TOMBÉ DU CIEL, premier long-métrage de fiction du réalisateur libanais Wissam Charaf- plutôt habitué aux documentaires-, qui a été présenté dans la sélection ACID de Cannes 2016, sort en salles mercredi prochain, et ce film constitue une vraie et belle surprise, car tous les amateurs de curiosités venus d'ailleurs ne pourront pas laisser passer cette fable loufoque et cruelle sur un pays, le Liban qu'on connait finalement assez mal.
Samir, un ancien milicien censé être mort pendant la guerre civile depuis plusieurs années réapparait un peu comme un messie dans la vie de son frère Omar garde du corps à Beyrouth ,qui éprouve quelques difficultés à accepter l'idée de ce retour totalement inattendu.
Tout le film est imprégné de la façon dont la société libanaise d'aujourd'hui tente de vivre avec l’héritage de la guerre civile, et le récit questionne en permanence le lien entre virilité de facade et violence pas toujours maitrisée qui imprime toute une génération.
Des hommes marqués par une guerre civile que cette société libanaise contemporaine a eu tendance à un peu trop refouer, par la faute d'une absence de travail collectif de mémoire, pourtant indispensable après un tel traumatisme.
Et ce passé longtemps refoulé qui menace d'exploser à tout moment, le film le traite de façon tragico-comique avec des gags souvents totalement impromptus et étonnants.
Bien loin du naturalisme ambiant dont le cinéma libanais traditionnel a tendance à abuser (on pense notamment aux films de Christophe Karabache ou Nadine Labaki), Tombé du Ciel ose la farce absurde incongrue avec un humour assez pince sans rire, qui fait pas mal penser au cinéma du finlandais Aki Kaurismaki ou du palestinien Elia Suleiman.
Avec ce même regard qui analyse des situations au départ très réalistes et noires de façon décalée (une dispute de voisinage qui se traite au bazooka), et filme frontalement des faits cocasses (ce vendeur de voitures qui apprend l’allemand en lisant Mein Kampf), "Tombé du Ciel" séduit le plus souvent, notamment par cette singulière façon d'oser le suréalisme social, deux facettes a priori antinomiques et d'éviter coute que coute le pathos inhérente à la chronique sociale et politique lambda.
Quant à l'interpétation, elle contribue aussi à la réussite du film, notamment grâce aux deux frères, joués par deux acteurs formidables : Raed Yassin, - qui avait joué dans les court-métrages de Charaf- qui impose son gabarit inhabituel dans le cinéma traditionnel et Rodrigue Sleiman, qui donne à Samir, l'ambiguité et les doutes liés à ce personnage dont on a du mal à cerner les véritables intentions.
Osant un parti pris de mise en scène assumé avec format carré et des images en 1.33, pour mieux montrer à quel point ces personnages sont prisonniers de leurs quotidien ,enfermés dans leurs (non) choix et leurs absences de perspectives, ce Tombé du Ciel manque parfois d'un peu de rythme mais jamais d'originalité et de charme.
TOMBÉ DU CIEL de Wissam Charaf - En salles le 15.03.2017 from V.O. on Vimeo.