Baz'art  : Des films, des livres...
15 juin 2018

T-Rex : chronique d'une vie de bureau ordinaire, un seul en scène terrifiant de réalité

Entre la sortie au cinéma de Jurassic World : the fallen Kingdom (voir notre chronique de l'avant-première lyonnaise) et l'exposition Un T-Rex à Paris au Muséum national d'Histoire naturelle, on peut dire que les dinosaures font partie du décor...

Celui qui sommeille en ce moment au Théâtre de la Contrescarpe dans le brillant seul-en-scène T-Rex : chronique d'une vie de bureau ordinaire n'est pas en reste. Et il est malheureusement à la mode lui aussi : c'est le burn-out. De ses griffes acérées, Alexandre Oppecini compose et interprète un texte mordant, sous la houlette de la metteuse en scène Marie Guibourt

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Alexandre est cadre dans une banque, il fait le job, comme on dit. Jusqu'au jour où, suite au suicide de Pierre, son N+1, il se retrouve du jour au lendemain propulsé au poste de ce dernier. Myriam, sa N+2, étant convaincue - ou prétendant l'être - qu'il est le plus à même de reprendre le dossier principal sur lequel travaillait Pierre - à savoir, intégrer le logiciel EasyTrade dans un autre pour le compte de la banque Goldman Sachs -, elle lui offre une promotion inattendue en lui proposant de devenir manager. A condition bien sûr qu'il fasse ses preuves au cour du mois à venir. Ravi de se voir confier une telle responsabilité, notre bipède fête cette grande nouvelle avec Camille avec qui il partage sa vie, avant de rapidement déchanter... 

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Très vite en effet, il se rend compte que gérer une équipe est loin d'être de tout repos, que devoir passer du statut de collègue au statut de manager au sein d'une équipe non plus et qu'il n'aura d'autre choix que de composer avec les egos des uns et des autres tout en subissant la pression croissante de Myriam. A travers le portrait d'une série de personnages qu'il incarne lui-même à tour de rôle, nous voyons que ses collègues forment une véritable équipe de bras cassés, fainéants et pour certains même - comble du malheur -, syndiqués : il y a par exemple Chantal, qui assortit ses tenues de toutes sortes de parfums tous plus (mal)odorants les uns que les autres ; les trois vierges Marie, trois piplettes toujours fourrées ensemble ou encore Olivier, habitué aux commentaires très utiles (en voyant un ordinateur ramer, il n'hésite pas à aller de son ah oui, ça rame).

Pas du tout aidé ni par son équipe, ni par sa hiérarchie, il va devoir rester au bureau jusqu'à des heures indûes, boire café sur café pour se maintenir éveillé - la machine est d'ailleurs un élément de décor central à laquelle il ira se servir de manière sporadique au début, avant de les enchaîner au rythme de la montée en puissance de son stress -, au point de sacrifier son sommeil, sa santé, ses moments avec Camille. Au cours de la deuxième partie du spectacle, on assiste à sa descente aux enfers, à sa transformation progessive en véritable bête féroce qui écrase tout sur son passage : au bout du rouleau, il devient odieux avec ses collègues et n'hésite pas à appliquer la règle du "diviser pour mieux régner" en les montant les uns contre les autres. Camille, aussi, subit de plus en plus ses sautes d'humeur, son agressivité, son indifférence croissante. 
Cette transformation s'incarne même physiquement : des plaques d'eczéma apparaissent petit à petit sur son corps, comme des écailles et s'accompagnent de crises d'insomnie, de nuits courtes peuplées d'horribles cauchemars dans lesquels il se fait dévorer, comme la petite chèvre dans Jurassic Park - on sait que vous voyez à quelle scène il est fait allusion. Les moments où il perd son calme sont renforcés par des effets de lumière rouge et vert, et par des effets sonores terrifiants qui nous donnent l'impression qu'un tyrannosaure furax a fait irruption dans la salle. 

Les situations développées dans ce spectacle sont tellement bien vues qu'elles nous font irrémédiablement penser à notre quotidien au travail. Ce collègue qui passe sa vie sur ventesprivées.com ou celui qui fait mine de vous aider avant de vous planter un couteau dans le dos, tous deux vous rappellent forcément quelqu'un. Cette supérieure qui vous appelle matin, midi et soir, même le week-end sur ce téléphone qu'elle vous a offert - le bien surnommé, ASAP - aussi.

Alexandre Oppecini est magique dans l'incarnation de tous ses personnages - surtout de Myriam qu'on meurt d'envie d'étrangler -, émouvant dans celle de Camille. L'énergie folle qu'il déploie en se transformant m'a bluffée. 

D'aucuns diront qu'il s'agit là d'un bien sombre et bien cynique portrait de la vie en entreprise. Que certains traits, certaines situations, paraissent exagérés. D'autres y verront une chronique universelle, juste, réaliste, dure, mais aussi pleine d'espoir et d'humanité. Je suis de ceux-là.

Un grand bravo !

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 PROLONGATIONS :

Jusqu'au 20 juin 2018, du lundi au mercredi à 20h et le dimanche à 18h30, au Théâtre de la Contrescarpe.

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