Cette rentrée littéraire 2018, qui a commencé voilà déjà deux mois - la sentence des grands prix vont bientôt tomber- aura bien occupé notre temps, et entre déceptions et romans insipides, de beaux romans français nous auront également épaté.
Parmi eux, en voici trois d'auteurs assez renommés dont leurs dernières parutions nous ont plus que convaincus :
1. En nous beaucoup d’hommes respirent ; Marie-Aude Murail ( Edition de l'Iconoclaste)
« Nous nous quittons, ma cousine et moi, sur un bout de trottoir ensoleillé. Je reviendrai. Je veux revenir. Le Havre que j’avais oublié, que j’avais méprisé, Le Havre brisé, Le havre martyrisé, mon Havre de vent, de pluie, de grâce, mon Havre cubiste sous des ciels impressionnistes, qu’on doit peindre ou filmer pour l’aimer, Le Havre est la plus belle ville de ma vie. »
Reconstruire la mémoire familiale dans la ville du Havre qui fut presque entièrement reconstruite après les bombardements de la deuxième guerre mondiale n’est pas une mince affaire. A la mort de son père Marie-Aude Murail, se retrouve avec un trésor. Des centaines d’archives de toutes sortes : des photos annotées, des lettres classées, ficelées, soigneusement conservées, des journaux intimes, des images pieuses, des menus de baptêmes ou de communions, tout ce qui fait l’histoire de sa famille sur trois générations. Que faire de ce matériau ?
Une vraie mine pour une écrivaine de sa trempe. Plonger dans les souvenirs d’une famille du Havre c’est plonger dans les souvenirs de toutes les familles de France. 1914 – 1945 – 1980 - 2018 Quel formidable témoignage que de retrouver les carte postales du front d’un grand-père amoureux, de découvrir le journal intime de sa mère et de sa grand-mère. Les lire, c’est aussi les ressusciter. Marie-Aude, écrivaine dès son plus jeune âge, a de qui tenir, tout le monde écrit dans cette famille. Et dans ces témoignages retrouvés et rassemblés, elle réécrit son histoire, notre histoire.
Un récit qui nous emporte, une écriture à l’émotion pure. On savait Marie-Aude Murail formidable auteur jeunesse, avec « En nous beaucoup d’homme respirent » elle nous offre un roman intime, une autofiction familiale d’une très grande force.
2. Vivre ensemble, Emilie Frèche ( Stock Editions )
"Vivre ensemble, toi tu dis? Vivre avec des étrangers, oui s'esclaffe Léoi d'un petit air comique. Et j'les connais pas, moi en plus, ces gars là..Ils sont clean? Est ce qu'ils ont leurs papiers au moins?"
La romancière Émilie Frèche, qu'on avait croisée sur Lyon, en juin dernier pour la présentation de la rentrée littéraire chez Stock est entrée quelques semaines après dans l'œil du cyclone métiatique avec pas mal de polémiques à mi chemin entre le people et le politique puisqu'on y croisait entre autre des anciens Présidents de l'assemblée nationale nouvellement ministre de l'écologie.
Pour son quatorzième roman, Émilie Frèche, romancière plutôt inégale ( on n'a pas tout lu non plus de son oeuvre, nous a livré un roman qui mérite bien mieux que ses bad buzz puisque s'il brasse de très larges sujets il parle surtout de la violence de notre société contemporaine, une violence autant physique que verbale .
Réflexion sur la notion du « vivre ensemble », notion éculée des programmes politiques, mais plus à l'échelle d'une famille, d'une ville et d'un pays. Vivre ensemble parle aussi bien des traumatisme post-attentats, le statut des migrants à Calais, le racisme ordinaire dont sont victimes certaines communautés et surtout, le sujet le plus prégnant et le plus passionnant, la difficulté d'accepter les enfants de son nouveau compagnon dans une famille recomposée.
Ici, la violence de Salomon, ses crises, son comportement si singulier, s'impose de manière assez dérangeante à Delphine, l'expérience de cette famille recomposée se transformant bien vite en cauchemar, et cela peut évidemment perturber le lecteur, mais cette experience n'en demeure pas moins aussi forte que captivante .
Le lecteur peut du coup se foutre des querelles judiciaires et intimes qu'on lui a balancé à la tête cet été et veut juste un bon livre pour la rentrée, ce qu'il a parfaitement avec ce "Vivre ensemble " de fort belle tenue .