Baz'art : Vous avez dévoilé une grande partie de la programmation de l'édition 2021 le 6 avril dernier. Est-ce que ,depuis cette date, vous vous sentez plus libéré en vous disant qu'après pas mal d'incertitudes, c'est définitivement acté, et que, forcément,  le festival aura lieu, coute que coute? 

Benjamin Tanguy : Coute que coute, on ne peut en être évidemment pas à 100% certain: on sait bien que, depuis plus d'un an désormais,  c'est la situation sanitaire qui donne le la et qu'il peut très bien avoir de nouveau une situation incontrôlable qui envoie valser toutes nos prévisions et notre bel optimisme. 

Mais il est indéniable que l'annonce de la programmation,  le 6 avril dernier, nous a donné l'énergie et une base un peu plus concrète qui nous faisaient un peu défaut jusqu'à présent.

Il faut se dire que cette édition 2021,  on y bosse en fait depuis plus d'un an et demi, puisque celle de 2020 a été annulée alors qu'on avait travaillé dessus comme des damnés.  

Cette période d'un an et demi de flottement nous a semblé très longue,  avec parfois des vrais "coups de mous", de vrais trous noirs. Je pense notamment au mois de mars dernier, où la situation devenait vraiment trop floue pour pouvoir annoncer le programme comme on l'avait prévu au départ .

Baz'art : Mais pourquoi était-ce si important que cette annonce puisse avoir lieu en ce début avril alors même que les autres festivals, comme celui de Fourvière n'ont pas encore annoncé leurs soirées?

Benjamin Tanguy : Vous savez,  on a plus de 400 personnes  qui travaillent chaque jour pendant la quinzaine du festival pour son bon déroulement.

Et plus globalement, c'est tout un écosystème œuvrant autour du festival qui aura été profondément bouleversé l'an dernier, il fallait penser à les rassurer le plus rapidement possible et leur témoigner notre soutien le plus vif. 

 Il  fallait donc qu'on ait en notre possession des éléments précis pour bien montrer qu'on était là et rendre notre confiance à tous les partenaires qui s'impliquent dans le festival.

On a dû aller vers encore plus de combat pour organiser ce festival, et le 6 avril en effet,  juste après l'annonce de cette programmation quasi complète, on  a ressenti comme une vraie libération , à cause de tout le contexte que je viens de vous présenter. 

 Baz'art :  Il me semble quand même que le plus important pour vous, c'était de sécuriser la programmation du théâtre antique; le reste (le  jardin Cybèle, les partenariats avec les partenaires locaux., la restauration ...) étant encore plus difficiles à envisager de façon concrète, non?

Benjamin Tanguy : Oui tout à fait, il fallait vraiment en premier lieu qu'on cadenasse la programmation du théâtre antique. 

Pour le reste, le  Jardin de Cybèle, le Club de Minuit, les lieux festifs de restauration et de consommation de bières ou de vin, on ne possède pas à ce jour  tous les tenants et aboutissants...

On ne peut encore pouvoir dire si on pourra les maintenir, on attend de voir ou en sera la situation mais ce qui est presque certain c'est qu'il y a aura bien un festival Jazz à Vienne cette année qui commencera le 23 juin ..

    Baz'art :  Par rapport à certains festivals qui ont annoncé leurs annulations en rafale depuis plusieurs semaines, vous avez donc opté pour  le choix inverse... Qu'est qui a motivé le maintien de Jazz à Vienne pour  2021? ...

Benjamin Tanguy : Disons que les conditions sanitaires tels que Roseline Bachelot les a annoncées en mars dernier ont fait en sorte que dans notre configuration actuelle, on puisse accueillir le public.

On a, par rapport à d'autres festivals,  la chance d'avoir un lieu, le théâtre antique, dont la jauge est au départ de 7500 places, et qui, avec les règles de distanciation sociale, peut être ramené à une jauge de moins 30%, soit 4000 spectateurs, soit moins que les 5000 requis.

