1/ Gérard Depardieu, Monstre ( Le livre de Poche) 

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"C'est toujours terrifiant de rester seul en scène devant un public sans rien dire, tout en s'efforçant d'être tout simplement."
"Le chariot est déjà lourd à tirer avec ce que l'on traine en soi, mais quand devant soi, il n'y a plus de place pour rien, plus d'élan ni enthousiasme possible, il devient impossible de s'éléver."
"C’est ce qui m’emmerde chez les intellectuels, chez eux la référence l’emporte toujours sur le vécu, l’explication sur le désir.Ils préfèrent raisonner que ressentir. C’est la marque de fabrique des artificiels."
 Réflexions du monstre sacré du ciénma français sur la vie, l'humanité, la société, la politique, le cinéma : Entre philosophie, mysticisme et bon sens, notre Gérard Depardieu  national nous offre ses vérités et principes de vie..
Une vision d'homme libre et authentique, pas tendre avec les autres, ni avec lui même..Plus apaisé, plus spirituel, moins révolté qu'à l'accoutumée, on voit que Gégé a réussit ( temporairement?à dompter certains de ses démons, mais il continue à assumer son coté anticonformisme et le personnage Depardieu reste résolument à part...
Depardieu  clame son aversion pour les " intellos" à qui il reproche de ne jamais savourer l'instant présent, villipende cette société actuelle trop normative, trop corsetée, prone son amour pour les gens de peu, les artisans, se lance dans une ode aux cinéastes italiens qu'il a pu cotoyer ( Marco Ferreri, Bernardo Bertolucci...) , ce livre est le cri de coeur d'un homme et un artiste définitivement à part..
2/ Regarde la ville tomber, Kate Tempest ( Rivages Poches)

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" Les rues deviennent plus larges, les maisons plus grandes, les bistrots gastronomiques remplaçent les rotisseries. La ville relache sa prise. Il s'engagent sur l'autoroute. A la radio, Billy Bragg chante a new England."

Kate Tempest  est une artiste unique et prothéiforme dont on parle de plus en plus en France : tour à tourperformeuse, poète, dramaturge, figure de la scène alternative anglaise,  stard du hip hop, elle a écrit plusieurs romans

Kate Tempest,  admirée par Virginie Despentes, Lola Lafon ou Don DeLillo.
Best-seller international, regarde la ville tomber  a imposé la jeune Anglaise comme une voix majeure de la scène littéraire d'aujourd'hui. Tempest nous offre une  épopée ultra-contemporaine dans un présent aussi coupant et tranchant que la ville de Londres.
Un récit épatant qui donne à entendre les voix d’une jeunesse malmenée, héritière des espoirs comme des déconvenues des générations qui l’ont précédée : de jeunes londoniens aux prises avec le manque de travail, la drogue, la sexualité, la plume est assez incroyable,  à la fois très moderne, vif, percutant et en même temps plein d'une poésie brute. 
"Becky observe les gens, contemple la rue, entend les bruits ambiants, sent le trottoir sous ses pieds, et elle s’autorise à envisager ce qu’elle aimerait en dire un jour, avec son corps, dans une chorégraphie de sa propre composition ."
La construction du roman, avec ses multiples trames et époques, loin de perdre le lecteur donne du sens au roman et lui confère un rythme impressionnant, qui colle parfaitement avec lʼénergie de Londres, embarque le lecteur et soutient son intérêt.
 Des parcours quʼon découvre inexorables, sous le poids dʼune société de plus en plus pesante, donnant de moins en moins de perspectives à une jeunesse désenchantée, vivant de petits boulots et se réfugiant dans la drogue.

Kate Tempest, Ecoute la ville tomber (The Bricks that Built the Houses) 

3/Générations éperdues, Yves Simon ( Points)

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"Dans tes classeurs de lycée
Y'a tes rêves et tes secrets
Tous ces mots que tu n'dis jamais
Des mots d'amour et de tendresse
Des mots de femme
Que tu caches et qu'on condamne
Que tu caches, petite Anne"

Yves Simon, est à la fois musicien et écrivain,  auteur à la fois d'une quinzaine d'albums et de plus d'une trentaine de romans et de recueils. C'est dans les années 1970 qu'il signe les succès Diabolo Menthe, Au Pays des merveilles de Juliet ou encore J'ai rêvé New-York, avant de recevoir le Prix Médicis en 1991 pour son roman La dérive des sentiments.

"Génération(s) éperdue(s)", 140 textes de chansons illustrées. Le carnet d'un voyage dans le temps qui commence au début des années 70 et court jusqu'à nos jours. 

chaque relecture d'un livre ou d'un paragraphe, elles nous replongent, souvent avec nostalgie, dans ces époques si proches et si lointaines à la fois.

Ce livre est un Recueil de 140 chansons illustrées de photographies de l'auteur, compositeur, interprète au fil de ses 50 ans de carrière. Elles répertorient selon lui " nos instants pour les jeter à la gueule du premier venu et lui dire " regarde moi j'existe!"

