Critique Musique/Théâtre : Les batteurs au CDNT; Compagnie Théâtre Déplié
En prenant place dans votre siège de théâtre, vous vous sentez en terrain familier. Pourtant, au théâtre, on ne sait jamais vraiment ce qui nous attend...
Les rives sur lesquelles vous venez d'accoster sont celles d'un royaume insoumis et sans territoire, peuplé par une communauté d'autant plus farouche qu'elle a perdu son chef, et qui parle une langue aussi universelle qu'insaisissable.
Pour comprendre ce qui se passe sur ce plateau aux allures d'île inexplorée, imaginez que l'éclairagiste d'un concert ait dévié les projecteurs vers le fond de la scène, que le chef d'orchestre ait déserté, avec les musiciens à sa suite, et qu'il ne reste que la batterie.
Un chœur de batteurs, plus exactement, puisqu'ils sont six à prendre le devant de la scène pour nous raconter l'histoire de la batterie, de la musique, et leur propre histoire avec elles.
C'est le début d'un voyage, à travers les continents, au gré des influences ; c'est le début d'une histoire, celle d'un simple tambourin, devenu homme orchestre, entouré de son écrin de bois, de cuivre et de peau. Alchimiste, dessinant, entre tempo et mélodie, l'itinéraire de la batterie à mesure d'intuition, d'expérimentation et de coup de génie. Flirtant aujourd'hui avec la musique savante, la batterie n'oublie rien de ses origines populaires venues des cinq continents.
Rythme vital, puisant au plus primitif de l'homme et de la nature, la musique prend aussi le pouls des époques qu'elle travers, dont elle estautant témoin qu'actrice.
Mais qui, de la musique ou de la société, est le premier ? Lequel influence, façonne l'autre ?
Pour cette exploration, le metteur en scène Adrien Béal tente l'épreuve de déplacer la musique au théâtre, de la mettre en scène et donne la parole aux musiciens. Une porosité fréquente à l'aire du tout "trans-disciplinaire", mais qui montre ici ses limites.
Le verbe n'est pas aussi bien maîtrisé que les baguettes, et si les magnifiques instruments prennent possession de l'espace, c'est moins évident pour leurs propriétaires... En se voulant didactique, le spectacle se perd parfois dans l'explication, oubliant presque ce qu'il défend : la musique parle d'elle-même.
Il n'en reste pas moins que « Les Batteurs » redonne ses titres de noblesse à un instrument méconnu, omniprésent et indispensable, pourtant souvent oublié (on peut ne jamais la remarquer si elle joue juste!) voir dénigré. Ingrat paradoxe que celui de l'instrument le plus imposant et le plus discret...
http://cdntours.fr/spectacle/les-batteurs
Création Compagnie Théâtre Déplié
Mise en scène Adrien Béal
Avec six batteurs Anthony Capelli, Héloïse Divilly, Arnaud Laprêt, Louis Lubat, Christiane Prince, Vincent Sauve
En tournée
23 au 27 janvier > Théâtre Dijon Bourgogne, CDN (21)
31 janvier et 1er février > TANDEM Scène nationale (Arras) (62)
Le 10 février > Théâtre Le Colombier à Magnanville (78)
En mars > Festival Artdanthé au Théâtre de Vanves (92)
Suggestion en lien avec la pièce :.. l'occasion de (re)voir WHIPLASH, le film de Damien Chazelle (2014) ( voir chronique ici)