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"Ta dernière année, tu ne prenais plus de photos, nous te proposions alors de consulter un album ensemble, sur le sofa, avec un thé ou un whisky. Je tournais les pages mais tu n'y trouvais plus de réconfort. Les images étaient bien impuissantes à faire revenir ce temps qui filait, te laissant de côté. Tu souriais pour me faire plaisir, mais faiblement, de loin."

Son passage aux  Théâtre des Celestins de Lyon  pour la pièce Retour à Reims, à partir de ce jeudi ( on en reparle vite normalement) met un beau coup de projecteur à l’actrice Irène Jacob, inoubliable prix d’interprétation au Festival de Cannes en 1991 pour son rôle dans « La Double vie de Véronique » du réalisateur polonais Krzysztof Kieslowski.

Actrice si rare sur grand écran, Irène Jacob a récemment publié un premier livre, Big Bang en librairie depuis le 6 novembre. 

Ce premier roman d'Irène Jacob, qui s'ouvre intelligemment par une citation du poète René Char* fait se rencontrer l’immensément grand et l’immensément petit en évoquant la mort de son père, le physicien Maurice Jacob, qui a coiencidé avecla naissance de son deuxième enfant.  Porter les marques du deuil et celle de la vie en même temps, voici le paradoxe que raconter ce profond et touchant Big Bang.

 Maurice Jacob, grand physicien du Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), ici renommé René- à part elle même, tous les membres de son entourage portent un autre prénom pour brouiller joliment les cartes-  avec lequel elle aimait partager ses interrogations sur l’infini.

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" Je me souviens de cette discussion étrange que j'avais eue avec toi, papa, à propos du temps. Tu m'affirmais que la meilleure façon de réfléchir à l'univers était d'abandonner la notion de temps. Je me demandais comment l'imaginer. – En physique quantique, qu'une particule puisse être simultanément dans plusieurs états à la fois, là et pas là, est envisageable"

On pourrait être d'abord un peu effrayé par les apsects et le jargon de physique quantique que l'auteure utilise pour retransmettre ses conversations avec son père, mais (heureusement pour nous), Irène Jacob n'a pas pris la fibre scientifique de son paternel (et d'un de ses frères, Tom, grand scientifique reconnu) et préfère les réflexions métaphysiques et psychologiques intelligentes, loin des équations trop absconses pour les néophytes.

 Essayer de rendre plus concret et tangible l'indicible et l'invisible,  voilà la gageure d'Irène Jacob dans ce livre, exigeant (à l'image de ses choix de comédiennes) dans lequel elle se raconte mais aussi raconte ses proches et surtout sonde le mystère de l'infini les trous noirs encore et ces bras qui, avec amour, nous portent. 

Au détour de formules très joliment troussées, Irène Jacob file habilement la métaphore sur ce monde infini plus grand nous et qui vient ironiquement résonner en ce petit être qu'elle sent naitre au fond d'elle.

A quel point les moments forts que l'on traverse parfois dans sa vie peuvent être reliés à la grandeur du cosmos et  aux mystères de la vie? Que transmet- on à ses enfants et que garde t-on en nous de ce que nous ont transmis ceux qui ous ont porté enfants ?  Est ce que la dépression, qui a touché à la fois son père et sa grand mère paternelle ( qui s'est défenestrée de l'Hopital Psychiatrique où elle était internée) est forcément héréditaire? 

Voilà  notamment à quoi tente- et réussit- de répondre la lumineuse Irène Jacob, dans ce premier roman, à la fois solaire et poignant, qui raconte dans un seul et même élan littéraire les deux pôles d'une vie que sont le deuil et la naissance. 

Big Bang/ : Irène Jacob/Editions : Albin Michel

Parution : 7 novembre 2019
Prix : 18,90 €

*"  Toi qui nais, tu appartiens à l’éclair »