Sorties cinéma été 2020 : Madame : un modèle du genre!
C'est l'histoire d'une libération, celle de deux esprits et de deux corps, esquissée à travers le dialogue qu'engage Stéphane Riethauser avec sa grand-mère, Caroline. Deux êtres unis moins par les liens du sang que par leur singularité. Deux êtres qui se sont reconnus, preuve que l'on peut aussi choisir sa famille.
Stéphane est issu d'une famille genevoise que sa grand-mère, habile femme d'affaire, a contribué, par son succès insolent, à installer durablement dans la bourgeoisie aisée. Garçon chéri à qui rien ne manque, Stéphane grandit dans le plus grand confort.
À l'aube de l'adolescence, le grand échalas sensible s'efface derrière son double maléfique, Riton, gouailleur et effronté, tout muscle dehors. Un parangon de la masculinité qui couve une faille béante : Stéphane se sent de plus en plus attiré par les hommes.
À l'aide des nombreuses images que son père, apprenti cinéaste, a tourné de sa famille, mais aussi de messages vocaux, d'extraits de journal, d'écrits Stéphane Riethauser questionne sa trajectoire d'homme.
S'éloignant du conservatisme bourgeois perpétué par sa famille, la tangente qu'il a fini par prendre rencontre inévitablement celle de sa grand-mère, Caroline. Aux images du père se mélange celle du fils et petit-fils, qui filme une femme énergique et pleine d'esprit.
La voix-off du réalisateur, s'adressant à sa grand-mère, est redoublée par sa voix-in, dans des moments d'une grande douceur.
L'effet de miroir est saisissant. D'un côté, l'héritier d'une virilité conquérante qui a lutté pour ne pas devenir « une gonzesse » aux yeux des autres. De l'autre, une femme de caractère qui a investi avec fracas le pré carré des hommes. Mis dès leur naissance sur des rails qui devaient les mener au bout d'une vie remplie de tabous et de regrets, Stéphane et sa grand-mère ont bifurqué pour se retrouver.
Le dialogue entre ces deux affirmations de soi questionne utilement les genres, dont la rigidité est la cause du sexisme et de son « rejeton » l'homophobie : petite, Caroline, qui sera la deuxième femme à obtenir un permis de conduire à Genève, est privée de lecture car les femmes sont destinées aux tâches ménagères.
Plus tard, on répète à Stéphane que les « pédés » sont le comble de l’infamie.
Madame. L'adresse admirative de Stéphane à sa grand-mère est aussi tendre que son film.
À partir du matériau le plus intime, le réalisateur suisse met en perspective cette somme de préjugés qui nous étouffent tous pour mieux les déconstruire.
Il résulte de ce collage une véritable bouffée d'air frais... voire même deux.