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 "Le désir d'extraire quelques gouttes supplémentaires de bonheur détruisait presque toujours le bonheur qu'on avait la chance d'avoir, bien qu'on soit trop bête pour l'admettre."

« Me voici »  sorti à l'automne dernier était très attendu par tous les fans de Jonathan Safran Foer. En quinze ans, Jonathan Safran Foer n’aura produit que trois romans " dont Tout est illuminé », ou le best seller sur le 11 septembre « Incroyablement fort et extrêmement près" complétés d’un essai  qui a fait pas mal de bruits sur la surconsommation de la viande animale.

Ce pavé de 750 pages est un roman tragi comique qui est l'oeuvre d'un écrivain en crise, qui a traversé l’explosion de son couple et son divorce d’avec la romancière Nicole Krauss et on peut facilement retrouver dans le couple Julia-Jacob au bord de la rupture  une partie autobiographique évidente.

 "Eparpillés parmi les décombres, se trouvaient les fragments du  vitrail de son Présent juif, chaque tesson illuminé par la destruction."

 Les Bloch semblent constituer une  famille juive américaine typique et plutôt soudée jusqu’au jour où Sam, le fîls aîné âgé de 13 ans, est renvoyé du collège pour avoir écrit un chapelet d’injures racistes, et où Jacob, le père, est surpris en train d’échanger des textos pornographiques avec une inconnue, deux micro événements a priori, mais qui vont tout faire basculer dans la vie de Jacob.

De ce roman fleuve qui sonde avec fougue les difficultés de la vie de couple,  mais aussi celles d'être père, d'être fils, et la relation au judaïsme dans notre société actuelle, on notera avant tout la qualité exceptionnelle des dialogues et la virtuosité de certains passages.

«  Jacob et Julia pesèrent l’espoir, la tristesse et l’étrangeté de ce qu’elle avait dit, tandis que le mot se dispersait dans la pièce pour retomber sur les piles de livres religieux et la moquette tachée. Ils avaient perdu leur chemin et leur boussole, mais pas leur foi en la possibilité de revenir sur leurs pas – même si aucun des deux ne savait exactement à quel bonheur elle faisait allusion."

Une oeuvre très brilante,  traversée, on l'imagine par une vraie sincèrité, mais  qui a le défaut d'être parfois aussi agaçante, foutraque et boursouflée car elle donne l'impression de partir dans tous les sens, surtout dans sa seconde partie, un peu trop absurde et qui se teinte de géopolitique dont on a du mal à comprendre tous les tenants et aboutissants.

Bref,  une oeuvre aussi foisonnante que roborative qui pourra autant rendre béats d'admirations les uns qu'en laisser d'autre sur le bas côté.

"Me voici"- traduit de l’anglais (États-Unis) par Stéphane Roques.

Editions de l’Olivier, 2017. - 752 p.