Pour ce premier jour des vacances de février pour la zone C, celle de Paris ( nous on attaque déjà la dernière, snif) on met en avant un film familial qui devrait attirer petits et grands dans les salles pour cette période.

Comme on l'a dit la semaine passée, Clovis Cornillac, réalisateur et acteur de "Belle et Sébastien 3",  est venu  présenter son film en avant-première sur Lyon,  sa ville natale lors de la quinzaine avant la sortie du film.

L'occasion idéale de le rencontrer  pour la première fois et de lui poser quelques questions sur ce film, grosse production assez éloignée des réalisateurs de films d'auteurs qu'on rencontre régulièrement :

 INTERVIEW CLOVIS CORNILLAC/ BAZ' ART

POUR BELLE & SEBASTIEN 3

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Baz'art  : Bonjour Clovis, ravis de vous rencontrer... Bon on avoue, on ne vous imaginait pas forcément sur un tel projet-  Comment êtes-vous arrivés au commande de ce Belle et sebastien,  3e du nom ?

Clovis Cornillac :Vous ne me voyiez pas forcément dans cet univers, et si vous voulez que je sois vraiment  honnête, je ne m’y voyais pas trop non plus au départ ( sourires).

En effet quand j’étais gamin,  la série de Cécile Aubry,  c’était pas trop mon truc;  moi en fait,  j’étais plutôt "Brigades du tigre" (NDLR :  il a d'ailleurs joué dans une adaptation au cinéma par Jérome Cornuau il y a quelques années) .

Bref, quand le producteur principal des deux premiers films, Clément Miserez, m’a contacté pour me proposer le projet, j’avoue avoir été quelque peu déstabilisé par sa proposition car j’avais du mal à voir le lien entre cet univers et le mien…

Comme il a bien insisté pour que je lise le scénario, je l’ai fait, et je me suis dit que finalement, il avait entièrement raison, et qu'il existait  pas mal de choses qui m’interéssaient et que ce n’était pas si éloigné que cela de mon univers..

 Baz'art : Et c'est d'autant plus étonnant de vous voir aux commandes d'un film d’aventures familial situé dans les grands espaces, après le 1er film que vous avez réalisé qui était une comédie romantique qui se passait exclusivement dans un appartement.

Clovis Cornillac : Mais vous savez, je n’avais jamais prévu de refaire  pour me second long un film dans le même genre que "Un peu, beaucoup, aveuglément "…

Comme beaucoup d’entre nous je pense, je suis quelqu’un  qui aime plein de choses différentes et qui a vraiment envie de me diversifier dans plein d’univers différents…

Si j’ai la chance de réaliser d’autres films après celui la, je rêverais de me coller au thriller, au film politique, au policier, bref au cinéma de genre- je me vois mal dans un cinéma d'auteur où  on attaque un sujet plus frontalement- Après, qu’importe le genre et le support pourvu que je puisse m’adonner à ma passion du cinéma et que j’arrive à y imprimer un peu ma patte…

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Baz'art  : Et bien justement, par rapport  à votre patte …pouvez nous l’identifier  précisément et nous expliquer comment avoir réussi à mettre un peu de votre univers dans une franchise aussi balisée que Belle et Sebastien ?

Clovis Cornillac : Disons qu'il y avait un  élément que j’avais beaucoup envie d’intégrer dans cette histoire - sans pour autant intervenir dans l’écriture car les deux scénaristes Juliette Sales et Fabien Suarez sont là depuis le début de l’aventure et connaissent parfaitement leur boulot- c’est la question de la loi, qui est quelque chose qui me touche beaucoup depuis que je suis tout petit..

Je me souviens parfaitement, lorsque j’ai eu 9/10 ans, de prendre conscience que la distinction entre le bien et le mal qui guidait jusque là mes principes éducatifs n’était pas si claire que cela et qu’il y avait des choses conformes à la loi et qui n’étaient pas justes pour autant…

Dans le film,  on voit clairement que la loi est du coté du méchant, et que les institutions-représentées par le maire- ne peuvent que le déplorer, sans pouvoir agir dessus..

C’est difficile de dire à un enfant que la loi est avec le méchant.  Dans ce parcours initiatique, Sébastien va prendre alors, toute sa densité et être pour la première fois des trois volets , vraiment  confronté au monde des adultes .

Ainsi, Sebastien prend parfaitement conscience de cette injustice, que ce n’est pas la loi qui lui permettra de récupérer Belle et cette prise de conscience là, j’y tenais car elle me renvoie à quelque chose d’assez personnel..

