Baz'art  : Des films, des livres...
28 mai 2018

Rencontre Cinéma/ Interview de Marie-Castille Mention-Schaar pour son film LA FÊTE DES MÈRES

La fête des mamans, certes, c'était hier mais ce n'est pas une raison pour ne pas en reparler dès le lendemain avec la seule cinéaste française qui a fait un film sur ce sujet : un film qui s'appelle tout bonnement la Fête des Mères, et dont on a parlé mercredi dernier le jour de sa sortie au cinéma.

On a en effet eu la chance de rencontrer Marie-Castille Mention-Schaar, venue accompagnée de deux de ses (nombreuses) actrices Jeanne Rosa, et Olivia Côte, lors de la présentation de son film  LA FÊTE DES MÈRES à Lyon  le 2 mai dernier. 

 Compte rendu de notre rencontre forcément autour de la maternité et de ses multiples ramifications...

marie-castille-mention-schaar

  Entretien avec Marie-Castille Mention-Schaar pour le film La Fête des Mères 

Baz'art :  Après deux films traitant de sujets très sombres et en prise avec l'actualité (NDLR: "les Héritiers "qui parlent du devoir de mémoire dans les collèges ou "Le Ciel Attendra", un film qui traite de la radicalisation de jeunes filles), avez-vous eu envie, avec "La Fête des Mères", d'aborder une thématique plus légère?

Marie-Castille Mention-Schaar : Oh je n'ai pas vraiment raisonné en ces termes-là, ça fait très stratégique comme façon de penser (sourires).

Même si la fête des mères a effectivement moins de résonnance avec l'actualité que mes deux précédents films,  et qu'il y a sans doute un peu plus d'humour dedans, je ne le vois pas forcément comme une bulle de légèreté et d'insouciance totale (sourires). 

Baz'art:  C'est quoi exactement le point de départ de votre dernier film alors?

Marie-Castille Mention-Schaar : A l'origine,  le film est parti d'une conversation un peu anodine que j'ai eu avec une amie au sujet de relations parfois compliquées avec nos enfants et le rapport compliqué avec notre mère.

Au fil de la discussion,  m'est venu à l'esprit le constat suivant  :il n’y avait jamais eu de film intitulé la Fête des Mères (c’était bien avant que les américains réalisent leur "Mothers ‘s Day ) et j’ai commencé à imaginer alors un film autour duquel on pourrait fédérer beaucoup d’histoires, ce que j’aime particulièrement faire.

8 (c) Guy Ferrandis

Baz'art : Est ce pour cela que vous avez pensé à un film choral, un genre que vous aviez déjà approché avec le ciel attendra qui brassait aussi plusieurs histoires ?

Marie-Castille Mention-Schaar : Oh  "le ciel attendra", pour moi,  il ne s’agit pas d’un film choral.

En général, on parle de film choral quand il y  a au moins 5 histoires différentes qui se chevauchent donc pour moi avant la fête des mères je n’avais jamais vraiment pensé à faire un film choral.

 Mais là, je me suis vite dit que comme le  rapport à la maternité était une source intarissable d’histoires différentes, beaucoup trop pour ne pas les traiter sous le prisme du film choral.

Et c’est vrai que je suis assez férue du genre, ceux d’Altman bien sûr, mais aussi plus modestement Love Actually ou certains films de Claude Lelouch.

J’aime bien cette idée de scènes qui relient certains personnages à d’autres ; en général, ça donne envie de revoir ces films ou l’on s’aperçoit qu’on était passé à côté de certains détails, ou de certains personnages secondaires qui lient une scène à une autre; j'ai d'ailleurs essayé de faire pareil en construisant "La fête des mères".

Marie-Castille-Mention-Schaar

Baz'art : Réaliser et écrire  un film autour de la fête des mères c’est avant tout parler de maternité…En quoi ce sujet  vous parlait particulièrement ?  

Marie-Castille Mention-Schaar : Oui tout à fait, le sujet me passionnait dès l'écriture..

