Compléments du non; Aurore Lachaux: le travail l'a tué
"A la fois problème et énigme, la vie offrait, il est vrai , mille occasions de vouloir se pendre."
La fiction ( cinématographique ou littéraire) n'en finit plus de nous donner des nouvelles du monde de l'entreprise et dans 99% des cas, elles ne sont guère reluisantes. Très souvent, ces œuvres stigmatise l’hyper compétitivité du monde du travail, à la fois au niveau individuel (un employé par rapport aux autres) et collectif (la rentabilité d’une entreprise par rapport aux autres) qui entraîne souvent la perte d' une partie de notre humanité.
Dans la lignée de la formidable BD "Le travail m'a tué " qu'on a présenté il y a quelques semaines , et avant de vous parler prochainement d'un premier long métrage formidable sur ce sujet , quelques lignes sur un premier roman d'une quadragénaire professeur de lettres, Aurore Lachaux qui a eu la chance de voir son manuscrit envoyé par la poste être publié par Mercure de France en cette rentrée littéraire.
Comme pour la BD "Le travail m'a tué ce court roman, qu'on imagine très autobiographique, d'Aurore Lachaux sonde l'inhumanité du monde du travail non pas pour les salariés qui sont au bout de la chaine, mais sur les fameux cols blancs, ces cadres qui subissent également l'aliénation et des méthodes de management peu amènes dictées par les adeptes de l'ultra libéralisme.
En effet, la narratrice ( l'auteur?) est la fille d'un de ces ingénieurs qui ne comptent pas ses heures , qui travaillent dans l'industrie aéronautique et qui va se voir remercier après s'être battu contre l'adversité et des procédés qu'il jugeait largement contre productif.
A la mort de celui ci, survenu peu de temps après son licenciement, la narratrice va sentir monter en elle une source colère contre ce système, et notamment contre cette représentante des DRH, qui ,peu de temps après avoir sommé son père de dégager de l'entreprise, va aller à l'enterrement de ce dernier pour tenir un discours toute en hypocrisie et mielleux à souhait.
"On déposera comme chez les anciens, ces Grecs, un bouquet d’asphodèles au tombeau et des volets roulants et on fera un rideau qu'abaissera le monsieur aux clés."
Une colère que la narratrice va laisser mûrir pour amener son discours et sa réflexion sur une déambulation qui devient au fil des pages, plus apaisée, moins centrée autour du travail, pour au final dessiner un très bel hommage à son paternel , porté par une écriture intelligente et une plume pleine de pudeur , d' élipses et de non dits.
Bref la charge anticapitaliste, nécessaire mais attendue du début du livre va progressivement se muer en un beau cri d''amour à un père qui visiblement était un homme bien, catégorie qu'il est bon ton de louer en ces jours...
Une jolie découverte qui risque hélas de passer un peu inaperçue en cette jungle de la rentrée littéraire .