Baz'art  : Des films, des livres...
29 janvier 2020

Sortie DVD - Ne croyez surtout pas que je hurle : Voyage en cinéfolie

NCSPQJH_AFF_BD-1Le film de Frank Beauvais est une béance vertigineuse pour le spectateur. Devant un flot d'images tirées des quelques 400 films qu'il a visionnés pendant 6 mois, à raison de quatre ou cinq par jour, sa voix monocorde raconte le désespoir qui l'a gagné après une rupture.

Elle raconte aussi la colère et la peur d'un homme isolé qui entend les rumeurs de la France de 2016, secouée par les attentats islamistes et les manifestions contre la loi travail, et du monde, inévitablement perçu comme un chaos infernal par un esprit vaincu.

croyze

Inutile de jouer au jeu de la reconnaissance cinéphile avec ce flot de plans choisis précisément pour leur anonymat. Frank Beauvais dispose, fruit d'un travail acharné, d'un corpus d'image neutres et muettes (de nombreux gros plans, des paysages ou des personnages de dos notamment) qu'il revitalise par le montage de celles-ci avec un texte d'une noirceur incandescente.

Les images acquiescent, contredisent, complètent tour à tour les phrases dans un régime d'une vigueur salutaire.

On imagine plein d'effroi un tel film fabriqué avec moins de talent et moins d'adresse. Partout, les mots s'infiltrent dans le creux de ces films anonymes pour signifier la dépression d'un homme et du monde.

Parce que ces plans sont isolés et dépouillés de toute fiction, le spectateur peut lui-aussi, comme le cinéphile malade qu'a été Frank Beauvais, projeter son existence entre eux. Le dispositif fascine par sa capacité à suggérer, les associations d'idées fusant entre les deux niveaux, visuel et textuel.

NCSPQJH HD (5)Prenant le contre-pied du cliché qui voudrait que parler de soi relève de l'arrogance, Chris Marker considérait au contraire que cela participe de la plus grande modestie : « jugez par vous-même, je n'ai que moi à offrir. » disait-il. Partir (et non tourner autour) de soi pour atteindre d'autres sphères et d'autres êtres, c'est tout l'enjeu d'une mise à nu qui se voudrait sincère.

À travers la sienne, Frank Beauvais réussit à se dépasser pour faire résonner des angoisses universelles et développer un propos magistral sur la cinéphilie, vécue à la fois comme un prolongement magique de la vie, capable d'apaiser les pires traumas et un piège, quand le cinéma se substitue à l'existence.

NCSPQJH HD (7)Se livrant à une introspection presque masochiste tant elle est violente, le cinéaste jette un regard dégoûté qui dégrade tout ce sur quoi il porte. La scansion est excessivement lasse et le propos outrancier à force d'être pessimiste.

C'est la dépression qui parle. Ce que clame d'abord Frank Beauvais, et c'est intolérable, c'est l'impossibilité d'être à plusieurs, de l'intime (en amitié, qui sauvera finalement tout, ou en amour) au collectif (dans les luttes politiques).

Oui, intolérable, le tête à tête avec cet homme - lui, nous - seul, pathétique et parfois franchement détestable, l'est parce qu'il descend tout au fond et qu'à travers ses yeux, il est difficile de soutenir du regard cet abîme. Intolérable, a priori, car le canevas qui l'enrobe magnifie la grande douleur qui l'a fait naître. 

 Sortie en DVD le 4 février chez POTEMKINE

 

bonuscroyez

Commentaires
Pour en savoir plus

Webzine crée en 2010, d'abord en solo puis désormais avec une équipe de six rédacteurs selon les périodes. l'objectif reste le même : partager notre passion de la culture sous toutes ses formes : critiques cinéma, littérature, théâtre, concert , expositions, musique, interviews, spectacles.

 

Contact de l'administrateur

Envoyer un mail à l'adresse suivante : philippehugot9@gmail.com 

Visiteurs
Depuis la création 7 558 604
MUSEE DES CONFLUENCES EXPOSITION EPIDEMIES PRENDRE SOIN DU VIVANT

 

MUSEE DES CONFLUENCES EXPOSITION EPIDEMIES PRENDRE SOIN DU VIVANT

(du 12 avril 2024 au 16 février 2025).

Peste, variole, choléra, grippe de 1918, sida et très récemment COVID-19… Depuis des millénaires, les épidémies affectent les sociétés humaines ainsi que les autres espèces animales. Comme une enquête historique, l’exposition revient sur ces événements qui ont bouleversé la vie sur tous les continents.

 

Jazz Day : 24 heures pour célébrer la diversité du jazz

Pour la 11e année consécutive, Jazz à Vienne coordonne la programmation du Jazz Day sur le territoire lyonnais et ses alentours.

Depuis le 36e congrès de l'UNESCO en 2011, à l'initiative d'Herbie Hancock, le 30 avril est une journée de célébration du jazz dans toute sa diversité.

Cette année, la programmation de cette journée compte une quarantaine d'événements festifs et musicaux à Lyon, Vienne, Saint-Etienne, Villefranche-sur-Saône et Bourgoin-Jallieu.

Jazz Day | Jazz à Vienne (jazzavienne.com)