Baz'art  : Des films, des livres...
3 octobre 2019

Les 5 romans en poche qu'on vous conseille pour la rentrée

 La parution en édition de poche de 5 romans qu'on avait aimé en grand format nous impose de refaire un petit topo sur les lectures poches quinze jours après notre première revue 

Petit focus sur deux maisons d'édition en particulier, les éditions Points et J'ai Lu qui ,comme d'habitude, ont un catalogue très intéressant : 

1/ Qui a tué mon père (5 septembre, Points) 

qui a tue

 Plusieurs années après, quand j’ai fui le village et que je suis allé habiter à Paris, quand le soir dans les bars je rencontrais des hommes et qu’ils me demandaient quelles étaient mes relations avec ma famille, c’est une drôle de question mais ils la posent, je leur répondais toujours que je détestais mon père. Ce n’était pas vrai. Je savais que je t’aimais mais je ressentais le besoin de dire aux autres que je te détestais. Pourquoi ? »

Au nom du père, au nom des pauvres. «  Qui a tué mon père », remarquez l’absence de point d’interrogation, est une prière marxiste, un “Notre Pére” laïque et une déclaration d’amour d’un fils à son père.

C’est aussi un livre politique radical, Edouard Louis prend la parole et la donne au gens de peu, aux déclassés.

Car ce qui frappe chez Louis, c'est à quel point il réussit à mettre des mots et des noms sur l’injustice qui frappe des hommes et des femmes invisibles, des êtres humains complètement oubliés par la classe dominante.

Pas de gras, pas de superflu dans ce texte, Edouard Louis, à corps, à cœur et à cri, devient la voix de son père. C’est l’histoire d’un fils et d’un père qui n’ont plus honte de se regarder.

C’est un véritable pamphlet sur ce monde libéral qui broie les individus...

Un vrai texte touchant et fort sur le quart-monde oublié. Quatre-vingt pages fulgurantes et nécessaires.

2/ Comment t'écrire Adieu, Juliette Arnaud ( 5 septembre; Points) 

arnaud

 " J'écoute de la musique de blanc, voire de blanc raciste car oui ,j'ai une faiblesse coupable (je comprends les paroles ) pour Sweet Home Alabama."

Dans son tout premier roman,   la comédienne - et parfois chroniqueuse littéraire sur France Inter- Juliette Arnaud  prend pour la première fois la plume.

Elle égrène la bande musicale de sa vie sentimentale (et parfois sa vie sentimentale, elle effleure les souvenirs ) en lien avec des morceaux cultes qui ont rythmé certaines séquences.

Avec cette playlist intime et sentimentale, elle nous livre un  récit  de souvenirs et d'anecdotes que l'on devine forcément autobiographiques, mais jamais chronologique, comme un fil que l'on dénoue.

Juliette Arnaud parvient ainsi au fil des pages à construire  sa petite mélodie intime avec des titres que l'on a tous en mémoire, pour en faire un  texte sonore.

Un style entre le ton très oralisé et une bande originale qui s’immisce inconsciemment ou pas, dans cette lecture, brève et plaisante…

  3/Roissy, Tiffany Tavernier  (Points; 22 août ) 

roissy

"Ici, elle n’a pas de corps réel. L’eau qui gicle sur ses mains, elle la sent partout. Elle a donc un corps. Une peau du moins.

Une peau extraordinairement sensible depuis laquelle, protégée par ce blanc qui l’enveloppe, elle peut encore aimer le monde, espace où elle n’a plus de poids et où comme indécis son cœur bat. Un cœur à peine éclos pourtant, si plein de tendresse, par delà ces cris qui remontent en elle."


Dans ce huis clos très cinématographique (qui fait  un peu penser à de nombreux films tels que Tombés du ciel de Philippe Lioret ou Le terminal de Steven Spielberg), l'auteur s'interesse à une femme qui a perdu la mémoire et qui déambule sans cesse dans les entrailles de l’aéroport, bulle dépersonnalisée, qui ne mène nulle part et partout à la fois. et qui va rencontrer d’autres destins brisés par la vie et tenter de trouver un semblant de réconfort auprès d'eux.

Ce monde en vase clos, qui obéit à ses propres règles, raconté par une narratrice dont le lecteur ne sait pas grand chose et apprendra à connaitre au fil des pages, Tiffany tavernier l'a longuement étudié avant d'écrire son roman.. Elle a pendant de nombreux mois observé ce qu'on appelle les " indecelables", ces gens sans attaches dont l'aéroport est le lieu de vie, qui se promènent dans les entrailles de ce monde aussi gigantesque qu'anonyme.

