Olivier Bourdeaut nous avait tous- enfin, avouons surtout les lectrices féminines de Baz art, il faut dire que l'homme possède un charme évident- enchantés, avec son premier roman , coup de trafalgar littéraire qui avait surpris tout le monde en janvier 2016; le cultissisme "En attendant Bojangles", et son intrigue tout autant légère et grave, drôle et poignante sur un couple pas comme les autres vus sous les yeux de leurs enfants de dix ans .
Un premier roman « En attendant Bojangles » aux éditions Finitude, qui fait l’unanimité de la critique, il est dès lors difficile, en lisant "Pactum Salis" ,son second roman publié en cet hiver littéraire de 2018 de ne pas faire référence à son premier roman.
En effet, après avoir publié un tel succès, maintes fois récompensé et adapté - en BD ou encore, en ce moment au théâtre de la Pépinière on en reparle prochainement - on peut se demander jusqu'à quel point l'auteur se sent le "devoir" de répondre à une certaine attente de la part de ses lecteurs .
Et pourtant, comme Olivier Bourdeaut le dit lui même dans ses interviews (et notamment dans celle qu'on a pu faire avec lui sur Paris il y a quelques jours et qu'on retranscrira prochainement) , c'est d'une absolue liberté qu'il a pu bénéficier dans la construction de l'intrigue ou dans le style de son nouveau roman.
Car ce "Pactum salis" est une oeuvre qui semble être vraiment à l'opposé de son "En attendant Bojangles" et ce, d'autant plus, que Bourdeaut en avait déjà écrit une bonne moitié avant même que Bojangles soit publié.
"Pactum Salis", raconte avant tout l'histoire d'une amitié entre deux hommes que tout oppose : Michel, agent immobilier, citadin, très riche matérialiste, arriviste, carriériste, qui n'aime rien de moins que dévoiler ses signes extérieurs de richesse rencontre un jour par hasard Jean, ancien parisien devenu Paludier, cueilleur de sel à Guérande, simple, aimant la nature et les choses immatérielles.
Ces deux personnages sont ainsi radicalement différents, excepté leur goût commun pour les alcools forts, et également sans doute une manière assez proche dont ils gèrent tous deux leurs solitude et leurs rêves enfouis.
Leur rencontre, pour le moins originale, va donner lieu à des situations mouvementées et assez rocambolesques, parfois hautement improbables et d'ailleurs c'est un peu la faiblesse du livre, auquel on a un peu plus de mal à croire que pour Bojangles.
Si "Pactum salis" est radicalement divergent de Bojangles, avec une tonalité plus sombre -qui vire même au thriller à la fin- que dans son premier roman on y retrouvera avec plaisir parfois quelques similitudes, particulièrement dans les dialogues entre les deux amis, ou l'on retrouve parfois la répartie, l'excentricité et la volonté de faire fi de toute rationalité des parents du petit héros de son premier essai.
De même, un personnage secondaire, celui d’Henri, ami passager de Jean lors de son séjour à Paris, fantasque et lyrique, souvent loufoque et plein de gouaille, fait beaucoup penser au sénateur ou au père de Bojangles.
Si toutes ces touches de fantaisie et autres audaces stylistiques ne fonctionnent pas toujours, on reconnaitra incontestablement que la plus grande force de "Pactum Salis" réside dans le décor de rêve des marais salants et qui constituent le premier et véritable personnage du roman, plus incarné que les deux protagonistes de l'histoire .
"A ses pieds s’étendait une galerie de miroirs froissés de friselis qui mélangeaient orange et rouge du ciel en une couleur d’orange sanguine."
Les mots que l'auteur utilise pour dépeindre les paysages sont comme les couleurs que l'artiste jette sur sa toile, on a vraiment l'impression d'avoir les marais salants bretons devant nos yeux, et par ailleurs on note aussi une grande place laissée aux descriptions et mots un peu "savants" pour des néophytes citadins comme nous ( des termes comme "traict" ou "mousse").
On sait que Bourdeaut est familier de cette région, qu'il a lui même été dans sa jeunesse paludier au Croisic et l'on devine qu'il a suffisamment été imprégné du décor pour l'imprimer aussi fortement dans cet écrit.