Une adaptation déjantée du "Songe d'une nuit d'été" à voir au Théâtre du Ranelagh !
Réputée pour être la pièce la plus drôle du répertoire de Shakespeare, Le Songe d'une nuit d'été a tellement été adaptée que vous pourriez avoir fini par vous en lasser... Mais avec des adaptations comme celle qui se joue en ce moment au Théâtre du Ranelagh, vous auriez tort de faire l'impasse. Car elle est absolument phénoménale.
Vous voyez la forêt sombre dressée au fond de la salle ? N'ayez crainte de vous y enfoncer, toute magique qu'elle est, car au coeur de celle-ci, vous allez assister à des événements d'une drôlerie sans nom, à des quiproquos en cascade et à des scènes qui, à grands renforts d'habiles procédés techniques et de costumes d'époque, vous feront penser aux images des contes de fées de votre enfance...
Dans cette pièce, il y aura quatre mariages (et deux enterrements). Des comédiens qui jouent et des comédiens qui jouent des comédiens. Des scènes qui alterneront entre fantasmagorie et réalité : comme celles où Obéron (Patrick Blandin) et son serviteur Puck (Thomas Nucci) complotent autour de la confection de philtres provoquant des coups de foudre pour la première chose s'offrant à la vue d'une personne - cela donnera lieu à une idylle savoureuse entre Titania et... on vous laisse la surprise -, auxquelles se succèdent des scènes de répétition d'une piètre adaptation de Pyrame et Thisbé, et des moments de chassé-croisé menés par les quatre jeunes insatifaits campés par Lisa Spurio (alias Hermia), Olivier Dote Doevi (Lysandre), Elise Noiraud en alternance avec Aymeline Alix (Héléna) et Matthieu Hornuss (Démétrius).
Les toutes premières minutes du spectacle nous mettent d'emblée dans l'ambiance : le noir se fait, percé par endroits de petites loupiotes égrénées sur des guirlandes de lumière tombantes, des fumigènes forment un brouillard qui nous donne l'impression de nager en plein rêve, des comédiens joliment vêtus courent en tous sens sur une musique qui nous donne envie de les suivre... Tout dans la scènographie concourt à créer une magie incroyable.
Qu'est-ce-que je me suis amusée ! Tous les comédiens sont excellents - je confesse avoir eu une préférence pour trois d'entre eux, Patrick Blandin qui incarne Obéron et Thésée ; Thomas Nucci qui nous offre un véritable show en incarnant tour à tour Puck, Bottom, Égée et Philostrate, et Élise Noiraud en exceptionnelles Héléna, Titania, et Hyppolita. A six, ils arrivent à incarner les 22 personnages que la pièce comporte, à passer de l'un à l'autre avec une aisance déconcertante. Le rythme est effréné et on ne s'ennuie pas une seconde. La pièce s'achève avec le début d'une autre : celle de la représentation de la pièce tant et tant répétée au cours de la précédente devant des Thésée et Hyppolita desespérés qui, à cette occasion, viennent s'asseoir en salle, devenant ainsi, comme nous, spectacteurs de ce massacre en règle - un moment qui clôt dans l'hilarité générale cette adaptation et nous rappelle que Shakespeare était un des pionniers du procédé de la mise en abîme, plus communément appelé, du théâtre dans le théâtre.
Cette adaptation a aussi le mérite de nous offrir un mélange des genres absolument pas dissonnants : écouter Puck déplorer Pourquoi les gens qui s'aiment sont-ils toujours un peu les mêmes ? assis devant un piano ou surgir derrière nous sur la musique de Rocky nous paraîtra, ainsi, tout à fait normal, et pas du tout anachronique. Telle est la magie de la scénographie orchertrée par Matthieu Hornuss et sa joyeuse troupe : ils parviennent à nous embarquer sans que rien ne nous tire de notre rêverie.
Je suis ressortie avec l'impression d'avoir vécu un rêve éveillé, il m'a fallu quelque temps pour redescendre sur terre et attendre que le charme soit rompu.. On parie que vous aussi, vous allez succomber à l'enchantement qu'est cette pièce !
Le Songe d'une nuit d'été au Théâtre du Ranelagh, jusqu'au 14 avril du mercredi au samedi à 19h, le dimanche à 15h. 5 rue des Vignes, 75 016 Paris.