés au Texas, est venu filmer une autre région oubliée des États-Unis, la Louisiane du nord, en s’attardant sur des marginaux vivant là bas, et notamment un couple de junkies, Mark et Lisa, qui sont les personnages principaux de son film, du moins dans sa première partie.
Appelés communément « white trash », car vivantd, tant bien que mal, entre prison, addiction diverses et gros problèmes familiaux, Mark et Lisa sont les symboles malgré eux de cette Amérique tant oubliée par les pouvoirs publics ( ils vouent d’ailleurs une haine tenace à Barak Obama, qu’ils jugent responsables de tous leurs maux.
Ce voyage parmi les laissés pour compte États-Unis, (qui vivent dans un territoire oublié (cet « autre côté » du titre toutefois situé en plein cœur du pays, Minernini le filme en appliquant une méthode assez singulière, qui le situe aux marges du documentaire et de la fiction.
Photographe autant que cinéaste ou documentariste, on sent la filiation évidente du cinéaste avec le travail de Larry Clark, dans son remarquable travail sur la photo le cadre, la lumière, ainsi que sa façon de filmer le corps, mais on sent aussi que plus que Clark, Minervini veut être au plus près des personnages qu’il filme afin de ressentir du mieux possible leur émotion.
Les méthodes de travail Minervini sont claires mais hautement louables : il laisse sa caméra tourner et s’efforce d’être le moins invasif possible. Le cinéaste n’hésite pas à se rapprochant au plus près des individus qu’il film à la recherche d une vérité abrupte et directe qui aussi cruelle et difficile à voir soit elle –une ou deux scènes sont assez dérangeantes moralement parlant- fait assurément mouche.
Minervini trouve la bonne distance, empathique mais pas trop, notamment avec les junkies qu'il filme, mais notre coté moraliste et humaniste en est forcément quelque peu ébranlée, vu les propos et les attitudes des protagonistes du film.
Si la seconde partie du film, qui abandonne Mark et Lisa pour nous montrer des vétérans de guerre et membres d’un groupe paramilitaires, déroute ( désarme?) un peu de prime abord, on est toujours dans la même logique du cinéaste celle de filmer des communautés qui se sentent abandonnés par les institutions américaines et les élites dirigeantes, des communautés ayant perdu tout espoir.
Miroir d’une réalité qu’il est difficile à voir en face et qui est si éloignée de l’image de l’Amérique triomphante comme le cinéma nous le montre traditionnellement, cet Other side est aussi dérangeant que fascinant et pourrait bien passionner tous ceux qui aiment quand le cinéma nous amène sur des territoires inconnus.