Baz'art  : Des films, des livres...
21 février 2016

Cinq grands romans enfin en poche !

 Un début d'année 2016 fertile en belles parutions grand format, mais aussi en sorties poches avec une revue de cinq livres qu'on avait beaucoup aimé lors de leur sorties en GF, et qu'on aimerait resaluer à l'occasion de leurs sorties à un prix modique, avec leurs sorties poches très récentes et qu'on ne saurait par trop vous conseiller de vous procurer pour occuper vos vacances de février :

 1. Chevrotine, Eric Fotttorino ( Folio)

chevrotine

 «Les jours d’après, le jour se sépara de la nuit. Il y eut Laura la douce le jour. Laura la dingue la nuit. C’était Laura et ce n’était plus Laura. Et tout s’inversa. Il y eut Laura la dingue le jour. Laura la douce la nuit. Et tout se mélangea  encore. »

Alcide Chapireau élève seul ses deux garçons depuis la mort prématurée de Nélie, sa femme adorée, trois ans plus tôt. Ostréiculteur près de La Rochelle il regarde ses enfants grandir avec tendresse et dévotion jusqu’au jour ou….

C’est l’histoire du naufrage d’une vie et d’une famille et pourtant cette famille qu’il n’arrive pas à reconstruire, Dieu sait si Chapireau en a rêvé.

Après de bouleversants récits autobiographiques sur « ses » pères, après ses récits sur la bicyclette et ses champions, Fottorino revient au suspense psychologique comme au temps de « Caresse rouge » sorti en 2004.Dans un style simple et clair il nous décrit une psychose destructrice et ses conséquences.

On retrouve dans ce roman un thème fondamental pour l’auteur : qu’est-ce qu’être père, quel est ce lien ténu que l’on nomme filiation ? Un lien tellement fragile qu’il ne supporte pas la passivité, surtout de la part d’un père amoureux.

Le destin de Chapireau, ce colosse aux pieds d’argile, nous touche et nous émeut, formidablement écrit on ne lache pas « Chevrotine », un livre tendre et violent.

MD

2 Le Bonheur National Brut; Francois Roux  ( Le livre de poche)

bonheur national

« Bientôt, Rodolphe serait empêtré dans les rouages du monde politique, Tanguy dans ceux de l’entreprise, Benoit et moi dans ceux de l’art et de la culture. Chacun de nous devrait batailler, contre les autres mais surtout contre lui-même. Chacun de nous pour tenter de survivre –pour tâcher d’être  heureux ?-, s’efforcerait à sa façon d’enfouir les monstres cachés qui n’avaient cessé de nous poursuivre depuis l’enfance. Pour le moment nous étions morts de rire, et cela nous suffisait amplement. »

Quatre copains, l’année du Bac dans une petite ville de Bretagne mais pas n’importe quelle année, 1981, l’année du basculement de la France à gauche.

Quatre  potes : Antoine, terrien, passionné, le plus aventurier de tous, Tanguy froid et ambitieux, Bernard Tapie est pour lui un modèle, Rodolphe prêt à s’engager en politique, socialiste tendance Rocard, tant pis si sa future belle famille vit dans l’opulence des nouveaux riches et Paul le narrateur, Gay en rupture de famille et futur acteur. Après les années d’apprentissage nous retrouverons trente ans plus tard les quatre hommes, que reste-t-il de leurs amours, de leurs rêves et de leurs espoirs ?

Mai 1981, Mai 2012. Gros pavé de près de sept cents pages, François Roux nous entraine dans une fresque politique et sociale, il empoigne les années Mitterrand qui sont aussi les années Fric et les années SIDA, il plonge ses héros dans les tourments du début de la vie d’adulte et les retrouve au moment de leur bilan de mi- vie. Le romancier excelle dans la description du lien organique, sensuel et intime que les  jeunes hommes entretiennent face au monde. 

Un roman français qui a l’ambition et le punch d’un roman Américain, il ne faut surtout pas rater cela.

MD

 3 Arnaldur Indridasson, les nuits de Reyjakvik, ( Points)

nuits de re

« Certains disparus n’étaient retrouvés que des mois, des années voir des décennies plus tard, d’autres ne l’étaient jamais. Les paroles de Rebekka résonnaient dans la tête d’Erlandur : Hannibal a disparu de nos vies, disait-elle. Il comprenait parfaitement ce qu’elle voulait dire. Le destin de ce clochard lui enseignait que les disparitions pouvaient tout autant se produire dans les rues fréquentées de Reykjavik que dans des tempêtes déchainées, sur des chemins de montagne périlleux, loin des terres habitées. »

LeJeune Erlandur Sveisson, nouvel embauché dans la police de proximité de Rekjavik, est déjà vieux, mélancolique, et taiseux, la disparition de son frère alors qu’ils étaient enfants l’a figé dans les années cinquante. Mais si le jeune homme au visage triste est nostalgique il n’est pas réac et c’est parce qu’il est profondément humaniste et opiniâtre qu’Erlandur va s’intéresser à la mort par noyade d’un sdf, affaire trop rapidement classée justement parce qu’il ne s’agit que d’un clochard.

Accompagnons Erlandur dans les nuits sombres et glaciales de Reykjavik, accidents provoqués par des conducteurs avinés, bagarres entre pochtrons, violences conjugales, drogues, drames de la solitude, dès ses débuts dans la police, le jeune Erlandur va subir un concentrées d’épreuves qui sera un excellent prologue  à sa carrière d’inspecteur à la Criminelle.

