Un des films les plus attendus du mois de mars sort ce mercredi en salles : Mathias Malzieu, le chanteur de Dyonisos réalise son second long métrage, et son premier en prise de vue réelles...
On avait beaucoup apprécié le film en projection presse lyonnaise et on avait eu l'occasion de rencontrer le cinéaste- et ses deux comédiens principaux Nicolas Duvauchelle et Marylin Lima pour une discussion à batons rompus autour de son long métrage poétique et féérique.
Voici quelques extraits de cet échange :
Interview de Mathias Malzieu pour le film
"Une sirène à Paris"
Baz'art: Comment on fait pour passer quasi simultanément d'un roman à un film et d'un film à un disque? Ce n'est pas une gymnastique trop compliquée à mettre en place, quand même?
Mathias Malzieu : Vous savez, cette histoire d’amour impossible entre une sirène au chant mortel et un chanteur de rock'n'roll me hante depuis presque cinq ans.
J’en en rêvé si fort que j’ai écrit en même temps le script, le roman et les chansons du personnage principal.
Quand j'écris un roman, et cela a été le cas pour celui ci, je fais tellement d’efforts de visualisation pour me mettre dedans, qu’après, j’écris les chansons du personnage et ensuite j’imagine la musique à l’image et je fais un film comme j'ai envie de voir les personnages.
J’ai écrit les chansons du personnage principal, je me suis mis à sa place. Certaines chansons commencent avant ce qui est raconté dans le livre. C’était hyper passionnant , un peu comme une sorte de jeu de chasse au trésor intime.
Changer de point de vue sur une même histoire en la racontant avec des chansons, avec un livre ou à travers un concert, c’est vraiment quelque chose de passionnant à réaliser.
C’est une expérience qui en tout cas m'apporte énormément sur le plan humain et artistique.
Baz'art : Et le désir d'en faire un film, il arrive à quel moment exactement de ce dispositif très singulier ?
Mathias Malzieu : Quasi en même temps que les deux autres formats : je ressents toujours comme un besoin de visualiser pour écrire mes livres. Du coup, comme je visualise, ça me donne des envies de film.
Concrètement, dans le livre, il y a une scène dans laquelle Gaspard, célibataire moyennement endurci, sert du poisson pané surgelé à cette sirène qui trône dans sa baignoire. Elle l’accepte par politesse, alors que c’est infâme.
Ce genre de séquences m'arrive un peu comme un flash et c'est la première que j'ai visualisé et qui m'a donné envie d'en faire un long métrage de cinéma, et en prise de vue réelles ce coup ci.
L'ensemble de ses flashs forment le film. C'est une suite de proposition issu de mon imagination que je livre aux lecteurs du roman, celle que j'ai visualisé dans mon esprit, à eux de voir s'ils l'acceptent ou pas ..
Baz'art : Tout s'embrique parfaitement alors?
Mathias Malzieu : Je ne dirais pas tout à fait cela ( sourires) , car, niveau logistique, surtout quand le cinéma s'en mèle, c'est bien plus difficile à gérer , j'avoue que c'est un boulot qui est un peu moins stimulant à réaliser, mais aussi un passage obligé hélas.
Quand il faut organiser les choses, ça devient un gros bordel logistique entre la promotion du livre, la tournée, le début du tournage et ça, c'est quand même la partie la plus pénible du truc .
Baz'art : Qu'est-qui est, au tout début, le point de départ à l'origine de cette histoire totalement poétique?
Mathias Malzieu : Le vrai point de départ de cette histoire, c'est incontestablement mes histoires d'amour douloureuses. Si j'ai réussi à surmonter ces histoires de rupture, c'est grâce à la musique et mon imagination .
J'aime à dire que je suis une sorte de "rêveur de combat", m'évertuer à mettre un peu de reve dans la réalité pour enchanter le quotidien.
Tout est métaphoriquement autobiographique, si je peux dire avec collé au basque ce désir de mettre un peu de magie et d'enchantement dans le quotidien. Comme je le dis parfois, pPlanter des petites lumieres dans le noir ca sert à rien mais c’est beau, non? ( rires)
Gaspard Snow, le personnage de mon film, a eu le cœur brisé, il a perdu sa grand-mère, il est dans un double deuil. Il ne sait plus trop où se positionner, son identité est en question et il se retrouve devant cette nana extrêmement désirable, alors qu’il ne croyait plus au grand amour
Cette sirène et cette histoire de deuil amoureux, de deuil dans l’absolu, et de cette fille trop désirable et dangereuse qu’on rencontre trop tôt, c’est une histoire très universelle et qui soulève tout un tas de questions que je trouve passionnantes, à savoir ce que l'on fait de nos deuils, nos fantômes, ou bien comment on recommence une histoire d'amour alors qu'on se croit totalement immunisé par les aléas du coeur ?
