Expo photo : Daniel Boudinet, le temps de la couleur
A découvrir en ce moment au Château de Tours, en partenariat avec le Jeu de Paume
De sa formation de tapissier à l’École Boule, il ne restera peut être à Daniel Boudinet que la couleur...et c'est déjà beaucoup ! C'est aussi, pour l'enfant de Chamonix, la découverte de la grande ville (puis des grandes villes), la vie nocturne, le milieu de l'art, les musées qu'il arpente encore et encore...les belles rencontres aussi, comme celle de Roland Barthes qui écrira sur ses photos, et pour qui il réalisera la couverture de La Chambre claire.
Nostalgique, Daniel Boudinet aime à photographier les vielles pierres en noir et blanc : statues, ponts, ruines et autre vestiges gréco-romains, témoins intemporels dont le grès prend si bien la lumière. Mais son goût pour l'architecture ne peut pas fermer les yeux sur les transformations urbaines qui lui sont contemporaines : Paris se est en pleine mutation, et c'est Bagdad sur Seine dès le début des années 1970.
« Tout mon travail de photographe est lié à mes déambulations »
Dans cette modernité, lui, le classique, trouve pourtant ce qu'il cherche d'épure, de netteté et de simplicité, et ose quitter le noir et blanc : l'exposition Photographies en couleurs (1978) est la première du genre en France. Commence alors une série de clichés nocturnes et urbains : Paris, Rome, Londres, des espaces que seuls les légendes déterminent, vides d'hommes, uniquement habités par les éclairages de ville. Daniel Boudinet baigne ces coins de rue anodins et sans nom de toute l'étrangeté des ambiances de nuit. Sa présence (et par son œil la nôtre) privilégiée, presque clandestine nous offre des couleurs quasi-irréelles : bleutés, orangés, verdâtres, appliquent sur des lieux quotidiens une soudaine étrangeté.
Quel meilleur moment que l'obscurité pour capter la lumière ?
Boudinet poursuit cette imperfection du noir jusqu'à l'obsession, il traque bientôt la lumière naturelle dans tous les interstices, les failles, les brèches par lesquels elle s'infiltre dans les intérieurs sombres. Et toujours en couleurs (Fragments d'un labyrinthe, Opus IV, 1979). Cette couleur il l'explore par tous les moyens, des plus techniques aux plus simples. Le Polaroïde, jouet des amateurs, est pour lui un excellent outil au service de ses expérimentations et répond à toute sa fantaisie.
Plutôt que de les séparer, il s'intéresse maintenant au passage entre l'ombre et la lumière. Photographe des crépuscules il s'offre des palettes à faire pâlir les peintres (Retours, 1986). Boudinet dessine, sur ce fil où les choses s'allument et s'éteignent, des lignes, des angles, à la manière d'un architecte. Il maîtrise à présent parfaitement la lumière et semble pouvoir la guider à son goût pour structurer l'espace.
« J'aime à penser que le temps contenu dans ma photo pourrait être symbolisé par un personnage traversant le rectangle à pas normal. »
Ses photos ressemblent de plus en plus à des décors naturels de théâtre, et son travail à celui d'un scénographe en repérage. Passionné d'histoire de l'art, il reçoit plusieurs commandes pour photographier les lieux d'une modernité antique : les termes de d'Aix ou de Digne, les théâtre romains d'Orange, de Rome, mais aussi le Louvre, le Panthéon et différents musées de France.
A la fin des années 1980, l'invitation de la Fondation Cartier pour l'art contemporain lui donne l'occasion de s'intéresser au jardin plutôt qu'à l'institution (Refuge). Il revient alors à ses premiers amours : la nature, celle des paysage de son enfance, ou de ses derniers voyages en Europe et en Asie. Il est temps de lâcher la maîtrise pour laisser le foisonnement, les herbes folles, les arbres éclatants emplir le cadre, et la lumière, zénithale, irradier la pellicule.
Daniel Boudinet, Le temps de la couleur
Commissaires : Christian Caujolle et Mathilde Falguière
Exposition coproduite par le Jeu de Paume et la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, en collaboration avec la Ville de Tours.
Au château de Tours jusqu’au 28 octobre
Centre d'art et lieu de référence pour la diffusion de l'image des XXe et XXIe siècles (photographie, cinéma, vidéo, installation, net art...), le Jeu de Paume a vocation à produire ou coproduire des expositions, mais aussi des cycles de cinéma, colloques, séminaires, activités éducatives ou encore des publications.
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