Revue de DVD rentrée 2018 : Razzia, Action ou vérité, Tulip Fever,
Quoi de neuf dans les sorties DVD de la rentrée? On a vu trois films aussi dissemblables que possible dont on vous parle immédiatement :
1. Razzia ( Ad Vitam, sortie le 21/08)
A travers cinq portraits (dont on tarde un peu à comprendre le lien), Nabil Ayouch multiplie les prismes et les angles de vue pour rendre à une ville (Casablanca), un pays (le Maroc), et une société toute la violence de leurs contradictions.
Dans Razzia, on découvre la résignation qui peut se cacher derrière la silhouette d'une femme plantureuse, au front haut, robe étroite et cigarette aux lèvres.
On apprend qu 'on peut avoir quinze ans, boire de la vodka au bord de la piscine en flirtant avec le plus beau du lycée, et voir son amie, la petite bonne des voisins, ravie de se marier au même âge avec un homme qui en a le double.
On observe enfin, les injustices se multiplier, les frustrations s'envenimer : celles d'un restaurateur prospère et respecté, renvoyé à sa condition juive et écarté à la première occasion ; celle d'un l'instituteur de campagne, missionnaire du savoir, rattrapé par les forces de l'obscurantisme au fin fond des montagnes berbères ; celle enfin d'un jeune rockeur qui se rêve en Freddy Mercury national, relégué au rang d'amuseur folklorique pour la jeunesse dorée des beaux quartiers..
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Autant de visages d'hommes et de femmes, autant de visages de la ville, cette Casablanca dont est fait l'hymne, cette ville-fantasme, ville-monde, ville-tombeau, c'est elle finalement le lien entre Salima, Hakim, Ines, Abdellah, Joseph, Ilyas. Au confinement des appartements (des pièces uniques de la Médina aux villas des quartiers huppés) répondent les plans larges des hauteur de la ville en nocturne ; comme à la promiscuité des villages répond l'immensité des montagnes de l'Atlas.
Anti-manichéiste au possible, Razzia touche durablement et , on pourra largement reconnaître au réalisateur le courage et l'intelligence de sortir des habituelles deux dimensions et du papier glacé de cartes postales pour raconter un Maroc contemporain...
Sans doute qu'en contrepartie, Ayoub veut toutefois trop en dire, et aborde énormément de thématiques : relations hommes/femmes, l'avortement, l'éducation, le chômage, l'islamisme, les inégalités multiples, le poids des convenances...
Il n'empêche que ce Razzia, dense passionnant et intense, est absolument à voir !!
2. Tulip Fever ( TF1 studio) sortie le 04/09)
Prévu à l'origine en 2004 puis tourné dix ans apres en 2014, le film « Tulip Fever » a connu une carrière particulièrement cahotique, soumis un peu malgré lui, aux soubresaults de l'affaire Weinstein.
Après la présentation de quelques scènes à Cannes en 2015, la rumeur d'un Harvey Weinstein -qui était à l'époque encore très influent- très mécontent du montage est vite née, et le film aura mis plusieurs années à renaitre de ces cendres avec cette sortie d'abord en e cinéma puis en DVD .
On pouvait donc craindre le pire devant ce qui s'apparentait à un naufrage et le film est finalement entre deux eaux,ni totalement raté ni franchement réussi..
Dans cette adaptation du roman "Le peintre des vanités" de Deborah Moggach écrit en 1999, on est plongé dans les Pays-Bas du XVIIe siècle, en plein âge d’or de la peinture hollandaise et période de pleine spéculation des bulbes de Tulipes avec un récit qui mêle plutôt efficacement la fiction et l'histoire de l'art.
Sophia (Alicia Vikander, plutôt pas mal ), est une jeune orpheline mariée à un homme beaucoup plus âgé qu’elle. Sa vie bascule lorsqu’elle tombe amoureuse du jeune peintre désargenté chargé d’immortaliser son portrait.
Dans une abondance de détails et de couleurs, la direction artistique du film est une vraie réussite avec notamment une reconstitution des rues d’Amsterdam au XVIIe siècle qui fait penser aux tableaus de Vermeer et autres peintres flammands de cette époque l’une des plus charnières que n’a jamais connu Amsterdam.
Mais, malgré ces qualités évidentes, le résultat convainc malheureusement trop peu : à cause d'un récit embrouillé et d'une mise en scène trop passe partout, le film fait penser à ce qu'on appelle un peu péjorativement ces "europuddings", dans lesquels la distribution- globalement peu impliquée, Christopher Waltz excepté- vient des 4 coins du globe (Etats-Unis, Autriche, Grande-Bretagne, Suède...) et où tout le monde parle anglais alors qu'ils ne devraient pas .
Bref, il manque au film la puissance tragique, et le souffle que le script de départ promettait. A conseiller surtout aux amateurs de romance historique, les autres pourront passer leur chemin ..
3 Action ou vérité, ( Universal Pictures; sortie le 11/09/2018)
A coups de budgets souvent rikiki qui ont donné souvent de gros cartons ( Paranormal Activity ou plus récemment Get Out) Jason Blum patron de Blumhouse Productions a redonné un vrai coup de fraicheur au film d'horreur en apportant souvent un concept et une thématique originale au film de genre.
Après les transplantations à motif racial de Get out,, voici Action ou vérité , nouvelle commande de Jason Blum qui a fourni au réalisateur du film Jeff Wadlow le titre et l’idée de départ d'un slasher bâti sur le jeu « action ou vérité »,
La volonté de Jason Blum d’exploiter ce jeu d’action ou vérité dans un film à petit budget, sans avoir une idée d’un scénario élaboré au départ se ressent à la vision du film pas follement original,avec la grande fauchesse dont on ne peut arréter le destin.
Evidemment, ce concept un peu sadique fait pas mal penser à Destination finale, et le film ne décolle jamais vraiment de son idée de départ, privilégiant le tout venant du film d'horreur ( meurtres de plus en plus horribles, abus de jumpscares , jeunes acteurs pas très convaincants) pour un film qui vise visiblement un public très jeune..
Vite Vu vite oublié. avant une autre production Blumhouse qu'on espère plus réussie.