Camilla Grebe, Sandrine Collette, Sophie Hénaff : Chroniques de Polars parus au Livre de Poche
Pour ce lundi de Pâques , on vous propose une sélection de trois polars en poche qui sont publiés dans la même maison d'édition- le livre de Poche, qui étaient totalement pile poil pour la dernière édition de quais du polar, mais qui pourront parfaitement aller pour vos vacances de pâques en ce moment, ou celles d'été qui arrivent :
1/ Le journal d'une Disparition, Camilla Grebe
"Je lui ai demandé si la défunte avait plus besoin de lui que de moi. Il m'a répondu que j'étais sacrément immature pour une sexagénaire et qu'il s'attendait à une plus grande largeur d'esprit de ma part.. Ah, l'âge!"
Le journal de ma disparition de Camilla Grebe n’est pas vraiment la suite d‘"Un cri sous la glace", le précédent roman de l'auteur, dans la mesure où l’énigme avait été résolue mais on retrouve dans ce polar Hanne la profileuse et l’inspecteur Peter Lindgren.
L’intrigue s’ouvre sur un flashback quand 8 ans auparavant, Malin, alors adolescente, lors d’une soirée avec des amis dans la forêt d’Omberg, une ville suédoise isolée, découvre une fillette enterrée.
Devenue flic, Malin mène l’enquête auprès de Hanne et de Peter. Ce dernier disparait du jour au lendemain, Hanne est retrouvée pieds nus et hagarde dans la forêt, une nouvelle victime est découverte. Et si tout était lié ?
Le reproche qui me vient à l’esprit régulièrement lorsque je lis des polars est la pauvreté du style (en particulier avec les fameux page turner). Or Camilla Grebbe a non seulement une plume vive et habile mais elle soigne particulièrement la construction de son livre, alternant les points de vue selon les chapitres et mêlant différentes intrigues.
Le journal de ma disparition est aussi le tableau d’une ville frappée par la crise économique et le chômage. Il aborde la question oh combien actuelle des migrants, perçus très vite comme un danger et nourissant la peur, les conflits, la xénophobie.
"Le journal de ma disparition" ne se contente pas de multiplier les rebondissements jusqu’au twist final (que je n’avais pas vu venir et c’est toujours un plaisir de lecteur de se faire balader par un auteur).
Il met en scène deux personnages singuliers et attachants, suggérant la difficulté d’être différents dans une société normative.
https://www.livredepoche.com/livre/le-journal-de-ma-disparition-9782253092711
2/ Juste après la vague, Sandrine Colette
"Ils avaient fini par glisser, le bord du radeau manquant leur entailler la tête ou le flanc. Louie avait lâché la corde. Crachant l’eau qu’ils avaient avalée, ils s’étaient extirpés, patinant sur la terre glaiseuse de la rive, s’accrochant aux touffes d’herbe. Quand ils avaient réussi à remonter tous les trois sur le monticule, le radeau à moitié noyé s’était éloigné, bancal. En plongeant, Louie aurait pu le rattraper avant que les courants ne l’emportent- il avait fait mille fois pire toutes ces années. Mais il ne sauta pas. Comme son frère et sa sœur, il regarda partir l’embarcation sans un geste et sans un mot."
Sandrine Collette est une auteure qui compte de plus en plus dans la littérature policière française. On savait déjà que la romancière du Morvan aimait beaucoup utiliser les images du conte enfantin pour les contourner et les rendre terrifiante, elle le faisait notamment déjà dans "Il Reste la poussière," un de ces romans les plus célébrés, qui pervertissait la matière du conte pour poursuivre les thématiques habituelles de l'auteur celles de l'inhumanité des hommes, juste la survie, l’instinct de protection, et la force des liens familiaux.
Sandrine Collette assume pleinement ces influences de contes et légendes, qu’elle mélange souvent à une exploration de l’apocalypse.
