Cinéma :on n'oubliera pas de sitôt la vibrante Benni de Nora Fingscheidt !
Si, en France, on ne connaît pas forcément le terme de "System crasher », ou de son équivalent français, il est régulièrement utilisé dans certains pays, comme en Allemagne, pour qualifier des enfants que la société n'arrive pas à gérer du fait de leur violence souvent incontrôlable.
La petite Benni, héroïne du long métrage choc de Nora Fingscheidt- dont le titre original est justement "Systemsprenger" est beaucoup plus précis dynamiteur de système. »- illustre parfaitement le concept : il faut dire qu'à neuf ans à peine, elle a déjà épuisé un certain nombre de familles d'accueils.
Elle a sans doute encore plus épuisé sa propre mère qui ne sait du tout comment la gérer, du fait d'une violence intérieure qu'elle ne sait juguler et qui est prête à exploser dès la moindre contrariété .
De crises violentes en soudaines explosions de rages, la destinée de Benni , en carence affective évidente, semble vouée à l'impasse.
Heureusement, Micha, jeune éducateur anticonformiste pourrait, qui sait, devenir la figure de substitution recherchée par Benni et également la solution pour tenter de l'amadouer et dompter l'indomptable.
Le film de Nora Fingscheidt présenté à Berlin l'an passé avec un beau succès n'est pas toujours confortable à regarder. sa caméra n'élude pas la violence parfois radicale des crises de sa jeune personnage principale , et son film sur cet enfant souffrant de graves crises de comportement n'est pas sans rappeler le "Mommy" de Xavier Dolan ou la "Tête Haute" d'Emmanuel Bercot, mais en sensiblement plus rugueux et plus âpre.
Il faut dire que la mise en scène, toute en tension et en énergie de Nora Fingscheidt, est constamment à la hauteur de Benni et nous la montre comme une bombe à retardement prête à exploser tant et si bien que même les moments d'apparente sérénité ne nous soulagent pas vraiment.
Sans cesse en mouvement, la caméra de Nora Fingscheidt touche la corde sensible du spectateur. La réalisatrice n'oublie pas pour autant de soigner ses situations et ses personnages et évite, comme c'est parfois le cas dans ce genre de chroniques sociales sur l'enfance à la dérive, les caricatures dans les personnages qui l'entoure, notamment ceux des travailleurs sociaux, ici restitués avec énormément de justesse et d'humanité, même dans leurs contradictions apparentes.
Ce système qui ne sait pas comment gérer les électrons libres est décrit avec pas mal de finesse et de véracité, et la cinéaste allemande ne cherche pas à caricaturer ni à adoucir le contexte..
Et tous les personnages, de la mère maladroite et désemparée à la directrice du foyer ont leurs raisons et ne sont pas jugés par la réalisatrice.
Mais évidemment, la réussite du film ne serait pas ce qu'elle est sans le personnage éponyme, à qui la jeune Helena Zengel prête son intensité et son naturel vraiment confondant qui crève assurément l'écran.
Impossible, parfois insupportable, cet "enfant sauvage" chère à Truffaut, si impossible à domestiquer, arrive pourtant à susciter pas mal d'empathie de la part du spectateur, qui pendant deux heures, parvient à en comprendre le psyché.
Et sa rencontre avec son nouvel éducateur - Albrecht Schuch au jeu très nuancé- offre au spectateur ému par cette destinée, quelques très belles scènes dans une forêt qui semble à la fois la porte de sortie et le tombeau de la jeune fille.
Sans manichéisme aucun et sans plus deconcession ni de pathos, Nora Fingscheidt nous livre une oeuvre qui n'est pas la plus accessible des films de l'après confinement mais qui mérite largement la vision tant Benni- le film et sa singulière héroïne- restera longtemps gravée dans les mémoires !
Le film devait sortir le 18 mars juste après le confinement et sera de fait visible dès le 22 juin dans les salles de cinéma
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