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Baz'art  : Parrallèlement à cet aspect là, votre "Belle et Sebastien" se distingue des deux autres volets par un côté un peu thriller, un peu western enneigé.. On atteint presque par moments le film de genre, c'est quelque chose d'assumé totalement?

Clovis Cornillac : Ah oui bien sûr, j'avais vraiment envie d'orienter le film dans cette direction là.

 En fait, quand j’étais adolescent, j’ai été bercé par une certaine littérature nord-américaine comme celle de Jack London ou  de Joseph Conrad, et à la lecture du scénario, je me suis dit qu’il y aurait une possibilité de retrouver un peu de ce souffle là.

J'avais donc envie de  partir dans un film d’aventure pas très fréquent dans le cinéma français, quelque chose d’assez graphique, de lyrique et de très populaire, qui puisse permettre à toutes les générations de se retrouver ensemble dans une même salle.

Je n’avais aucune envie de faire le malin avec ce sujet et de retrouver le gout d’un cinéma d’aventures grand public. Le cinéma que j’ai envie de réaliser ressemble à  un cinéma populaire et noble, où l’on ne te prend ni pour un enfant, ni pour un vieux.

Baz'art  : Le  côté « graphique » de votre univers, il est aussi- et surtout- illustré par Joseph, le personnage du méchant, qui fait beaucoup penser à  plusieurs méchants de BD, qui ne sont pas forcément très réalistes mais très représentatif de de la figure du méchant des contes, non ?

Clovis Cornillac :Ah  oui bien sûr, j’y tenais beaucoup à ce méchant  sans scrupule  dont rien n’explique la cruauté, j'ai voulu en faire un vrai ogre, qu’il soit en même temps indestructible et horriblement séduisant,et comme dans tous les  contes, la thématique ne marche que si l’ogre nous fait peur au préalable .

A part une vague motivation pécuniaire, je n’ai pas eu envie  de lui trouver des raisons à ce méchant afin qu’il puisse vraiment représenter l’ogre, le croquemitaine des contes ou le méchant des contes, bref le Mal absolu  qui fait peur et contre lequel il faut forcément se positionner.

Ainsi lorsque Joseph   pousse Sebastien pour qu’il utilise son couteau et le blesse à la joue, c’est pour tester ses limites et voir si il va le rejoindre du coté des méchants ou s’il préfère choisir l’autre rive, celui du bien.

Il a peu de temps pour faire ce choix  radical qui déterminera sa place et ses décisions à venir.

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Baz'art :Et ce rôle de ce Joseph, il était évident dès le départ que c’était vous qui alliez l’endossez ?

Clovis Cornillac : Pas forcément dès le départ du projet, mais oui Clément me l’a assez vite proposé, et j’ai pas bien longtemps réfléchi avant de dire oui ( sourires) .

Il  m’est apparu assez rapidement que je pouvais jouer ce personnage, d’abord parce que j’étais disponible  et que finalement jouer dans son propre film est un vrai gain de temps.. Comme je m’étais déjà imprégné de l’histoire et de ce personnage depuis longtemps avant le tournage, je pouvais davantage m’occuper des autres comédiens.

 Et si je voulais faire quelques prises vite fait avec mon personnage, je savais que je m’avais sous la main assez rapidement (sourires)..

Et puis comme j avais une vision très précise de ce rôle en souhaitant comme je vous l’ai dit que ce personnage soit le mal incarné,  et j’avais pas besoin d’expliquer à un autre acteur comme je le voyais et qu’il tente du moins de tenter de le « racheter » .

C'est l’incarnation du mal. Les enfants  comprennent  que ce type est un salaud  et les adultes saisissent les sous-entendus.

L’histoire se passe en 1948, il  conduit un véhicule de guerre allemand…  et on dit de lui qu'il  a été collabo pendant la guerre et ami avec les résistants à la Libération. Bref on a affaire au type qui a bouffé à tous les râteliers, l’ordure totale,  absolument indéfendable.

Et j'avoue  ca me plaisait bien de l'interpréter cette belle ordure (rires) , mais en même temps,  je n'ai pas une jubilation totale à jouer ce genre de méchant et comme pour tous mes rôles, rassurez vous des que j'ai dit "couper!",  je n'y pense plus du tout et arrive tout à fait à revenir très vite moi- même.

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Baz'art  : La lumière et l'image sont particulièrements soignées dans ce film, c'est quelque chose qui vous importait particulièrement également?

Clovis Cornillac  : Ah oui vraiment : en fait quand Clément m’a fait lire le scénario,  les images me sont apparues  très  devant mes yeux  ; je me suis dit que ce serait un long métrage à voir d’abord sur grand écran, et doté ainsi d' une image particulière.