Si « les nuits de Reykjavik » n’a pas la force des grandes réussites d’Arnaldur Indridasson comme « La femme en vert » ou « Etranges rivages » reconnaissons à l’écrivain un formidable talent pour nous accompagner et nous faire aimer l’ Islande.

La description méthodique du mode de vie de son pays au tournant des années soixante-dix nous captive, et voir Erlandur,désespéré, constater que ses collègues préfèrent manger des tartines italiennes appelées Pizza ou des sandwichs américains appelés Hamburger plutôt que des plats traditionnels islandais tels que du poisson bouilli, des abats surets conservés dans du petit lait, ou du boudin à la graisse de baleine est plutôt réjouissant…

Même en petite forme, un  Arnaldur, en attendant un plus grand, ne se refuse pas….

MD

4. Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, Patrick Modiano ( Folio)

pour que tu ne

""Son rire et le bruit de leurs pas résonnaient dans ces rues dont l'une portait le nom d'un écrivain oublié" 

Je n’avais jamais lu de roman de Modiano avant Pour que tu ne te perdes dans le quartier mais en plongeant dans ce livre j’ai reconnu des traits communs à chacun de ses romans et qui m’ont frappé pendant ma lecture : présence de personnages à l’identité trouble, quasi spectrale et souvent mêlés à quelques crimes ; mélange de précision et de flou propre à son style ; passion des noms propres (ça m’a fait penser à Vincent Delerm encore une fois et au name dropping qu’on lui reprocher à ses débuts) ; cette quête de trace des disparus ; la ville de Paris arpentée.

J’ai appris que si l’étiquette d’écrivain anachronique lui colle à la peau encore aujourd’hui c’est parce qu’en 1968 quand il publie son premier roman, Place de l’étoile, il parle de la seconde guerre mondiale et fait tomber le mythe d’une France unanimement résistante. 

A travers des extraits d’un cahier d’écolier tenu alors que Modiano est pensionnaire au collège en Haute Savoie, on entraperçoit le quotidien de l’enfant qui a passé quasiment toute sa jeunesse en pension. Il écrit :« La vie collective est étouffante ».

Le livre revient sur le goût de l’écrivain pour les faits divers et raconte comment un entrefilet dans le journal Paris Soir, a été le point de départ  de sa quête de traces de Dora Bruder, jeune fille juive morte en déportation. Il est très intéressant de pouvoir lire la Genèse de cette œuvre et les conditions de l’enquête menée conjointement par Serge Klarsfeld et Patrick Modiano.

Après avoir fermé le seul roman que j’ai lu de Patrick Modiano, j’aurais pu tout à fait dire comme un reproche « il ne se passe rien ». A cette critique, Marie Darrieusecq répond :

« Ce qui se passe, dans ce livre, c’est surtout le temps. Cent-soixante-quatre pages et 30 ans »

VB

5. Je vous écris dans le noir, Jean Luc Seigle- J'ai lu 

je vous écris

« L’histoire de Pauline, comme toutes les histoires, ne peut donc pas se raconter uniquement sur les faits, elle doit s’établir sur les silences de sa vie qui ne contiennent pas seulement son enfance et ses rêves mais les silences de son enfance et les silences de ses rêves. "

C'est sous la plume de Jean-Luc Seigle que j’ai fait connaissance avec cette Pauline Dubuisson qui a vraiment connu une destinée incroyable, échappant par deux fois à la peine de mort pour deux chefs d’accusations différentes, à quelques années d’intervalle.

Fille de militaire dont deux de ses frères furent mort pendant la guerre, la jeune fille a  été  tondue en place publique à tout juste 16 ans pendant la Libération, puis victime d’un viol collectif et condamnée au peloton d’exécution, pour avoir couché avec un médecin allemand de l’hôpital de Dunkerque. Sauvée par son père colonel, elle rencontre Félix Bailly à la faculté de médecine de Lille, qu’elle tuera  de trois coups de revolver, crime passionnel dû à leur histoire d’amour particulièrement cahotique.

Arrêtée et jugée, elle échappe à la peine de mort pourtant réclamée avec passion par le procureur, et est condamnée à la perpétuité en 1953, et son père qui ne se remet pas de l’arrestation de sa fille, se suicide.

Si Pauline échappe une nouvelle fois au jugement annoncé, et elle est libérée six ans plus tard pour bonne conduite, elle ne se remettra jamais totalement de tous ces faits qui ont brisé sa vie et s’en ira vivre au Maroc pour se faire définitivement oublié.

Si cette partie de sa vie n’est connue par personne, l’auteur Jean Luc Seigle, et c’est évidemment la liberté et l’audace de tout grand romancier qu'il est,  décide d’imaginer cette vie au Maroc et une nouvelle histoire d’amour avec un certain Jean à qui elle dissimule tout d’abord sa véritable identité

En choisissant Pauline comme narratrice, en lui laissant la parole comme elle ne l’a sans doute jamais eue,Jean-Luc Seigle  nous montre que son héroïne n'était peut etre pas aussi froide et calculatrice que ce que Clouzot nous avait montré, et  sa volonté d’entreprendre cette réhabilitation littéraire ne peut que me toucher profondément.

Travail littéraire d’une grande finesse, et très joliment écrit, voici un bien  beau livre, et une belle édition poche pour en profiter avant de découvrir la version qu'a donné Philippe Jaenada quelques mois après...

 PH

Commentaires
P
Pour moi qui vais en Islande dans 2 semaines, je vais me prendre le livre qui se passe a Reykjavik, tiens :)
Répondre
O
Je suis vraiment curieuse et intéressée de lire Le bonheur national brut après cette critique. Merci pour la découverte !
Répondre
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