Rentrée littéraire 2018: Tobie Nathan , Philippe Torreton, Gauz :trois romanciers audacieux et ambitieux !
La rentrée littéraire de septembre 2018 est truffée de sujets lourds et d'auteurs qui n'hésitent pas à les prendre à bras le corps dans des romans aussi audacieux qu'ambitieux..
Voici trois exemples, dans nos dernières lectures, qui abordent des thématiques aussi denses et complexes que les religions, psychiatrie, guerres, colonisations :
1 L'évangile selon youri; Tobie Nathan ( Stock Editions)
2 Jacques à la Guerre, Philippe Torreton ( Plon)
"Rouen ressemblait à une carcasse de bœuf suspendue par les pattes arrière, on distinguait ses entrailles, et comme une brutalité peut soulever la robe d’une femme respectueuse et digne, des béances de guerre laissaient voir de loin la cathédrale. J’avais honte de la découvrir ainsi exposée, meurtrie, éclaboussée de crachats métalliques, insultée de flammes, soufflée, sidérée…"
PhilippeTorreton avait connu un beau succès (critiques et ventes) avec son roman Mémé.Par petites touches impressionnistes, par cette faconde et cette pudeur, Torreton fasait vivre avec énormément de tendresse et d'émotions le souvenir de cette mamie qui nous fait penser à la notre.
Personnellement, j'aime bien Torreton, le type et l'acteur, son absence de tiédeur, son investissement total dans ses rôles (notamment dans les films de Bertrand Tavernier) et je me suis donc jeté sur son nouveau roman, car cette humanité et cette émotion, on les retrouve dans son nouveau livre, Jacques à la guerre, paru il ya quelques jours aux éditions Plon.
Après sa grand mère, Philippe Torreton rend cette année un bel hommage à son père .
Avec ce roman, il nous raconteen effet les années de guerre de son père, Jacques, né à Rouen et qui aura vévu deux guerres différentes : : celle de 39 quand il était enfant et plus tard, celle d'Indochine avec les atrocités.
Cet hommage à son Père, Torreton le fait sous le biais de la fiction en imaginant que ce que son père et son grand père ( qu'il n'a pas connu) a bien pu penser dans ses situations extrêmes.
Torreton a essayé de mettre une parole là où il n’y en avait pas., où la mémoire est cadenassée par le manque de vocabulaire. et le fait avec une ambition pas toujours totalement maitrisée mais avec une sincérité qui fait du bien .
Un récit de fiction dans lequel il raconte l’enfance puis l’adolescence de son père à Rouen pendant la guerre. L’auteur décrit avec précision le ressenti de Jacques lors de la destruction de Rouen puis de sa reconstruction.
Cconstruit de manière fragmentaire. Jacques à la guerre aborde différentes thématiques : la guerre, la relation au père, à la mère., le apport à la mort, au deuil et à la solitude.
Avec des chapitres plutôt courts, et décrit avec réalisme tant dans les scènes où le fils décrit son père avec tendresse ou dans le départ pour l’´Indochine. et même une pointe d'humour,.
3. Camarade Papa, Gauz (Le Nouvel Atilla)
"Je suis né là. Je connais toutes les vitrines à bisous et elles me connaissent toutes. Lors des sorties de la classe populaire, je bonjoure toute la rue. Marko-le-jaloux me chuchote « Klootzak ! » Réaction : tirage automatique de cheveux et lutte de classe. On finit en lacets par terre. Les autres enfants de la classe populaire crient et rient, les maîtresses se follent, Yolanda sort trapper Marko au-dessus de moi. La lutte de classe se fait toujours devant la vitrine de Yolanda. Marko se trompe : Maman ne vend pas des bisous. Maman est seulement une putain de socialiste, dit Camarade Papa."
Après Debout-payé, premier roman au beau succès, chroniques hilarante et profonde qui racontait les aventures douces-amères d’un immigré ivoirien devenu vigile à Paris, Gauz aborde ici un sujet aux ramifications sans doute encore plus complexes.
Le roman raconte en effet la colonisation de la Côte-d’Ivoire par la France au XIXe siècle, tout en l’inscrivant dans une histoire plus moderne dont l’intrigue entraîne le lecteur d’Amsterdam en Afrique. Il problématise le discours colonial et son projet civilisateur.un éloge du métissage pétri de tendresse et d’humour.
Pour écrire ce second roman, l'écrivain s'est glissé dans la peau d'un colon blanc.
On suit Treissy, un jeune français qui quitte sa campagne profonde pour aller –presque par hasard et par gout de l’aventure – en Afrique. Au terme d’un voyage éprouvant il arrivera à Grand-Bassam comptoir colonial français. Là-bas il découvre les us et coutume de la vie à la colonie, mais aussi ceux des habitants de la région dont il apprend la langue. Treissy vivra maintes péripéties qui le mèneront à explorer le territoire de l’actuelle côte-d’ivoire.
Un regard aussi malicieux que singulier qui attire l'attention par l'inventivité de la langue et le regard de son auteur. L'auteur porte un regard particulièrement inédit sur la colonisation, avec comme dans son premier roman une plume aussi colorée qu'explosive ( En classe populaire, lorsque les maîtresses demandent la capitale de la France, je réponds en criant : Commune-de-Paris! » )
Constamment, "Camarade papa" est relayé par une documentation assez dense, nourrie de détails sur la vie à Grand-Bassam lors de la conquête coloniale.
Le regard humain de Gauz fait vivre des personnages tout en couleurs et en contrastes et nous montre une vision de la colonisation comme il nous semble ne l'avoir jamais lue.