1.Max et la grande illusion Emanuel Bergman
« Grace à son turban richement décoré et à ses tuniques flottantes, il était aux yeux de tous un gentilhomme perse, un personnage tout droit sorti des Mille et Une Nuits, un pur descendant des Aryens. Personne ne se doutait qu’en vérité il était le fils d’un rabbin. Protégé par le tissu de mensonge de sa nouvelle identité, il assistait aux représailles de plus en plus violentes contre les juifs sans être touché par elles. »
Quel lien peut-il exister entre un adolescent juif quittant Prague pour suivre un cirque ambulant et sa belle magicienne alors que dans l’Allemagne voisine le parti Nazi accède au pouvoir, et un jeune garçon californien triste de voir ses parents divorcer en ce début de XXI è siècle ?
Peut-être ce vieux vinyle (pléonasme) découvert dans les cartons de déménagement de son père. Le « Grrrand Zabbbatiniii », qui faisait les beaux soirs des « To Night Show » du samedi, y dévoile la formule secrète pour obtenir l’amour éternelle.
Mais le vieux disque rayé est inécoutable, qu’à cela ne tienne, Max, le petit garçon triste, va tout faire pour retrouver la trace du magicien, même si Los Angeles est une très grande ville. Le Grand Zabbatini, avec tous ses pouvoirs, pourra certainement faire renaitre l’amour entre son père et sa mère.
Sacrée gageure, un roman qui nous parle du vieux continent durant une de ses périodes les plus sombres et de l’Amérique d’aujourd’hui. Deux destins et une rencontre entre un vieillard atrabilaire et un garçonnet rêveur. Emmanuel Bergman connait ses sujets, le Berlin des années noires et la crise d’un couple de la classe moyenne américaine.
C’est avec beaucoup de tendresse et de douceur que le romancier tisse des liens entre les personnages et, touché au cœur, le lecteur referme le livre avec le sentiment d’avoir lu une belle histoire.
352 pages; 22.50€
2.Richard Wagamese Jeu blanc ( Zoé Edition)
"Je pensais tout simplement que j'étais fou. Mais il s'avère que j'étais blessé, c'est tout, seul, coupable, honteux - et surtout, tout simplement très très triste."
Centré autour de la culture amérindienne, Jeu blanc" est le deuxième roman de l’écrivain canadien Richard Wagamese, un auteur hélas disparu en mars 2017, à être traduit en français.
Après son premier roman les étoiles s'éteignent à l'aube , Jeu blanc continue dans la même veine poétique et philosophique avec une intrigue qui rend un vibrant hommage à ses origines, le peuple ojibwé, et montre que les amérindiens ont souvent du mal à trouver leur place face à l'hégémonie des blancs, face au racisme...
Le personnage central Saul Indian Horse, indien Ojibwé, va être contraint par des blancs a renier ses origines. et seul le hockey sur glace lui permettra de sortir de sa condition.
Comme dans son roman précédent, Wagamese aborde avec énormement de sensibilité et de justesse les thèmes de la perte et de la rédemption. ce sentiment de perte qu'ont pu ressentir les natifs persécutés par l'homme blanc.
Avec simplicité et humanité le récit met en exergue les nombreuses difficultés, embûches qui empêchent le jeune Saul Indian Horse de se réaliser. Un personnage courageux et sensible qui doit renier sa culture et ses racines,pour essayer de s'en sortir, de s'intégrer sans jamais le pouvoir réellement, à cause du poids des préjugés et du regard des autres.
Une bien belle oeuvre à découvrir d'un auteur dont on ne peut que regretter la disparition mais dont on espère que l'éditeur exhumera de ses pépites inconnues en France!
- Jeu blanc, Richard Wagamese , Éditions Zoé, 20.90€;
3 Le sympathisant ;Viet Thanh NGUYEN ( Belfond)
« Je regardai Madame Mori. Elle sirotait son verre de bin. Il est mort à la guerre ?Non. Il a refusé d’aller à la guerre.Alors il a été envoyé en prison. Il ne l’a pas digéré. Je peux le comprendre en même temps. Dieu sait que je n’aurais pas digéré à sa place. J’aimerais simplement qu’il soit plus heureux. La guerre est terminée depuis trente ans, et il vit toujours avec, même s’il n’est pas parti se battre. »
Ce roman, premier roman de l'auteur amérasien Viet Thanh Nguyen, a reçu le prix Pulitzer 2016 et a l'ambition formidable de traiter de la guerre du Vietnam a été un sujet amplement traité aux Etats Unis, mais uniquement racontée du côté des Américains. et jamais des vietnamiens.
" Je gardais mon regard accroché au sien, tâche extrêmement difficile, étant donné la force gravitationnelle exercée par son décolleté…le décolleté séparait l’homme de la femme. Les hommes n’avaient pas l’équivalent sauf, peut-être, le seul type de décolleté dont se souciait vraiment la femme: l’ouverture d’un portefeuille bien garni »
L'occasion de porter un regard inédit sur une guerre du Vietnam loin d'Apocalypse Now et autre Platoon où les vietnamiens étaient considérés comme de simples silhouettes.
L'intrigue , pour le moins dense et complexe, débute à la chute de Saïgon en avril 1975, signant la fin de la Guerre du Vietnam et l’exil du narrateur qui n'a pas de nom, aux Etats-Unis, et narre ses aventures de taupe auprès d’un général pro-américain.
Une plongée à l’intérieur de la guerre du Vietnam, à travers la passionnante et pleine de surprise confession d’un agent secret. La chute de Saigon, les bombes au napalm, les camps de rééducation, la terreur,les interrogatoires où le prisonnier est prêt à avouer n’importe pour abréger ses souffrances : tout est raconté avec autant d'acuité que d'humour par la plume particulièrement en verve de Viet Thanh Nguyen qui propose une oeuvre aussi exigeante que foisonnante.
Le Sympathisant, par Viet Than Nguyen, traduit de l'américain par Clément Baude, Belfond, 486 p., 23,50 euros