Quais du Polar 2019 : La note américaine ; David Grann: épisode oublié de l’Histoire des États-Unis.
"C'était le corps boursouflé et décomposé d'une femme qui aurait pu être une Indienne: elle était sur le dos, les cheveux entortillés dans la boue, les yeux levés au ciel. Des vers dévoraient son corps."
Déjà auteur de La cité perdue de Z, subliment adapté l'an passé par James Gray, David Grann signe avec La Note américaine un récit à multiples entrées, mêlant les genres (investigation, polar, Far West, Histoire, etc.) propre à séduire le cinéma. On annonce un film avec Martin Scorsese à la réalisation, Robert de Niro et Leonardo DiCaprio dans les rôles titres.
Aussi oublié soit-il, le Règne de la terreur a bien existé, et Grann entend bien dans cet ouvrage, non seulement le rappeler, mais aussi montrer le sort qui fut réservé aux indiens Osages par le gouvernement américain et enfin, faire la lumière sur tout un système de mise en place de cette terreur et d’exploitation de celle-ci à des degrés divers.
"Jusqu’au rachat par les États-Unis de la Louisiane française en 1803, les Osages peuplaient un immense territoire du centre du pays, entre Missouri et montagnes Rocheuses. Peu à peu confinés dans un espace sans cesse plus étriqué, confrontés à l’avancée des colons blancs, ils finirent par acheter au début des années 1870 des terres dans l’actuel Oklahoma. Leur histoire, à partir de ce moment aurait pu se dérouler sans grands bouleversements."
Cette enquête journalistique sur un épisode oublié de l’Histoire des États-Unis et qui nous mène à la rencontre des Amérindiens est assez effarante et passionnante : David Grann a reconstitué scrupuleusement les faits, se basant sur les archives et les témoignages. Tout ce qu’il décrit semble en effet être le reflet exact de la réalité de ce “règne de la terreur” qui secoua la tribu des Osages au début des années 1920.
Ouvrage d’enquête historique exemplaire, formidable roman noir et saisissant portrait d’une communauté dans laquelle les liens entre opprimés et oppresseurs s’entremêlent avec effroi, La note américaine est un livre en tous points captivant et salutaire.
David Grann, La note américaine Globe, 2018. Traduit par Cyril Gay. 366 p.
À propos
Né en 1967 à New York, David Grann est depuis 2003 journaliste au New Yorker. Salué par ses pairs, il fut finaliste du prestigieux National Magazine Awards en 2010. Il est l’auteur de plusieurs reportages tous publiés par les éditions Allia : Un crime parfait (2009), Le Caméléon (2009), Trial by Fire (2010), Chronique d’un meurtre annoncé (2013) et The Yankee Comandante (2015). Son récit La Cité perdue de Z est paru aux éditions Robert Laffont en 2010 et Points en 2017. Les éditions Globe ont publié en 2018 La note américaine. Le diable et Sherlock Holmes est publié en février 2019 aux éditions le Seuil.
Autobiographie pour Quais du Polar
Je suis romancier et rédacteur au New Yorker. Je suis fascinée par les mystères de la vie. J’ai pu écrire sur la mort curieuse du plus grand expert du monde, Sherlock Holmes, sur un homme innocent exécuté au Texas, sur un explorateur disparu en Amazonie à la recherche de la cité perdue, et sur l’une des pires injustices raciales dans l’histoire de l’Amérique.
Lorsque j’ai commencé à enquêter sur ces histoires, je ne savais presque rien à leur sujet. Beaucoup provenaient d’un soupçon alléchant : un conseil d’ami, une référence enfouie dans un journal. Quand même, tous semblaient donner au moins un aperçu de la condition humaine. Comme le dit si bien Sherlock Holmes ”la vie est infiniment plus étrange que tout ce que l’esprit de l’homme pourrait inventer”.