L'économie du couple : un des grands films de cette année en DVD
Ce formidable huis clos dans un appartement bruxellois qui décrit le naufrage d'un couple, sous fond d'inégalité sociale et financière, parle de ces conjoints, comme il en existe de plus en plus dans nos sociétés actuelles, qui subsistent pour d'uniques raisons financières, d'où l'économie conjugale qui donnent son nom au film.
Jadis, les couples restaient ensemble très souvent pour des questions de morale, désormais c'est l'aspect financier qu'il faut prendre en compte et le film de Lafosse est un des tous premiers à prendre en compte cette réalité, c'est pour cela que l'argument selon lequel la question du couple qui se déchire a souvent été traité au cinéma ne me parait pas très pertinent.
Certes, d'autres longs métrages ont déjà décrit dans le détail les déchirements d’un couple qui se sépare, les mesquineries et autres trahisons, et (re) certes, on pense à certains films de Pialat comme "Nous ne viellirons pas ensemble"( Sylvie Pialat est une des productrices du film) mais Lafosse et ses deux co scénaristes parviennent haut la main à apporter de la nouveauté dans un genre que de nombreux grands cinéastes ont exploré.
Ici, comme rarement, chaque empoignade, chaque échange entre les protagonistes de ce couple qui se déchire respirent d'une véracité rendant le film immensément crédible et poignant.
Cela est du à une mise en scène à la fois d'une grande simplicité et d'une géniale efficacité faits plans-séquences extraordinaires, étouffants, d'une profonde intensité, où le huis clos dans un appartement est parfaitement exploité.
Du coup, les séquences dans l'espace confiné, étroit de l'appartement sont filmées sans jamais éluder la tensionet la violence latente tout en tentant de préserver leur volonté commune de protéger les enfants, des enfants, qui, autre belle idée du film, sont des jumelles, tentant de préserver leur complicité et leur lien fusionnel à l'heure où leurs propres parents se défusionnent.
Toute la finesse de l’écriture du scénario provient aussi de la multiplicité des états amoureux des deux personnages, alternant souvent de façon soudaine, de la haine à ce qui reste d'amour, en passant par le mépris et -heureusement- plus rarement l’hystérie ( on n'est pas dans le dernier Dolan qui se passe aussi en intégralité dans une maison, ouf!).
Et cette scène de danse déchirante sur le Bella de Maître Gims (comme quoi il n'y a pas que Dolan justement pour magnifier des chansons françaises populaires pas terribles au départ) qui décrit mine de rien la terrible émotion d'un amour qui s'éteint, fait assurément partie des plus belles scènes cinéma de cette année .
La dernière grande réussite du film tient aux acteurs, proprement bluffants. Berenice Bejo est aussi épatante que dans "le Passé" de Farhadi et surtout Cedric Kahn , vraiment impressionnant mâle blessé à la fois viril et en plein désarroi ..J'avais déjà adoré ses deux performances d'acteur dans Tirez la langue mademoiselle et Alyah- dans les anarchistes, en revance, bof- mais ici dans son premier "premier" rôle, il livre une performance remarquable, d'une expressivité impressionnante, formant alors avec l'atrice d'OSS 117, un couple d'une crédibilité des plus jubilatoire.
Bref, cette autopsie remarquable de la complexité des sentiments amoureux dans une séparation est un des très grands films francophones de cette année 2016, et sa sortie DVD pas forcément idéale pour un soir de Noel c'est sur- peut permettre de le vérifier largement..
L ÉCONOMIE DU COUPLE Bande Annonce (Bérénice Bejo - 2016)
En complément de la bande-annonce, le DVD- sorti le 14 décembre dernier chez Le Pacte distribution- contient un entretien complet et passionnant de 15 minutes avec le réalisateur.