"Je suis né là. Je connais toutes les vitrines à bisous et elles me connaissent toutes. Lors des sorties de la classe populaire, je bonjoure toute la rue. Marko-le-jaloux me chuchote « Klootzak ! » Réaction : tirage automatique de cheveux et lutte de classe. On finit en lacets par terre. Les autres enfants de la classe populaire crient et rient, les maîtresses se follent, Yolanda sort trapper Marko au-dessus de moi. La lutte de classe se fait toujours devant la vitrine de Yolanda. Marko se trompe : Maman ne vend pas des bisous. Maman est seulement une putain de socialiste, dit Camarade Papa."
Après Debout-payé, premier roman au beau succès, chroniques hilarante et profonde qui racontait les aventures douces-amères d’un immigré ivoirien devenu vigile à Paris, Gauz aborde ici un sujet aux ramifications sans doute encore plus complexes.
Le roman raconte en effet la colonisation de la Côte-d’Ivoire par la France au XIXe siècle, tout en l’inscrivant dans une histoire plus moderne dont l’intrigue entraîne le lecteur d’Amsterdam en Afrique. Il problématise le discours colonial et son projet civilisateur.un éloge du métissage pétri de tendresse et d’humour.
Pour écrire ce second roman, l'écrivain s'est glissé dans la peau d'un colon blanc.
On suit Treissy, un jeune français qui quitte sa campagne profonde pour aller –presque par hasard et par gout de l’aventure – en Afrique. Au terme d’un voyage éprouvant il arrivera à Grand-Bassam comptoir colonial français. Là-bas il découvre les us et coutume de la vie à la colonie, mais aussi ceux des habitants de la région dont il apprend la langue. Treissy vivra maintes péripéties qui le mèneront à explorer le territoire de l’actuelle côte-d’ivoire.
Un regard aussi malicieux que singulier qui attire l'attention par l'inventivité de la langue et le regard de son auteur. L'auteur porte un regard particulièrement inédit sur la colonisation, avec comme dans son premier roman une plume aussi colorée qu'explosive ( En classe populaire, lorsque les maîtresses demandent la capitale de la France, je réponds en criant : Commune-de-Paris! » )
Constamment, "Camarade papa" est relayé par une documentation assez dense, nourrie de détails sur la vie à Grand-Bassam lors de la conquête coloniale.
Le regard humain de Gauz fait vivre des personnages tout en couleurs et en contraste et nous montre une vision de la colonisation comme il nous semble ne l'avoir jamais lue.
Camarade Papa, Gauz ( Le Livre de Poche 8/01/2020 )
https://www.livredepoche.com/livre/camarade-papa-9782253259589