J'avais très envie de parler de la  relation à la mère, ainsi que de nos enfants qui nous prennent beaucoup de place dans la vie : ce sont des sujets que j’avais toujours abordé de manière plus ou moins directe dans mes films précédents.

Je voulais vraiment faire une ode à la mère avec plusieurs figures des mères ; la fête des mères n’étant que le fil rouge.

À mon sens, il existe  beaucoup de façons d’être mère et plus que des profils, j’avais envie de narrer plusieurs histoires différentes de rapport différent qu’on entretien avec la maternité, à l’intérieur même d’une même famille.

Je pense notamment  à celle de ces trois sœurs qui ont eu la même mère mais qui n’ont pas eu le même rapport à la maternité : on a la première qui élève deux enfants mais qui a au fond d'elle sentiment de ne pas savoir s’en occuper, une autre n’en veut pas, alors que la dernière de la fratrie en veut mais a du mal à en avoir, et paradoxalement c’est sans doute celle qui en a le plus bavé avec leur mère. 

Je ne sais pas ce que veut dire "l'instinct maternel" et je ne sais même pas s'il existe. Je crois qu'on découvre son lien maternel et sa maternité au moment précis où on a  soi même un enfant et j’ai essayé de montrer cela entre autres dans le film.

5 (c) Guy FerrandisBaz'art : Et ce qui est bien aussi avec ce thème de la maternité, c’est aussi son côté universel et intergénérationnel ?

Marie-Castille Mention-Schaar : Oui bien sûr, parler de la maternité et le faire avec plusieurs voix différentes, c’est parler de  transmission et de réconciliation, de ce rapport au temps que chaque enfant entretient avec sa mère :ce sont là des sujets forcément universels, dans lesquels tout le monde peut se retrouver.

C’est un pilier de notre vie, notre maman , qu’on le veuille ou non ; c’est une relation dense et complexe qui est source aussi bien de psychodrames, de complexité, d’amour, de haine.

On a tous une relation avec sa mère, qu’elle soit très présente ou trop absente, qu’elle soit stimulante ou décevante.

Les relations mère-fille sont toujours un peu conflictuelles, je connais très peu de relations idylliques mais c’est aussi pour cela que c’est très important pour nous.

Quand on est enfant, on attend toujours beaucoup ( trop?) de sa mère, on a tendance à lui reprocher beaucoup de choses, bien plus qu’à un père, pour qui on éprouve plus d’indulgence.

De l'autre côté du manche, lorsqu'on est maman, on est toujours plus ou moins  frustrée de ce que nos enfants ne nous donnent pas.

 

fetemeres

Baz'art : Votre film s’appelle "La Fête des Mères", et on y voit énormément de femmes,  mais les hommes ne sont pas pour autant dénigrés et cloués au pilori comme dans certains films ouvertement féministes, avec ici de beaux personnages masculins comme ceux de Vincent Dedienne, Pascal Demolon et Gustave Kerven..c'était important pour vous de ne pas détruire totalement l'image des hommes et des pères en l'occurence?

Marie-Castille Mention-Schaar :  Je suis d'accord avec vous et vous remercie de l'avoir remarqué en tant qu'homme ( sourire) :  je trouve que les personnages masculins du film sont très importants, très bienveillants, ils apportent beaucoup de tendresse. J'ai veillé à ce qu'ils ne tombent jamais dans la caricature.

Par ailleurs, j'avais effectivement envie de faire jouer de belles scènes à certains de ces comédiens que j'aime bien, comme Pascal Demolon, que j'avais trouvé formidable dans "le rire de ma mère",  que j'ai produit juste avant de tourner ce film,  et dont j'avais envie de développer encore plus la fibre grave et sensible.

Alors oui, il y a des hommes qui sont absents dans mon film, mais c'est une réalité qu'on ne peut oblitérer  :  les pères sont souvent absents plus que les mères.