En chanson ou dans ses livres, il a toujours su accompagner son époque. C'est pourquoi plusieurs générations se reconnaissent dans le chanteur et le romancier qui a toujours trouvé les mots pour dire son temps.les a mis en scène, accompagnés de photos, d'affiches de cinéma ou de dessins.

 4/ Nos vies, Marie Hélène Lafon ( Folio)

 

nosvies

« Les seins de Gordana ne pardonnent pas, ils dépassent la mesure, franchissent les limites, ne nous épargnent rien, ne ménagent personne, heurtent les sensibilités des spectateurs, sèment la zizanie, n’ont aucun respect ni aucune éducation. Ils ne souffrent ni dissidence ni résistance. Ils vous ôtent toute contenance. »

Voix intérieurs du quotidien, une vie en projection permanente sur l’écran gris de la cité. Souvenirs, rues, avenues, impasses, boutiques, haines, bonheurs, faits-divers, amitiés, amours tout ce qui fait une vie.

La narratrice, jeune retraitée, un peu « enroutinée », invente une vie à un homme et une  femme qu’elle croise chaque vendredi au Franprix de son quartier. Vies en miroirs qui sans prévenir vont l’aider à faire le bilan d’une vie ordinaire, mais une vie ordinaire n’existe pas, toute les vies sont extraordinaires.

 Marie-Hélène Lafon creuse des vies, cherche des mots, construit des phrases et compose des images littéraires hyperréalistes. La ville s’anime sous nos yeux. C’est d’un beau gris tendre parfois traversé de brillance ou de noirceur. Paris quotidien, Paris grouillant, Paris vivant, le monde urbain tisse serré un entrelacs de solitudes.

De son écriture sincère et émouvante, l’auteur s’aventure hors de son cher Cantal, après Marie-Hélène à la campagne c’est avec bonheur que l’on retrouve Marie-Hélène à la ville.

Pour mémoire,  n’hésitez pas à vous plonger dans « Joseph » une pure merveille,  ainsi qu'« Histoires », Goncourt de la nouvelle 2016 tout de même.

5/  Fugitive, parce que reine, Violaine Huisman ( Folio)

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 « Maman ne cessait de dire que sa plus grave erreur avait été de quitter son premier mari, vraisemblablement un homme formidable pour partir avec papa. Depuis sa vie avait chaviré, et la perspective d’un avenir personnel avait perdu tout son sens dans ce contexte ou tout travail n’aurait été qu’un hobby de femme entretenue. Plutôt crever. Maman avait sa fierté, et elle préférait se flinguer la santé, passer sa journée à ressasser, se lamenter, désespérer, errer, plutôt que d’accepter de s’occuper. Plutôt crever." 

 Violaine Huisman (traductrice en anglais)  nous livre  un roman bouleversant qui est aussi largement  autobiographique.

 Elle rend aussi un vibrant hommage à sa mère, Catherine, une femme vraiment  excessive  que les médecins ont diagnostiqué comme "maniaco dépressive", à une époque où on de disait pas encore bipolaires pour parler de ces individus qui alternent périodes d’euphories et séquences de grande dépression et auto apitoiement.

 On pense, à la lecture de ce  livre entre le récit et le roman ( la frontière semble bien tenue comme souvent dans ce genre de livres) à  "Rien ne s’oppose à la nuit"  de Delphine de Vigan, aussi portrait déchirant d'une mère borderline,  ou  plus récemment  "Encore vivant" de Pierre Souchon- voir chronique ici même qui parlait aussi de bi polarité vu de l’intérieur  mais Violaine Huisman se différencie des autres livres sur le sujet  sur le sujet par une plume alerte et poignante et une construction  assez originale, en deux  parties ( enfin trois si on compte un court épilogue dans lequel la narratrice fait le bilan avec le recul de sa vie d’adulte).

L’écrivaine Violaine Huisman, en 2017.

 Après une  première  partie, dans laquelle l’auteure expose sans pathos et avec beaucoup de lucidité son rehard sur cette enfance  somme toute  assez brutale où sa mère lui paraissait particulièrement difficile à cerner et où les rôles entre parents et enfants se voient inversés, la deuxième partie, se place du point de vue de  Catherine,  et de ses vies avant d’avoir eu ses filles, éclairant largement les zones d’ombres de la première partie.

On voit que l’auteur a connu une enfance peu ordinaire, dans laquelle sa mère personnage bigger than live avait tendance à tirer toute la couverture avec elle, et si l’auteur ne nous épargne pas certaines scènes très dures sur la déchéance maternelle (où se cotoient alcool, cigarette, médicaments...) , elle parvient in fine à toujours apporter une tendresse et une humanité à cette mère, reine brisée et parfois déchue , mais reine quand même…

Une plume percutante et fluide  qui pourrait laisser  pas mal de lecteurs totalement bouleversés.