Baz'art  : Des films, des livres...
3 février 2016

Carol, le premier- et dernier?- chef d'oeuvre de 2016...

 

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Les années précédentes, j'ai fait le constat que les films que je choississais en début d'année dans la liste de ceux que j'attends le plus n'étaient que très rarement dans celle parue l'année suivante dans mon top ten.

Je ne sais pas si 2016 changera la donne, mais une chose est sure: sauf si 2016 s'avère être année cinéma de qualité tout à fait exceptionnelle, le tout premier de cette liste qui est sorti à l'affiche y figurera, et en très bonne place.

En effet, Carol de Todd Haynes, ce film dont j’attendais avec impatience sa sortie, alléché par les échos cannois dans l'ensemble très élogieux, et  une bande-annonce d’une folle élégance. « Carol » était un film que j’avais  envie de follement aimer et que j'ai, chose assez rare, aimé encore plus qu'espéré.

Le genre mélodramatique  est un genre que j'aime particulièrement, mais qui malheureusement donne rarement de très beaux films. Les chefs d'oeuvre du genre se comptent sur les doigts de la main , surtout sur ces 15dernières années, et parmi ces rares fleurons figurent déjà un film de Todd Haynes ; Loin du Paradis », sorti en 2002 chez Nous dans lequel le personnage joué par Julianne Moore découvrait, dans l'Amérique des années 50, l'homosexualité de son mari et tombait amoureuse de son jardinier noir. 

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Dans Carol, on retrouve quelques ingrédients de "Loin du Paradis", avec là aussi, en toile de fond une nouvelle histoire d’amour impossible se déroulant dans l'amérique des années 50. Comme dans « Loin du Paradis », il s'intéresse à une histoire de transgression ou de ce qui paraissait tel dans l'Amérique puritaine de ces années-là., mais ce coup ci entre deux femmes, et comme dans Loin du Paradis une maitrise éblouissante de la mise en scène et de l'image qui rend dingue d'admiration et qui renverse totalement par sa beauté.

On sent tout du long du film qu'aucun détail n'a été laissé au hasard par Haynes, notamment le soin apporté par la photographie, si brillant hommage au travail du photographe récemment décédé Saül Leiter, et l'ambiance créée par les décors, les vêtements et costumes des années cinquante, la lumière chatoyante et la musique de Carter Burwell, tous ces éléments contribuent à sublimer ce magnifique portrait de femmes en ruptures d'une société conformiste et moraliste.

 Un portrait certes tout en retenue,  en nuances et non-dits, comme l'époque l'imposait- on n'est à des années lumières de l'hystérie épuisante de Maïwenn.

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On pourrait penser que cette perfection et cette retenue, comme j'ai pu lire ou entendre dans certaines critiques, retienne un peu l'émotion: or, c'est le contraire qui se passe, la passion, l''émotion, le souffle des grands mots ne demandent qu'à exploser, et parvient à le faire à de multiples reprises- là des excuses murmurées au téléphone, là encore une procédure de divorce bouleversante, là encore  une dernière scène finale d'une beauté renversante.

La grande force de Todd Haynes, c'est qu'il parvient à nous faire ressentir plus que nous les montrer, les tourments intérieurs de ses deux héroines, plongeant le spectateur  comme en apnée avec le coeur qui bat au rythme du film, jusqu'à l'éclosion finale.Todd Haynes a vraiment réussi à rendre palpable tout ce qui se joue entre ces deux femmes partagées entre les conventions et leurs passions,  sans beaucoup de mots, avec des regards et deux actrices magnifiques. 

 Car le  choix de ces actrices revet également, comme tous les autres ingrédients du film, une  importance vraiment significative, tant l'incarnation des personnages doit beaucoup au physique et à ce qu'il représente. Cate Blanchett au jeu certes  sophistiqué,  évanescent, éblouissante dans ce rôle de grande bourgeoise qui se voudrait libre et indépendante et qui est malheureuse figée dans cette société où elle doit donc lutter pour prendre son envol, et Rooney Mara éblouissante, dans la sincérité de sa passion, qui fait penser terriblement à Audrey Hepburn, jeune fille fragile du début du film qui peu à peu va briser ses carcans, aussi bien dans son désir de devenir photographe que dans ses relations aux autres, et au fruit de sa passion.