Baz'art : On imagine aussi que la question de la distanciation a du être prédominante dans vos prévisions,  non?

Benjamin Tanguy : Oui bien sûr... Comme dans beaucoup de festivals, les gens viennent rarement seuls. Ils sont en couple, en famille, avec des amis. La distance s’impose donc entre groupes, on a ainsi calculé que ça nous ferait baisser la jauge de 30%.

Et pour conserver la distanciation sociale, la file à l’entrée du théâtre antique sera organisée en mode" serpentin".

,Mais quand on y pense, toutes ces contraintes ne sont finalement pas grand-chose par rapport à l'envie du public et de celles des artistes de se retrouver et de retrouver aussi cette communion si particulière que seul un festival de musique permet.

Et puis entre notre programmation et notre publics de fidèle, on sait que la configuration en place assise exigée par le gouvernement pouvait aussi se mettre en place. 

On pouvait mettre en place une programmation qui ne souffrait pas trop de l'obligation d'avoir un public exclusivement assis...

Évidemment, sur les précédentes éditions, on a pu se rendre compte que c'était beau de voir le public en énergie, en communion avec l'artiste et de les voir se lever comme un seul et même homme.

Mais en même temps,  le théâtre est tout aussi sublime quand il est très proche de l'acoustique et on sent un public limite méditatif, collé à son siège.

Bref, je pense que cette année on aura des concerts qui gagneront encore en puissance, porté par ce contexte-là. 

 Baz'art : Mais il y a quand même eu des concerts que vous avez dû annuler en raison de cette nouvelle configuration, non?

Benjamin Tanguy : Oui, il y a des spectacles, comme ceux de Massive Attack notamment, qu'on a été obligé d'annuler et de reporter certainement à l'édition 2022, car ce n'était pas assez rentable de les proposer dans une jauge de 4000 places.

Il y a aussi des artistes comme Nas ou Jill Scott qu'on avait prévu sur l'édition 2020 et qui ne faisaient aucune tournée cette année. 

Mais sincèrement,  on a quand même réussi à élaborer une programmation assez exceptionnelle, avec notamment certains artistes  qui proposent que très peu de dates cet été en France ou en Europe, je pense à Jamie Cullum ou Marcus Miller ..  

   Baz'art : On note aussi, de manière assez paradoxale,  que cette 40ème édition de Jazz à Vienne s’annonce aussi comme la plus longue édition jamais organisée par le festival depuis sa création . Cette longueur exceptionnelle, c'est parce que c'était la 40 édition ou c'était plutôt parce qu'il fallait trouver un moyen de rentabliser certains spectacles en doublant quelques soirées, comme vous le faites pour Marcus Miller ou Ibrahim Maalouf? 

 Benjamin Tanguy : C’est en effet la plus longue édition parce que ce sont les 40 ans de Jazz à Vienne.  L’an dernier nous avons dû faire le deuil de cet anniversaire ô combien symbolique, c'était un vrai crève coeur, au risque de me répéter. 

 Le festival commencera  ainsi dès le 23 juin prochain avec deux très belles têtes d'affiche, Jamie Cullum et Anne Paceo. Jamie Cullum,  on est particulièrement fiers car il a annulé presque toute sa tournée 2021 mais il nous avait fait la promesse d'être présent à Vienne pour nos 40 ans car il entretient une vraie relation particulière avec ce festival et il l'a toujours tenu.

 Marcus Miller se produit également très peu  cet été et uniquement en France et en Suisse pour quelques  très rares concerts et Vienne fait partie de ce choix, on est en également très fiers.

Pour lui comme pour  Ibrahim Maalouf, en effet, comme vous le soulignez,  on a pris le parti de dédoubler leurs soirées car ce sont des artistes qui font complet quand ils viennent donc c'était bien plus intéressant de leur proposer de se produire deux fois, avec à chaque fois des premières parties et même un répertoire différent.

Pour les artistes c'est assez stimulant et pour le public qui peut assister aux deux soirées, ça l'est tout autant !