 Pour ce faire, avec Thierry Pouget, le directeur de la photographie, on a beaucoup travaillé sur la colorimétrie, la recherche de texture,  avec un grain proche des film des années 60 en Technicolor, avec un travail sur la matière, la montagne, les costumes.

Parallèlement, on a aussi fait un gros travail sur le son, notamment celui de la tempête, pour que le spectateur l’éprouve au plus près de lui.

Baz'art :  En parlant de tempête, on imagine que ce tournage en montagne, avec des chiens et des enfants par dessus le marché, a été difficile à gérer, non ?

Clovis Cornillac :  On a tourné dans la région sauvage de la Haute-Maurienne, en haute altitude, et forcément le  tournage fut  compliqué car on cumule pas mal de difficulté sur une période de trois mois et demi. On tourne avec des enfants, des animaux et la neige, qui n’est pas toujours là au moment où on veut qu'elle le soit, bref comme les producteurs nous l'ont dit, on cumule de suite les handicaps.

Sincèrement, tourner à 2 500 m d’altitude n’est pas simple ni pour moi ni pour toute l’équipe dans l'ensemble .

Mais ce genre de difficultés fait  sans doute un peu raler sur le moment, mais ce  n’est pas un problème quand on est porté par quelque chose d'aussi fort que de faire un long métrage à visée populaire et de le faire partager à le plus de monde posible.

Quand on a présenté le film dans toute la France et qu'on a vu ces salles pleines de toutes les générations, même des ados seuls ou des 20/30 ans sans enfants on oublie toute les galères de tournage et on prend un vrai kiff..

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Baz'art  : Au niveau de la bande originale, vous avez conservé le thème original que tout le monde connait, là aussi, pour vous, ca vous semblez incontournable?

Clovis Cornillac : C'est bien que vous me parliez de cela car justement j'ai failli faire une énorme bétise à ce niveau..

. Au départ, sur les images que j'avais gardé  pour bosser dessus en  salle de montage, j'avais commencé à travailler sur une bande originale totalement éloignée du thème de départ, avec un mix de morceaux qui collaient pas mal à l'univers que je voulais correspondre au film, soit un peu d'Ennio Morricone, un peu de jazz ect...

Sauf que quand j'ai vu la tête d'Armand ( Amar, le compositeur du film qu'on avait rencontré pour le premier volet)   se décomposer totalement,  j'ai pris conscience de l'erreur que j'allais faire si je persistais dans cette voie ( rires)

... Et c'est d'autant plus étonnant que j'ai fait cette bétise, que lorsque j'ai joué dans Les brigades du tigre, je m'étais dit que le seul personnage qu'il me manquait c'était justement la musique originale.

Donc finalement,  on a gardé ce thème mais en le revisitant quelque peu, pour se le réapproprier avec les thèmes et l'univers visuel du film et Armand a pu bien se lacher avec, je suis très heureux du résultat final et  je peux pousser un gros OUF ( sourires) ..

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Baz'art  : Maintenant que vous avez réalisé votre second film, vous sentez vous vraiment réalisateur, quitte à totalement abandonner le jeu et la comédie pour la mise en scène?

Clovis Cornillac : Vous savez quoi? Je peux vous dire qu presque 50 ans ( NLDR: il les aura en août prochain) et , après 30 ans passés à faire l’acteur, je suis tombé amoureux d’un nouveau métier en faisant "Un peu beaucoup, aveuglément ", celui de réalisateur.

Et cette passion et cette envie,  j’avais envie de les mettre à fond dans ce Belle 3 , qu’il soit un vrai film de cinéma, une notion qui m’est chère.

Après,  je n'ai pas renoncé du tout à être acteur et je reçois encore pas mal de propositions souvent très intéressantes.. le problème est que si cela tombe pendant que je m'occupe de mon film, forcément il y a un problème de compatibilité d'emploi du temps et les metteurs en scène comprennent d'ailleurs cela très bien..

Mais j'ai quand même réussi à tourner deux beaux rôles dernièrement dans des films qui devraient sortir dans les prochains mois.

Disons que l'idéal pour moi serait de cumuler les deux en sachant évidemment que je ferais tout pour continuer à réaliser des films, car vraiment, c'est quelque chose qui me plait énormément et j'espère avoir transmis ce plaisir aux spectateurs qui iront voir ce Belle et Sebastien...

Baz'art: Oui, cher Clovis, cette passion et ce plaisir sont largement visibles dans votre film et largement tranmissible à toute les générations qui iront le voir au cinéma...

Bonne chance pour la carrière de votre film et merci à vous pour l'entretien!!