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 La mise en scène de Haynes, jamais racoleuse, d'une élégance terrible sublime totalement cette histoire d'amour forcément universelle  qui ne pourra que toucher tous ceux qui ont accepté de sacrifier quelque chose par amour,   quelque soit la personne que l'on aimé.

Oeuvre somptueuse  décrivant avec élégance et finesse une passion amoureuse, Carol, qui prouve après  "La Belle Saison"  de Catherine Corsini ou "La Vie d'Adèle" d'Abdellatif Kechiche  que les histoires d'amour saphiques sont décidement très cinématographiques, est un chef d'oeuvre du genre, et à mes yeux, un chef d'oeuvre tout court, bien plus fort à mon sens que tous les films vus en 2015 et qui pour moi aurait largement mérité la palme d'or l'an passé...

Bande-annonce : Carol - VO

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A noter que Carol est adapté d'un roman de Patricia Highsmith , au titre original "The Price of Salt" a été publié en 1952 mais sous le pseudo de Claire Morgan,  pour que Highsmith, alors à l'aube de sa carrière de romancière ne soit pas étiquetée en tant que romancière lesbienne.

Un livre réédité par le livre de poche à l'occasion de la sortie du film et que tous les fous du film comme moi ne manqueront pas de découvrir pour se lancer dans le jeu des comparaisons.

On constatera  à la lecture du roman, que j'ai lu juste après avori vu le film de à quel point Todd  Haynes a été fidèle à la petite musique du livre,  en faisant ressentir le rythme particulier de la maitresses des romans noirs et a tendance à assouplir un peu la cruauté du roman initial, même si la sensibilité et la finesse des personnages et des situations présentes dans le long métrage de Haynes est bien évidemment déjà présente dans ce très beau roman de Highsmith qui nous transporte certes moins que le film,  mais qui reste une très belle oeuvre.

 

 

 

Commentaires
M
Salut ! J’ai vu ce film par simple curiosité et je dois avouer que j’ai été agréablement surprise. Et pour cause, les actrices sont au top et le scénario est intéressant.
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R
Bonjour, j'approuve tous les commentaires ci-dessus et ton billet. Film plein de délicatesse malgré le sujet, trés trés belle réalisation (images, époque, costume....) et évidemment casting réussi avec Cate Blanchett et Rooney Mara (excellentes). C'est un film dont je me souviens trés bien pas forcément pour le sujet mais surtout pour l'image, bonne continuation à toi filou.
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T
Un très beau film (même si j'aurais mis Mia Madre en Palme d'or mais j'aurais préféré Carol en Palme que Dheepan !). J'ai beaucoup aimé le duo formé Cate Blanchett et Rooney Mara (je ne comprends d'ailleurs pas que Cate n'ait pas eu le prix Rooney) et je trouve que l'esthétique sert beaucoup l'émotion (contrairement effectivement à beaucoup de gens qui ont trouvé l'ensemble froid). J'ai trouvé ça très beau, touchant, très juste aussi sur la vision de l'amour et sa responsabilité, le contexte historique tout en faisant écho à notre monde actuel. Tu as très bien défendu ce film !
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P
Décidément, tous mes blogopotes sont enthousiastes devant ce film. J'ai encore plus envie de le voir mais je n'ai pas encore eu le temps. Il faut vraiment que je me prévois un créneau avant qu'il ne soit plus à l'affiche...
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A
Quel enthousiasme ! J'ai moi aussi beaucoup aimé ce film d'une élégance rare et malgré tout réellement touchant, et audacieux. De sublimes actrices, une reconstitution d'époque soignée, et Carol devient un film réellement réussi et gracieux.
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