 Baz'art : Jamie Cullum, Ibrahim Maalouf, Marcus Miller, donc, mais aussi Salif Keita, Lianne La Havas, Roberto Fonseca, Imany, Keziah Jones, Brad Meldhau, Paul Personne, Erik Truffaz,  ou encore Kyle Eastwood : votre programmation est quand même cette année truffée de nom de stars qui sont déjà venus plusieurs fois, sans doute un peu au détriment de jeunes talents immergeants.  Est- ce en premier lieu lié à la volonté de proposer une sorte de best of pour les 40 ans ou pour sécuriser la venue du public dans un contexte particulier avec des valeurs sures? 

 Benjamin Tanguy : Il y a sans doute peu des deux :  on a évidemment voulu célébrer notre 40eme édition avec tous les grand noms de l’histoire de jazz à vienne. 

C'était important que Jamie Cullum, Marcus Miller et les autres que vous citez soient présents pour cet anniversaire. Ces artistes,  hormis Paul Personne, qui aussi étonnant que cela puisse paraitre, n'était encore jamais venu à Vienne, ont arpenté à plusieurs reprises la scène du théâtre antique depuis sa création en 1980. 

Comme vous le dites, si on veut élargir le public à notre cercle de fidèles et passionnés de jazz, il est important de leur proposer des grands noms mais dans une configuration souvent inédite et originale pour éviter justement le déjà vu. 

 Dans notre programmation,  on a prévu trois soirées hommages  assez hors du commun à des artistes incroyables comme Michel Petrucciani, Randy Weston et Rachid Taha , et par ailleurs, cette année, on a voulu faire quelque chose d’inédit avec  huit « cartes blanches » confiées à des artistes qu’on aime tant.

 Alors certes, on a programmé  sans doute un certain nombre d' artistes qui sont médiatisés ou qui ont une actualité discographique qui fait qu'on parle un peu plus d'eux, je pense à Imani ou Ayo qui sortent un nouvel album cette année..

Mais ce qui est aussi évident, c’est qu'il y aura également  pas mal de noms de la nouvelle génération.

Je pense à une artiste comme  Arlo Parks notamment qui n'a même pas trente ans et qui explose en ce moment on est très contents de l’avoir.

  Baz'art : Un dernier mot sur cette programmation. On n'oublie pas que le 6 avril, , vous avez annoncé seulement 14 dates sur 18,  car  sur les 4 dernières,  certains artistes étaient visiblement encore en négociations. Quand est-ce que ces 4 soirées restantes seront  enfin dévoilées au public?

Benjamin Tanguy : Quatorze soirées ont été annoncées, car en effet les négociations n’avaient pas encore totalement débouché avec les artistes pressentis pour les soirées des 24 et 26 juin et des 3 et 8 juillet.

Je vous donne donc un petit scoop pour les lecteurs de Baz'art : tout est désormais définitivement validé et, dès ce mardi 27 avril, on pourra enfin donner les noms des artistes présents dans ces 4 soirées,  ainsi que les invités présents à la  grande soirée One shot not de Manu Katché ... 

Vous verrez ,  ce sont  encore des artistes exceptionnels qui vont eux aussi contribuer à faire de cette édition 40 ans “Jazz à Vienne”une édition unique en tous genres, et en premier lieu pour des bonnes raisons, c'est à dire des raisons artistiques avant tout !

Car je ne cesse de le répéter  à qui veut l'entendre : Jazz à Vienne est un festival de musique autant intergénérationnel qu'un festival de transmissions pour les novices et pour les passionnés.

Cela l'a toujours été et le sera tout autant cette année que lors des précédentes éditions, Covid ou pas Covid !

Baz'art : Cela,  on n'en doute pas une seule seconde, bon alors, on va suivre cette annonce avec grande attention, merci Benjamin et croisons les doigts pour que cette 40eme édition soit encore plus belle que les 39 autres!.

    Le programme se trouve ici : https://www.jazzavienne.com/fr