Cinéaste du groupe et des destins individuels, Laurent Cantet n'a jamais céssé d'étudier les relations complexes voire conflictuelles régissant le corps social.
Ici, il sonde avec énormément d'intelligence et de subtilité les mécanismes de groupe tout en ne négligeant pas les aspects psychologiques de chacun des personnages, et dessine de fait de beaux portraits de groupes ou individuels toujours en phase avec leur époque ou l’actualité.
Travaillant une nouvelle fois avec son co-scénariste Robin Campillo, l'auteur d'Entre les murs reprend un projet ébauché à la fin des années 90, dix ans après la fermeture des chantiers navals de La Ciotat.
Un film qui s'inscrit avec bonheur dans l'itinéraire d'un cinéaste à la filmographie passionnante, de L'emploi du temps au méconnu mais superbe Retour à Ithaque. (paradoxalement c'est sans doute entre les murs, palmé à Cannes qui est le moins abouti) .
Dans L'Atelier, il confronte ses personnages à un lieu chargé d'histoire dont la mémoire ne coïncide plus avec le présent. mais il n'oublie pas d'insuffler à son film une couche de pure fiction qui vire au thriller qui vient enrichir un fond davantage documentaire , La Ciotat et ses chantiers navals défaits inscrivent le film dans une réalité presque oppressante, qui dresse le sombre portrait d’une jeunesse désabusée, en proie à l’ennui et aux tentations des extrêmes.
Vivantes et rythmées, les scènes de groupe alternent de très belle façon avec le rapprochement qui s'opère entre l'écrivaine et Antoine, jeune homme mystérieux, brillant et provocateur se plaçant en retrait du groupe tout en s'investissant dans le projet.
Sans cesser de les relier au groupe, la narration explore de belle façon le lien qui se crée entre ces deux personnages : face à Marina Fois, aussi brillante que dans Irréprochable : Comédien débutant au même titre que les jeunes inscrits à l'atelier, Matthieu Lucci apporte à son personnage une profondeur supplémentaire., autant buté que séducteur, antipathique ou émouvant, il irradie un casting par ailleurs très homogène.
Seule professionnelle du groupe, particulièrement investie dans le projet, Marina Foïs navigue avec justesse entre assurance et perte de repères.
"L'atelier" devient du coup le théâtre d'une relation complexe entre la romancière et Antoine, et le travail sur le collectif s'efface donc au détriment de cette relation ambigue et d'une grande force. Le film est parfaitement et constamment mis en scène : on est épaté par la façon dont Cantet sait poser toujours sa caméra où il faut.