T-Rex : chronique d'une vie de bureau ordinaire, un seul en scène terrifiant de réalité
Entre la sortie au cinéma de Jurassic World : the fallen Kingdom (voir notre chronique de l'avant-première lyonnaise) et l'exposition Un T-Rex à Paris au Muséum national d'Histoire naturelle, on peut dire que les dinosaures font partie du décor...
Celui qui sommeille en ce moment au Théâtre de la Contrescarpe dans le brillant seul-en-scène T-Rex : chronique d'une vie de bureau ordinaire n'est pas en reste. Et il est malheureusement à la mode lui aussi : c'est le burn-out. De ses griffes acérées, Alexandre Oppecini compose et interprète un texte mordant, sous la houlette de la metteuse en scène Marie Guibourt.
Alexandre est cadre dans une banque, il fait le job, comme on dit. Jusqu'au jour où, suite au suicide de Pierre, son N+1, il se retrouve du jour au lendemain propulsé au poste de ce dernier. Myriam, sa N+2, étant convaincue - ou prétendant l'être - qu'il est le plus à même de reprendre le dossier principal sur lequel travaillait Pierre - à savoir, intégrer le logiciel EasyTrade dans un autre pour le compte de la banque Goldman Sachs -, elle lui offre une promotion inattendue en lui proposant de devenir manager. A condition bien sûr qu'il fasse ses preuves au cour du mois à venir. Ravi de se voir confier une telle responsabilité, notre bipède fête cette grande nouvelle avec Camille avec qui il partage sa vie, avant de rapidement déchanter...
Très vite en effet, il se rend compte que gérer une équipe est loin d'être de tout repos, que devoir passer du statut de collègue au statut de manager au sein d'une équipe non plus et qu'il n'aura d'autre choix que de composer avec les egos des uns et des autres tout en subissant la pression croissante de Myriam. A travers le portrait d'une série de personnages qu'il incarne lui-même à tour de rôle, nous voyons que ses collègues forment une véritable équipe de bras cassés, fainéants et pour certains même - comble du malheur -, syndiqués : il y a par exemple Chantal, qui assortit ses tenues de toutes sortes de parfums tous plus (mal)odorants les uns que les autres ; les trois vierges Marie, trois piplettes toujours fourrées ensemble ou encore Olivier, habitué aux commentaires très utiles (en voyant un ordinateur ramer, il n'hésite pas à aller de son ah oui, ça rame).
Les situations développées dans ce spectacle sont tellement bien vues qu'elles nous font irrémédiablement penser à notre quotidien au travail. Ce collègue qui passe sa vie sur ventesprivées.com ou celui qui fait mine de vous aider avant de vous planter un couteau dans le dos, tous deux vous rappellent forcément quelqu'un. Cette supérieure qui vous appelle matin, midi et soir, même le week-end sur ce téléphone qu'elle vous a offert - le bien surnommé, ASAP - aussi.
Alexandre Oppecini est magique dans l'incarnation de tous ses personnages - surtout de Myriam qu'on meurt d'envie d'étrangler -, émouvant dans celle de Camille. L'énergie folle qu'il déploie en se transformant m'a bluffée.
D'aucuns diront qu'il s'agit là d'un bien sombre et bien cynique portrait de la vie en entreprise. Que certains traits, certaines situations, paraissent exagérés. D'autres y verront une chronique universelle, juste, réaliste, dure, mais aussi pleine d'espoir et d'humanité. Je suis de ceux-là.
Un grand bravo !
PROLONGATIONS :
Jusqu'au 20 juin 2018, du lundi au mercredi à 20h et le dimanche à 18h30, au Théâtre de la Contrescarpe.