" Une vague compassionnelle a relié nos coeurs et nos écrans. Dans notre immense majorité ,nous pensions en rester là."
Connaissez vous la collapsologie, ce courant de pensée qui prédit l'effondrement de notre civilisation?
Ce phénomène qui fait cruellement écho à notre actualité du moment est au centre du roman "Après le monde" de l'auteure, venue de Suisse, Antoinette Rychner.
Dans cette dystopiepost-apocalyptique particulièrement sombre et dense, Antoinette Rychner situe son intrigue se déroule en 2023, dans un monde en plein effondrement .
Un monde qui a subi nombreux dérégléments climatiques et autres catastrophes écologiques, survenues d'abord en Californie , puis dans le reste du monde, dans un effet jeu de domino dont la brutalité et radicalité interpellent forcément aujourd'hui.
Dans cet espace devenu un lieu d’errance et de perdition, où l'on ne trouve plus aucune nourriture, d'hôpitaux, de la moindre ressource énergétique, et plus aucune institutions politique et judiciaires, un petit groupe- composé en grande majorité de femmes- cherche le retour à de véritables alternatives et solidarités locales afin de trouver un moyen de vivre et de se réinventer dans ce monde d’après.
On suit notamment le parcours de deux de ces femmes qui se vont transmettre les histoires d'avant; afin que survive la mémoire des ces belles et insouciantes années.
Ce texte qui fait penser à la Route de Cormac Mc Carty, à "Station Eleven " d'Emily Mandel ou plus récemment au dernier roman de Sandrine Colette, trouve un écho particulièrement douloureux à la psychose qui nous embrase actuellement depuis cette pandemie du coronavirus.
On a certes souvent tendance à trouver des accents prophétiques à tout ce qu'on lit ou voit en temps de crise, mais pour le coup ce roman d'Antoinette Rychner est particulièrement a propos.
Le sujet est plus qu’actuel et ceux qui auront envie de se changer les idées après s'être ingurgité des tonnes de journaux télévisés aux nouvelles les plus anxiogènes les unes que les autres prendront soin d' éviter cette lecture, mais les autres qui seront touchés par ce propos dénoncant largement les dérives du monde capitaliste.
"Nous qui, au confort standardisé des hôtels, privilégiions les hébergements classés « insolites » tels que nuit sur la paille, en tipi ou en cabane sylvestre, nous qui suivions des formations continues et nous inscrivions à des ateliers en tout genre : yoga, bien sûr, mais aussi biodynamie appliquée au jardin. Nous qui inscrivions nos enfants à des stages d’éveil musical, d’écriture ou de danse conçus pour eux, les portions jusqu’à leurs 15 kg dans des porte-bébés ergonomiques et les emmenions voir des expositions sur la question du genre destinées aux sept à douze ans. Nous qui nous abonnions à des livraisons de paniers bio et adhérions à la philosophie du zéro emballage – même si, pour les consommables tels qu’ampoules, cartouches d’encre ou sel pour lave-vaisselle, nous cédions à la commodité des grandes surfaces-, nous qui participions à des marches anti-énergies fossiles tout en brûlant force combustible pour relier habitat et lieux de travail, loisirs et quotidien, ville et campagne."
Les adeptes de collapsologie et tous ceux qui estiment que le système économique mondial va s'écrouler rapidement aimeront forcément cette réflexion profonde et pleine d'acuité sur cette façon singulière et audacieuse d'envisager notre rapport au monde et aux êtres vivants qui peuplent la terre.
Le récit de Rychner prend rapidement une tournure qui se veut comme un hymne à la résistance féminine et à la puissance du langage, aussi bien à l'écrit mais également par le biais de l'oralité; les seules armes qui pourront peut- être sauver notre espèce en totale perdition .
Un roman uppercut d'Antoinette Rychner qui ne contribuera pas forcément à réduire notre niveau élévé d’anxiété du moment, mais qui mérite à coup sur d'être conseillé.
Après le monde – Antoinette Rychner;Éditions Buchet-Chastel ; 3 janvier 2020