« Helen Scott évoque rarement son passé dans sa correspondance avec François Truffaut. Ici ou là, quelques informations dispersée et fragmentées, des détails parfois piquants, mais rien de consistant. Á peine apprend-on qu’elle a été une militante politique radicale et qu’elle a été placée sur la liste noire dans les années 50, à l’époque du maccarthysme. Cela m’a donné envie d’en savoir plus sur elle et sur sa famille. Pourquoi écrivit-elle toutes ses lettres à Truffaut dans un si bon français ? Où avait-elle appris notre langue et dans quelles circonstances ? Quelles étaient ses origines familiales ? Autant de questions qui nécessitaient de mener une enquête en interrogeant ceux qui l’ont connue, et de consulter des archives. Cela m’était indispensable pour faire son portrait, et retracer le parcours de sa vie. “
Il est parfois des admirations qui nous dépassent. Pourquoi un film vu à l’âge de 14 me bouleverse encore. Pourquoi la course finale vers la mer et le regard caméra de Jean-Pierre Léaud/ Antoine Doinel ont marqué des générations des cinéphile. J’ai vu plusieurs fois les films de Truffaut et lu, je crois, à peu près tout la littérature qui lui a été consacrée.
Après la formidable biographie d’Antoine de Baecque et Serge Toubiana parue chez Gallimard et surtout la lecture de sa monumentale correspondance parue chez Hatier en 1988, un personnage m’avait frappé, une figure importante, une femme de l’ombre, une femme amoureuse. Helen Scott, une femme malheureuse car amoureuse d’un homme amoureux de toutes les femmes. J’aurais tant aimé en savoir plus sur elle.
Et voilà comme un cadeau, moi lecteur, je viens de lire le livre dont j’ai toujours rêvé – chose assez rare pour être signalée.
Helen Scott est vrai personnage de roman : américaine, Issue d’une famille juive russe, parfaitement bilingue, francophile, elle fut la parfaite ambassadrice du cinéma français et de la nouvelle vague en particulier.
Pugnace attachée de presse pour le French Film Office de Manhattan c’est elle qui fit connaitre Truffaut, Godard, Resnais, Chabrol et tout le cinéma européen qui comptait dans les années 60 et 70. Elle fut aussi l’indispensable et merveilleuse cheville ouvrière du non moins indispensable et merveilleux recueil d’entretiens Hitchcock/Truffaut.
Mais elle fut tellement d’autres choses avant, syndicaliste, résistante active durant la deuxième guerre mondiale, amie d’Eleanor Roosevelt, elle répond à l’appel du général De Gaulle et s’embarque pour le Congo et travaille à la radio de la France Libre, on la retrouve journaliste couvrant le procès des Nazis à Nuremberg en 1945, militante communiste... peut-être espionne pour la Russie Soviétique…
Helen Scott née à Brooklyn en 1915 et morte à Paris en 1987, méritait vraiment un livre, merci Serge Toubiana.
L’amie américaine ; Serge Toubiana Editions Stock, 4 mars 2020