Dans la lignée de notre compte rendu sur l'expo Magritte à Beaubourg de ce matin, on continue à vous parler de grands peintres à travers deux expos actuelles, une à Paris une sur Lyon ainsi qu'un roman sur une artiste peintre au si tragique destin :
1.Bernard Buffet Intimement-
Musée de Montmartre+ Catalogue de L'exposition Editions Somogy Art
Le Musée de Montmartre consacre depuis le 18 octobre 2016 jusqu' au 5 mars 2017 une exposition inédite à Bernard Buffet (1928-1999).
L'occasion de découvrir ou redécouvrir un des plus grands peintres français du XXème siècle, car grâce à des prêts d’exception provenant de la collection de son fils (Nicolas Buffet), de collections publiques et privées, 150 œuvres (peintures, gravures, photographies) sont réunies pour proposer un portrait intime , dans un parcours thématique qui évoque les attaches qui relient Bernard Buffet à Montmartre.
Onze sections illustrent la grande diversité de l'oeuvre de l'artiste, du Cirque Médrano, le quartier de Montmartre, et évidemment son épouse et son égérie Annabel.
L’exposition « Bernard Buffet, intimement » bénéficie des choix et des conseils de Nicolas Buffet qui, pour l’occasion, a prêté des œuvres qui seront pour la plupart montrées pour la première fois.
Ces oeuvres nous permettent ainsi d'éclarier familialement la personnalité de Bernard Buffet, sa créativité, sa culture, et les diverses facettes de ses prodigieux talents.
L'expressivité de ses figures faméliques et crispées rapproche ses modèles de martyrs en supplique tandis que ses objets rendent le silence palpable et tout puissant rendant le style Bernard Buffet profondément unique..
Dans la lignée de l'exposition, le le superbe catalogue "Bernard Buffet Intimement", paru aux éditions Somogy prolongent et développent l'intimité de l'univers du peintre, notamment avec une très émouvante Lettre de Nicolas Buffet, un ouvrage très révélateur de l'homme et l'artiste
Parcourir ce formidable ouvrage, c'est déceler les failles et les blessures qui l'habitent et à quel point chaque instant de sa vie fut toute entière dédiée à son art..
On y apprend notamment que Buffet a affirmé sa personnalité et sa touche dès ses premières oeuvres, dans ses paysages, ses objets et ses personnages anguleux et décharnés.
ON y découvre également sa formidable entente avec sa muse et épouse Annabel et sa force d'ame à travers une analyse à la fois très érudite et très personnelle de son oeuvre et de sa vie.. Un complément idéal à l'expo montmartroise..
2. Henri Matisse, " le laboratoire intérieur"
Au musée des Beaux-Arts de Lyon
Tout au long de la vie d’Henri Matisse (1869-1954), le dessin occupe une place centrale, tant dans la diversité de ses moyens (crayon, fusain et estompe, plume et encre, calame ou pinceau...) que dans ses supports (feuilles de carnets, marges de lettres, ou beaux papiers).
Cette pratique assidue dans l’intimité de l’atelier a été le laboratoire de son œuvre de peintre, comme de sa sculpture — Matisse s’est souvent comparé à un jongleur ou à un acrobate, entretenant quotidiennement la souplesse de leur instrument de travail. Les dessins de Matisse environnent, précèdent, accompagnent ou prolongent les autres formes artistiques et se constituent aussi, parfois, en constellations indépendantes.
L’exposition présente 250 œuvres et rend compte des principaux moments de ce parcours articulés en quatorze séquences à la fois thématiques et chronologiques : des années d’apprentissage au tout début du XXe siècle, jusqu’aux études pour la chapelle du Rosaire à Vence (1948-1949), ultime chef-d’œuvre et aboutissement de toute une vie pour Matisse.
Le parcours de l’exposition évoque les points d'articulation de la pratique matissienne du dessin — du noir de l'encre ou du crayon à la blancheur modulée du papier, de la douceur des ombres estompées à la lumière émanant des derniers dessins au pinceau, mis en regard avec les recherches sur la couleur dans la peinture ou avec le travail sur le volume dans la sculpture.
3. Charlotte Salomon , par David Foenkinos.. version illustrée chez Folio
Le roman de David Foenkinos retrace la vie de Charlotte Salomon,a été un vrai best seller (430.000 exemplaires vendus) qui a transformé en vraie icone cette artiste allemande complètement méconnue auparavant , tuée à Auschwitz à l’âge de 26 ans.
Cette édition récente parue en poche chez Folio d'une dizaine de photographies représentant Charlotte et ses proches est assez exceptionnelle et est aussi un superbe cadeau de Noel à bas prix.
En effet, avec cette version de Charlotte, « enrichie », « augmentée » des gouaches de Charlotte Salomon dont il est pleinement question dans ce beau roman on est pleinement plongé dans la vie de jeune peintre juive allemande (marquée toute sa vie par une série de deuils familiaux particulièrement dramatiques )- qui trouvera la mort dans un camp de concentration a 26 ans et alors qu’elle est enceinte – qui s’impose.
L'occasion d'avoir une approche supplémentaire de l'œuvre de Charlotte Salomon, un extraordinaire roman graphique composé d'un millier de gouaches.
Charlotte veut éblouir Alfred, c'est certain
Mais son espoir est complexe
Après le sentiment de force, elle retombe dans le doute
Et passe son temps à se déprécier
Elle ne peut croire qu'elle suscite un intéret véritable
L'homme se rendra forcément compte de sa médiocrité
C'est une évidence.
Il posera un regard de lumière sur elle.
Eclatera de rire en démasquant la supercherie
Imaginez une vie où progressivement vous êtes exclu(e) de toute vie sociale, dans l’Allemagne des années 30, parce que vous êtes juif/juive. Imaginez que vous apprenez très tard qu’on vous a toujours menti sur les causes de la mort de votre mère et que ce lourd secret vous le sentiez sans arrivez à mettre le doigt dessus depuis toujours. Imaginez vous obligé(e) de fuir votre pays laissant derrière vous, les vôtres et l’homme/la femme que vous aimez passionnément.
Dans un tel contexte, que reste-t-il à Charlotte Salomon ? ou peut-être que la question est mal posée : sa survie passe par son art et on envie terriblement sa force à peindre et à écrire pour exprimer ses émotions, pour raconter son histoire si singulière. Son œuvre sera exposée des années après sa mort.
Le roman Charlotte décrit aussi cette France pendant la seconde guerre mondiale où des français envoyaient des lettres pour dénoncer des juifs, où un SS, Aloïs Brunner, torturait à tour de bras à l’hôtel Excelior à Nice (et mouru de sa belle mort, protégé pendant un temps par la Syrie)
Et puis les dernières lignes (dont on ne sait pas vraiment si elles correspondent à la réalité ou une pure invention de l’auteur consacrées à Alfred (l’homme auquel Charlotte n’a jamais cessé de penser) ont fini de me saisir à la gorge.