Pour ma dernière chronique musicale de l'année, pas de révélations de jeunes talents- même si le second de cette sélection n'a que 25 ans- mais des valeurs assurées de la chanson française et des artistes médiatiques qui ont sorti, au cours du dernier mois de l'année, des opus largement estimables, même dans le genre vraiment casse gueule du disque hommage.
Petite revue de trois bons disques de variétés françaises qu'on aurait pu retrouver sous le sapin de Noël:
1.Cali croque dans les choses défendues ( Sony)
A l'aube des années 2000, j'avais découvert avec un vrai enthousiasme ce chanteur catalan apparaitre avec son épatant premier album.
"Les choses défendues", son tout dernier disque et son 7ème opus à ce jour, retrouve l'acuité et la fièvre de plusieurs titres qui deviendront des tubes à ses débuts , de C’est quand le bonheur ? à Pensons à l’avenir et Elle m’a dit. On y retrouve avec joie sa plume, subtile et exaltée, à vrai dire, une nouvelle façon de décrire la violence des sentiments amoureux, et des passions qu'elles qu'elles soient.
Il a certes mis un peu d'eau dans son univers exalté, engagé, lyrique mais il retrouve ici sa puissance à faire de belles mélodies, mélangeant cordes et musicalité plus folk, qui sait accompagner parfaitement ses textes fievreux.
Les choses défendues, est un disque où sa fièvre et sa sensibilité se ressentent à chacune de ses notes, et chacun de ses textes.
Magnifique aussi, le "S'il te plait", deuxième titre de l'album sur deux amants un peu déglingués par des années de déchirement et de souffrance dont l'un ne voit qu'une solution : la fuite pour ne pas sombrer définitivement..
Cali tente ici une exploration des rêves d’amour déçus, des échecs fatals, des défaites intimes. Un album qui s'ouvre en force sur un très puissant "A cet instant, je pense à toi", "chanson crachée faite en une prise, instantanée sur des moments sombres de l'actualité.
Sur le même registre intime et personnel, on notera "Elle a mal", une chanson qui raconte avec réalisme et poésie l'histoire d'une femme battue par son mari.
Cali raconte également dans un autre titre le jour de la mort de sa mère, décrivant "le regard perdu de son père" qu'il compare à celui d'Annie Girardot, dans la chanson qui porte le nom de l'actrice et qui fait pleinement référence la fin d’Un homme qui lui plaît de Lelouch ce plan-séquence de trois minutes dans lequel le personnage d’Annie Girardot est dans une gare et attend que Belmondo l'homme qu'elle aime descende du train.
L'album se clot magnifiquement par le très beau "Montreal 4 a.m", une poignante ballade nocturne, presque crépusculaire qui fait penser à du Christophe de la Dolce Vita , où l'on sent toute l'émotion et la sensibilité à fleur de peau d'un artiste qui réussit peut- être là son meilleur album depuis le début de sa carrière, plus apaisé et plus profond.
2. Vianney passe la seconde avec énormément de brio; Vianney ( Tôt ou Tard)
Depuis Idées blanches, succès critique et public apparu fin 2014, Vianney ne cesse de faire parler de lui à la vitesse grand V : meilleur artiste masculin aux 31e Victoires de la Musique en ce début d'année, il n'aura pas attendu pour livrer en cette fin d'année, un second album très attendu, qui l'asseoit largement comme un chanteur qui compte dans la chanson française à tout juste 25 ans., un second opus qui vient confirmer sa très belle ascension..
En grand amoureux de la chanson, Vianney manie toujours aussi bien la plume, et montre à traverses onze morceaux à quel point le texte est très important pour lui, mais qui sont loin de ne se reposer sur le texte. en soignant la mélodie, afin que les mots aillent toucher au mieux celui qui l'écoute.
Moins second degrès mais finalement encore plus abouti que le premier, cet album, qui porte simplement le nom de l'artiste, est très introspectif, plein de blessures secrètes et d'aspirations pour l'avenir.
Il y a quelque chose comme dans le premier album de modeste et qui sonnt très vrai dans la façon de chanter de Vianney, mais avec toutefois une recherche d'une approche sonore résolument organique et pleine d'ampleur.
L'homme et l'âme, inspirée de la tuerie du Bataclan ou encore le très personnel Le fils à papa illustrent notamment le talent d'auteur et de mélodiste de l'artiste.
Résultat : ce second album sonne un peu moins pop que le précédent mais opte pour une tonalité à saveur folk et plus orchestré, plus ambitieux, qui ancre l'artiste dans la chanson française de grande qualité, comme il l'affirme dans le galopin, une jolie chanson piano-voix qui cloture l'album.
Avec toujours au bout de la plume ce souci du mot juste, Vianney fait sonner des allitérations autour des difficultés amoureuses, notamment dans Je m'en vais premier single de cet album qui a tout pour cartonner autant que le premier.
3. Un hommage à Michel Delpech tout en dignité J'étais un ange (Mercury/Universal)
Décédé en janvier dernier, Michel Delpech était un auteur et interprète d’exception qui nous aura livré d'immenses morceaux qui ont tendu à la France des années 70-80 un miroir toujours juste et sincère.
Michel Delpech espérait faire chanter à nouveau son répertoire par d’autres, et a confié à son épouse et ses amis proches cette mission de faire vivre son œuvre, et de trouver de jeunes talents, pour interpréter à leur tour ses tubes. C’est chose faite avec la sortie en cette fin d'année de « J’étais un ange » dans lequel une pléiade d’artistes lui rendent hommage.
Pour un flirt, Quand j’étais chanteur, Le Loir-et-Cher, Les Divorcés, Le Chasseur, Que Marianne était jolie, Ce lundi-là, Wight Is Wight : les grands classiques sont présents mais aussi des perles moins connues ( la fille avec des baskets, les aveux, loin d'ici)...
Comme tout disque hommage, cet opus pour ambition de faire vivre son répertoire, ou le faire (re)découvrir à de nouvelles générations mais contrairement à d'autres disques de ce genren le résultat est dans l'ensemble digne et cohérent Il faut dire que le travail artistique, sous la direction du célèbre ingénieur du son et producteur Dominique Blanc-Francard, a pour ambition de donner un nouveau regard sur le répertoire, tout en respectant le fondement des œuvres originales.
Ses plus grands tubes sont ainsi repris par ses grands amis Alain Chamfort, Didier Barbelivien ( qui reprend le magnifique les aveux, dommage quand même que ca soit Barbelivien)… mais également admirateurs de toutes les générations ; Calogero, Patrick Bruel, Marc Lavoine, Pascal Obispo, Louane, Slimane et pour une belle transition avec le second artiste de ma sélection un Vianney nqui offre une version de quand j'étais chanteur audacieuse mais pas follement convaincante….
Parmi les vrais bons moments de l’album, on notera " Chez Laurette" de Slimane qui a le grand mérite de tenter une réorchestration originale presque en salm de ce titre si emblématique de la carrière de Delpech, mais aussi le toujours d'actualité chronique socale --Ce lundi-là par Calogero ce duo déjanté entre Fanny Ardant et Alex Beaupain qui font sonner Inventaire 66 avec fantaisie et charme, une reprise joyeuse de "Que Marianne était jolie " par Les Innocents ou le très beau "Loin d'ici", repris avec émotion et pudeur par un inattendu Amir .
Bref, cet opus collégial de reprises de Michel Delpech est incontestablement l'un des meilleurs albums hommage qui ait été fait jusqu'à présent.