Il y a beaucoup de mamans qui élèvent leurs enfants seules. La relation mère et père n’est biologiquement pas la même. C’est un autre type de relation en fait, pas vraiment comparable à mes yeux.

Baz'art : Olivia Cote, qui joue une des trois sœurs dont vous parliez juste tout à l'heure, a comme profession celle d'enseignante et elle donne un cours  sur la fête des mères…Cela nous permet ainsi d’apprendre pas mal de choses sur l’origine de la manifestation. C’était important pour vous d'imprimer un petit côté didactique à votre long métrage?

Marie-Castille Mention-SchaarOh didactique, je n’aime pas énormément le mot…ce n’est pas forcément très positif. Disons que oui,  j’avais bien envie de raconter la genèse de la "Fête des Mères et de parler aux spectateurs  d’Anna Jarvis, à l’origine de cette fête aux États-Unis.

Moi-même je l'avoue, avant de faire des recherches pour le film, je ne connaissais pas l’histoire de cette femme qui, en 1907, a voulu rendre hommage à sa mère en créant un jour en l’honneur de toutes les mamans.

 Ce n’était pas la fête des mères, mais la fête de la mère. Je trouve cela pas mal de le dire à ceux qui s’imaginent, un peu comme tout le monde le pense , que l’idée vient de Pétain.

Et là où c’est assez amusant c’est qu'Anna Jarvis a vite regretté  l'évolution de cette journée  qu'elle avait inventé.

Elle est vite devenue très commerciale,  tout le monde s’attend à son petit cadeau et semble très triste, quand il n'y en a pas de prévu au programme.

C'est un peu cela que j’ai voulu le montrer dans cette scène ou une enseignante annoncent aux parents qu’il n’y aura pas de cadeau et ceux ci semblent totalement désemparées (la seule scène de mon film d'ailleurs dont j'ai voulu qu'elles soient improvisés pr les acteurs qui la jouent).

2 (c) Guy Ferrandis

Baz'art :  On sait combien il est difficile dans un film choral de faire exister tous vos personnages, et on imagine que le montage est un exercice assez délicat. Est-ce que le résultat vous satisfait à ce niveau?

 Marie-Castille Mention-Schaar : C’est vrai que le montage est un exercice difficile dans un film choral , encore plus que pour mes films précédents, il faut vraiment veiller à ne sacrifier aucun de ses personnages et surtout  à ne rien couper de ce qui avait à voir avec le sujet : la maternité, j’ai plus coupé dès qu’on sortait de ce cadre-là.

Dans l'ensemble, je peux vous dire que je suis vraiment satisfaite de la version finale, ca correspond pas mal à l'image que j'en avais dès l'écriture.

Baz'art: Malgré cela, n'y a t-il pas  des personnages et des situations que vous auriez aimé voir plus développés qu'ils ne le sont dans la version finale?

 Marie-Castille Mention-Schaar   :Allez je vous le concède, au  niveau  des personnages, il est vrai qu’il y en a une de ces femmes qu’on voit assez peu à l’image et pourtant c’est un de mes préférés, c’est celui de la prostituée asiatique.

C’est le prototype même de la mère sacrificielle qui fait une croix sur sa relation à son fils afin de ui assurer une vie meilleure, cela suppose un don de soi incroyable…

J’avoue que je peux me reconnaitre un peu, toutes proportions gardées, dans le courage qu’elle met pour subvenir aux besoins de son fils resté en Asie, pour lui permettre d’avoir un avenir meilleur.

 Et même si elle n’est pas très présente dans le film, les scènes où elle l'est me semblent être suffisamment fortes pour qu’on ne l’oublie pas et qu'elle reste un des personnages forts du film.

  Baz'art :  Tout à fait chère Marie Castille,  on ne l’oublie pas cette mère asiatique, comme beaucoup des personnages de cette belle fête des mères qu’on peut découvrir en ce moment sur les écrans…et qu'on découvrira avec le même plaisir même après la fête des mamans !! :o)

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