Un aéroport comme une promesse d’évasion, mais en même temps comme y repoussoir : ce beau et fort portrait d'une femme en perdition, à la recherche ( vaine? ) de sa mémoire, donne lieu à de belles scènes (séquences?) de rencontres ( notamment une belle histoire d'amour avec un homme dont la femme est décédée dans le Paris Rio de 2003)

Tiffany Tavernier, avec ses phrases courtes, coupantes, sans fioritures, parvient à insufler un vrai souffle romanesque à ce lieu pourtant aussi neutre que standardisé à l’extrême.

4/ Jacques à la guerre Philippe Torreton ( J'ai Lu) 

jailu torreton

"Rouen ressemblait à une carcasse de bœuf suspendue par les pattes arrière, on distinguait ses entrailles, et comme une brutalité peut soulever la robe d’une femme respectueuse et digne, des béances de guerre laissaient voir de loin la cathédrale. J’avais honte de la découvrir ainsi exposée, meurtrie, éclaboussée de crachats métalliques, insultée de flammes, soufflée, sidérée…"

Philippe Torreton  le comédien militant et engagé avait connu un beau succès (critiques et ventes) avec son roman Mémé. Par petites touches impressionnistes, par cette faconde et cette pudeur, Torreton fasait  vivre avec énormément de tendresse et d'émotions le souvenir de cette mamie qui nous fait penser à la notre.

Après sa grand mère,   Philippe Torreton rend cette année un bel hommage à son père .

Avec ce roman, il nous raconte   les années de guerre de son père, Jacques, né à Rouen et qui aura vévu deux guerres différentes :  : celle de 39 quand il était enfant et plus tard, celle d'Indochine avec les atrocités.

Cet hommage à son père, Torreton le fait sous le biais de la fiction en imaginant que ce que son père et son grand père ( qu'il n'a pas connu) a bien pu penser dans ses situations extrêmes.

Torreton a essayé de mettre une parole là où il n’y en avait pas., où la mémoire est cadenassée par le manque de vocabulaire. et le fait avec une ambition pas toujours totalement maitrisée mais avec une sincérité qui fait du bien .

Un récit  de fiction dans lequel il raconte l’enfance puis l’adolescence de son père à Rouen pendant la guerre.  Construit de manière fragmentaire. Jacques à la guerre aborde différentes thématiques : la guerre, la relation au père, à la mère., le apport à la mort, au deuil et à la solitude.

Avec des chapitres  plutôt courts, et décrit avec réalisme tant dans les scènes où le fils décrit son père avec tendresse ou dans le départ pour l’´Indochine. et même une pointe d'humour.  

5/ Trancher, Amélie Cordonnier ( J'ai Lu) 

"Sept ans, c’est beaucoup. Mais ce n’est pas assez. Et toi qui croyais qu’il était guéri pour toujours ! C’est vraiment trop bête. Tellement dommage, surtout. Soudain la déception te coupe le souffle. Tu as le cœur lourd de tous ces rêves piétinés. Est-ce qu’il n’aurait pas mieux valu savoir que tout allait s’arrêter ?

Et que sept ans plus tard tout recommencerait. Savoir d’entrée de jeu que ça ne durerait pas. Que le chagrin ne fait finalement toujours que se reposer ?"

 Amélie Cordonnier signe ici un livre  percutant, tout comme les insultes qu’un mari  balance au visage de sa femme.

Aurélien, pourtant d'un excellent abord à l'extérieur est un tyran domestique entre quatre murs il humilie verbalement sa femme, la met plus bas que terre et l’assomme de mots orduriers y compris à l’occasion des scènes les plus intimes

 La romancière  aborde une thématique jusqu'alors peu traitée dans la fiction de la thématique de  la violence verbale au sein du couple et montre comment cette mère de famille tente de ne plus flancher devant la violence des mots de son conjoint. 

Comment peut-on rester avec un homme capable de nous parler de cette façon, de nous traiter de cette façon? .

Ce  récit écrit  à la deuxième personne du singulier,  un parti pris , qui empêche le lecteur de rester indifférent au drame qui se joue entre ces lignes,  tente de répondre à cette épineuse question du syndrome de Stokholm. 

 Amélie Cordonnier est une  jeune auteur à saluer pour l'audace de son propos et la puissance de son style littéraire !

 

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