Toutes ces obsessions se retrouvent bien évidemment mêlées dans "Juste après la vague." Partant d’une intrigue qui entremêle à la fois le petit Poucet, Hansel et Gretel, Sa majesté des mouches, Robinson Crusoé et l’arche de Noé, l’auteure nous emmène en plein milieu d’une catastrophe naturelle de grande ampleur, un raz de marée océanique qui va totalement détruire une famille de 11 membres ( 2 adultes et 9 enfants qu’il faut diviser faute de grives, d’où la référence évidente au Petit Poucet ).
Une fois la première grande vague passée, alors que le tsunami continuer à frapper inexorablement les parents vont être amené à faire un choix pour le moins sujet à caution : ils vont en abandonner trois et ce choix sera avant tout basé sur des critères physiques de prétendus handicaps des enfants !
Conte moral aussi terrifiant que percutant, Juste après la vague sonde les choix que l’on fait quand on n’a pas le choix, cette décision que l’on doit prendre à l’instinct quand on est dos au mur, qu’on ne pourra savoir si elle est la solution idéale qu’après en avoir subi les conséquences.
Loin de la famille comme valeur refuge, la famille décrite par Collette apparait comme disloquée éparpillée, et certains trois enfants doivent prendre leur survie en main tous seuls loin des parents qui sont alors rongés par la culpabilité.
De ce roman d’apocalypse où la nature est aussi belle que terriblement hostile, Sandrine Collette tisse un récit de survie haletant. Et épuré, où l’eau détruit tout sur son passage et décrit sa sidération devant la force et la démesure de la nature – peut-être le plus grand tueur du monde.
Comme d’habitude Sandrine Colette prouve son immense talent à tenir parfaitement son intrigue du début à la fin (le dénouement parait sans doute un peu abrupt et laisserait augurer d’une éventuelle suite), et de nous rendre absolument captivant et passionnant cette roman survival qui nous parait à la fois totalement réaliste et totalement incroyable en même temps.
https://www.livredepoche.com/livre/juste-apres-la-vague-9782253237525
3. Sophie Henaff, Rester groupés
"Tiens, voilà le corbillard.
La veuve, un rien agacée, brassait l'air et prenait à témoin des deux amies qui l'accompagnaient.
Mais où est Jacques, à la fin ? Il doit encore traîner à la maison.
Atterrées, ses amies ne savaient trop comment rappeler à cette femme au cerveau grignoté par l'implacable Alzheimer que son mari était là, à l'heure, dans le cercueil qui sortait du long break noir."
Invitée des récents quais du polar, l'auteur Sophie Henaff, qui a notamment travaillé dans un café théâtre lyonnais "l'accessoire", et à la revue féminine bien connue Cosmopolitan a déjà sorti un romans policiers "Poulets Grillés" avant ce Rester groupés, et on peut dire que la brigade emmenée par le commissaire Anne Capestan a acquis une certaine réputation. auprès des lecteurs qui l'apprécient particulièrement cet univers fantasque et gentiment déjanté.La très sympathique bande de policiers avec à leur tête la commissaire Anne Capestan va être mise à contribution quand l''ex beau-père de cette dernière est retrouvée sauvagement assassiné
C'est parti pour une aventure pleine d'humour et de dérision ; et l'on retrouve avec grand plaisir cette unité constituée de policiers hors normes avec une couleur d'ensemble décalé. Pour ceux qui n'ont pas lu lepremier volet , ce deuxième et non pas second, car un troisème art et déces dans le milieu du cinéma vient de sortir en grand format, est un vrai bonheur de lecture.
Une lecture qui se lit indépendamment des autres car les néophytes y sont vraiment bienvenus, quant à ceux qui connaissent l'univers de Madame Henaf, ils retrouveront avec plaisir cette troupe de flics des Innocents décalés, voire loufoques dans ce polar burlesque sans violence et effusion de sang .
Si vous aimez les calembours, et que vous cherchez une lecture policière légère ce rester groupés est assurément pour vous !
https://www.livredepoche.com/livre/rester-groupes-9782253092445