Baz'art : Et donner un peu de merveilleux dans un Paris ravagé, c'était important pour vous aussi?
Mathias Malzieu : Oui, tout à fait, j'ai eu comme une envie de créer tout un monde autour des pdans un Paris qui souffrait d'un contexte post-attentat douloureux. ersonnages et de doser à ma manière réalisme et merveilleux .
J'aime ce mélange entre contes de fée et le réalisme magique et cette histoire était un formidable matériau pour arriver à cette distorsion du réel qui me plait autant
Je trouvais finalement assez cohérent dans l’esprit de voir débarquer dans un Paris en cru une sirène au milieu des silures éventrés sur la chaussée, de mettre une forme de réalisme magique dans ce Paris qui avait une dimension un peu surréelle.
Baz'art: Comment expliquez vous ce désir de toucher à tous les médiums possibles ( musique, cinéma, littérature, photo) mais pour créer au bout du compte cet univers qui n'appartient qu'à vous?
Mathias Malzieu : Disons que ces arts différents participent à des façons de faire qui me permettent de faire ce que j'aime le plus au monde, ce petit pas de côté par rapport à la réalité et à la norme, ce besoin et cette nécessité de regarder les choses un peu différemment des autres .
Quand on réalise un long métrage, on dirige des acteurs, certes, mais on doit aussi choisir la position des caméras. Changer d’angle de vue, changer de point de vue.
Tout cela m’oblige à l’honnêteté parce que je me mets en difficulté. C’est bien le savoir-faire, c’est de l’expérience, mais ça doit forcément se mélanger avec autre chose de moins rodé pour que cela donne quelque chose d'interessant je trouve .
J'ai toujours en moi un coté savant fou qui travaille dans son atelier, c'est comme cela que je perçois la création artistique en tout cas.
Je sors de ma zone de confort en permanence et j'ai vraiment besoin de cela..
Je n'ai jamais voulu maitriser totalement quelque chose, même la musique qui est mon domaine de prédilection, cela ne m'interesse pas si je l'exerce en vrai professionnel, de façon un peu automatique, j'ai besoin de m'amuser continuellement et d'aller du côté de ce que je ne maitrise pas vraiment .
Baz'art: Un mot sur le choix du casting, assez à contre emploi , notamment pour Nicolas Duvauchelle, s'est fait naturellement?
Mathias Malzieu : A part pour Rossy De Palma pour qui j'ai eu un vrai coup de coeur lorsqu'elle a fait la voix d'un des personnages dans "Jack et la mécanique du coeur" et avec qui je voulais absolument retravailler, ceux qui jouent dans mon film n'était pas forcément les comédiens qui étaient prévus au départ, ( NDLR: étaient préssentis au début du projet Reda Kateb, Clémence Poésy, Virginie Ledoyen,et Éric Cantona ).
Mais je dois admettre que tous ceux qui sont là avaient vraiment envie de faire le film et à l'arrivée, je les trouve vraiment géniaux et correspondant tout à fait avec l'idée que je me faisais des personnages sur le papier.
Nicolas Duvauchelle est un acteur qui m'a toujours beaucoup ému, et là, il m'a très vite fait part de son envie de montrer un côté plus lumineux et ludique que ceux qu'il avait dans ses rôles précédents.
Son énergie brute, cette tendresse d'écorché vif le rendent si attachant et je trouve qu'il est vraiment le personnagetel que je me le représentais.
Quant à Marilyn Lima qui joue la sirène, et que j'avais découvert dans "Bang Gang, une histoire d'amour " d'Eva Husson, ses très grands yeux donnent à sa beauté une forme d’étrangeté, une fragilité et une hypersensibilité qui font terriblement écho au personnage.
Les deux comédiens ont accepté en plus de chanter en live, cela contribue à renforcer l'incarnation des personnages et ce fut un très beau cadeau.
Propos recueillis le 25 février 2020 à Lyon
UNE SIRENE A PARIS Un film de Mathias Malzieu Avec Nicolas Duvauchelle, Marilyn Lima, Rossy de Palma - en salles ce mercredi 11 mars