1/ Gérard Depardieu, Monstre ( Le livre de Poche)
" Les rues deviennent plus larges, les maisons plus grandes, les bistrots gastronomiques remplaçent les rotisseries. La ville relache sa prise. Il s'engagent sur l'autoroute. A la radio, Billy Bragg chante a new England."
Kate Tempest, admirée par Virginie Despentes, Lola Lafon ou Don DeLillo.
Kate Tempest, Ecoute la ville tomber (The Bricks that Built the Houses)
3/Générations éperdues, Yves Simon ( Points)
"Dans tes classeurs de lycée
Y'a tes rêves et tes secrets
Tous ces mots que tu n'dis jamais
Des mots d'amour et de tendresse
Des mots de femme
Que tu caches et qu'on condamne
Que tu caches, petite Anne"
Yves Simon, est à la fois musicien et écrivain, auteur à la fois d'une quinzaine d'albums et de plus d'une trentaine de romans et de recueils. C'est dans les années 1970 qu'il signe les succès Diabolo Menthe, Au Pays des merveilles de Juliet ou encore J'ai rêvé New-York, avant de recevoir le Prix Médicis en 1991 pour son roman La dérive des sentiments.
"Génération(s) éperdue(s)", 140 textes de chansons illustrées. Le carnet d'un voyage dans le temps qui commence au début des années 70 et court jusqu'à nos jours.
chaque relecture d'un livre ou d'un paragraphe, elles nous replongent, souvent avec nostalgie, dans ces époques si proches et si lointaines à la fois.
Ce livre est un Recueil de 140 chansons illustrées de photographies de l'auteur, compositeur, interprète au fil de ses 50 ans de carrière. Elles répertorient selon lui " nos instants pour les jeter à la gueule du premier venu et lui dire " regarde moi j'existe!"
En chanson ou dans ses livres, il a toujours su accompagner son époque. C'est pourquoi plusieurs générations se reconnaissent dans le chanteur et le romancier qui a toujours trouvé les mots pour dire son temps.les a mis en scène, accompagnés de photos, d'affiches de cinéma ou de dessins.
4/ Nos vies, Marie Hélène Lafon ( Folio)
« Les seins de Gordana ne pardonnent pas, ils dépassent la mesure, franchissent les limites, ne nous épargnent rien, ne ménagent personne, heurtent les sensibilités des spectateurs, sèment la zizanie, n’ont aucun respect ni aucune éducation. Ils ne souffrent ni dissidence ni résistance. Ils vous ôtent toute contenance. »
Voix intérieurs du quotidien, une vie en projection permanente sur l’écran gris de la cité. Souvenirs, rues, avenues, impasses, boutiques, haines, bonheurs, faits-divers, amitiés, amours tout ce qui fait une vie.
La narratrice, jeune retraitée, un peu « enroutinée », invente une vie à un homme et une femme qu’elle croise chaque vendredi au Franprix de son quartier. Vies en miroirs qui sans prévenir vont l’aider à faire le bilan d’une vie ordinaire, mais une vie ordinaire n’existe pas, toute les vies sont extraordinaires.
Marie-Hélène Lafon creuse des vies, cherche des mots, construit des phrases et compose des images littéraires hyperréalistes. La ville s’anime sous nos yeux. C’est d’un beau gris tendre parfois traversé de brillance ou de noirceur. Paris quotidien, Paris grouillant, Paris vivant, le monde urbain tisse serré un entrelacs de solitudes.
De son écriture sincère et émouvante, l’auteur s’aventure hors de son cher Cantal, après Marie-Hélène à la campagne c’est avec bonheur que l’on retrouve Marie-Hélène à la ville.
Pour mémoire, n’hésitez pas à vous plonger dans « Joseph » une pure merveille, ainsi qu'« Histoires », Goncourt de la nouvelle 2016 tout de même.
5/ Fugitive, parce que reine, Violaine Huisman ( Folio)
« Maman ne cessait de dire que sa plus grave erreur avait été de quitter son premier mari, vraisemblablement un homme formidable pour partir avec papa. Depuis sa vie avait chaviré, et la perspective d’un avenir personnel avait perdu tout son sens dans ce contexte ou tout travail n’aurait été qu’un hobby de femme entretenue. Plutôt crever. Maman avait sa fierté, et elle préférait se flinguer la santé, passer sa journée à ressasser, se lamenter, désespérer, errer, plutôt que d’accepter de s’occuper. Plutôt crever."
Violaine Huisman (traductrice en anglais) nous livre un roman bouleversant qui est aussi largement autobiographique.
Elle rend aussi un vibrant hommage à sa mère, Catherine, une femme vraiment excessive que les médecins ont diagnostiqué comme "maniaco dépressive", à une époque où on de disait pas encore bipolaires pour parler de ces individus qui alternent périodes d’euphories et séquences de grande dépression et auto apitoiement.
On pense, à la lecture de ce livre entre le récit et le roman ( la frontière semble bien tenue comme souvent dans ce genre de livres) à "Rien ne s’oppose à la nuit" de Delphine de Vigan, aussi portrait déchirant d'une mère borderline, ou plus récemment "Encore vivant" de Pierre Souchon- voir chronique ici même qui parlait aussi de bi polarité vu de l’intérieur mais Violaine Huisman se différencie des autres livres sur le sujet sur le sujet par une plume alerte et poignante et une construction assez originale, en deux parties ( enfin trois si on compte un court épilogue dans lequel la narratrice fait le bilan avec le recul de sa vie d’adulte).
Après une première partie, dans laquelle l’auteure expose sans pathos et avec beaucoup de lucidité son rehard sur cette enfance somme toute assez brutale où sa mère lui paraissait particulièrement difficile à cerner et où les rôles entre parents et enfants se voient inversés, la deuxième partie, se place du point de vue de Catherine, et de ses vies avant d’avoir eu ses filles, éclairant largement les zones d’ombres de la première partie.
On voit que l’auteur a connu une enfance peu ordinaire, dans laquelle sa mère personnage bigger than live avait tendance à tirer toute la couverture avec elle, et si l’auteur ne nous épargne pas certaines scènes très dures sur la déchéance maternelle (où se cotoient alcool, cigarette, médicaments...) , elle parvient in fine à toujours apporter une tendresse et une humanité à cette mère, reine brisée et parfois déchue , mais reine quand même…
Une plume percutante et fluide qui pourrait laisser pas mal de lecteurs totalement bouleversés.