Nouveauté Poches/ Littérature étrangère
Après notre sélection de poches de la rentrée littéraire la semaine passée, on vous fait en ce mardi conseil ( le pendant du vendredi lecture sur les réseaux sociaux) un petit focus spécial romans anglo saxons avec trois excellents romans que l'on peut retrouver depuis quelques jours ou quelques semaines en poche.
ON finit par un immense coup de coeur pour un immense auteur, Ian Mc Evan :
1.Barbara Kingslover ; des vies à découvert (Rivages Poche)
"On croît ou on meurt, c'est la loi de notre économie, Tiggo. Incontournable. C'est comme la loi de Darwin, ce sont les plus forts qui survivent.
- Sauf que ta loi est une invention, et pas les lois naturelles. Ce qui est incontournable, c'est qu'il n'y a plus de place pour la croissance."
Voici un roman qui concorde parfaitement avec le contexte pré élections et fin de l'ère trumpienne que nous avons connu ces derniers jours.
Entre fresque politique et belle densité romanesque, le dernier roman d'une Barbara Kingslover particulièrement inspirée dresse un tableau sans concession d'une Amérique en proie à ses démons et à ses éternelles contradictions.
Construit sur deux fils séparés par 150 ans, l'intrigue se déroule à Vineland, New Jersey, dans la même maison, les deux fois au bord de l’effondrement.
Quel est le lien entre Willa Knox, mère de famille WASP de la classe moyenne, qui subit de plein fouet la crise économique dans une Amérique qui s'apprête à élire Donald Trump et cette Thatcher Greenwood, professeur de sciences qui, en 1871 doit batailler ferme face à une société très conservatrice à part cette maison à la beauté délabrée, vouée à la démolition.?
Mais , à pourtant 150 ans d'éloignement , ces deux femmes et ces deux familles sont -elles si éloignées que cela ?
Des vies à découvert utilise le principe du récit à miroir, un procédé qui est parfois vain mais qui ici montre très rapidement sa grande pertinence.
La romancière fait alterner avec un grand brio un récit contemporain sur cet écroulement du rêve américain, qui a abouti à l'arrivée du milliardaire à la Maison-Blanche il y a quatre ans et un récit situé à la fin du XIXè siècle, avec une femme scientifique proche des théories de Darwin, permettant de bien appréhender la condition des femmes à cette époque où les thèses créationnistes prévalaient largement...Un roman d'une grande force!
"Des vies à découvert" - Barbara Kingsolver - Rivages poches- (traduit de l'anglais/Etats-Unis par Martine Aubert - Titre original : Unsheltered)
.2. Faiseurs d'histoire; Dina Nayeri( 10 /18)
"Il ne serait jamais venu à l'idée de ma mère de remettre en cause ces distinctions enracinées dans 'esprit de sgens. Etions nous de vrais réfugiés? Elle balayait la question en racontant notre histoire: elle avait failli être assassinée par le régime alors qu'elle n'aurait pas du avoir à affronter les préjugés des autres "
Née iranienne, mais naturalisée américaine, le pays qui l'a accueilli voilà désormais trente ans, Dina Nayeri est née en Iran en 1979.
Elle a 10 ans lorsqu’elle arrive aux États-Unis avec sa mère et son frère.
Dans faiseurs d'histoires, elle raconte son propre récit personnel à ceux d'autres migrants dont elle a recueilli le témoignage, notamment dans des centres humanitaires en Europe.
De l’Iran à l’Oklahoma en passant par Dubaï et l’Italie, l’auteure a elle-même vécu ce périple il y a trente ans.
Elle entremêle ainsi joliment ses souvenirs personnels et les récits de déracinés d'aujourd'hui forment une mosaique littéraire pleine de profondeur et d'humanité à des destins à la fois tous uniques et universels
En cinq parties distinctes – "La fuite," Les camps, "L’asile", "L’assimilation" et "Le rapatriement culturel," elle décrit ce périple long et périlleux que connait les réfugiés qui n’a rien d’un voyage d'agrément .
Elle pose la question de la différence entre migrants, réfugiés, clandestins
Elle a aussi l'audace de placer l’Occident face à ses contradictions .
Son texte à la fois touchant et un peu dérangeant nous montre comment un réfugié qui a trouvé sa place peut s'ériger en juge envers d'autes migrants récents.
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Imaginez que vous ayez la possibilité de programmer votre amoureux-se comme vous le souhaitez, n’auriez vous pas la tentation de le-la régler à votre image ? C’est une question que se pose Charlie, 32 ans, habitant la banlieue londonienne, le jour où il acquiert Adam, Androïde viable à la pointe de l’intelligence artificielle et à l’apparence physique humaine dans Une machine comme moi ?
Charlie est amoureux de Miranda, sa voisine du dessus et lui propose d’apporter sa contribution à la personnalité d’Adam comme s’il créait quelqu’un ensemble. Voilà leurs histoires mêlées à jamais.
Plutôt que situer son intrigue dans un futur plus ou moins proche, Ian Mc Ewan la date en 1982 s’amusant à brouiller les pistes : les Beatles se reforment après 10 ans de séparation, l’opposant à Margaret Thatcher est Tony Benn, Georges Marchais est le président français, les anglais ont perdu la guerre des Malouines et le chercheur Alan Turing est toujours vivant.
C’est d’ailleurs grâce à lui que les avancées technologiques ont fait un bond : les voitures autonomes dépendant de satellites sont devenues courantes, des robots remplacent les éboueurs (et montrent vite leurs limites).
Pourquoi on a aimé Une machine comme moi ?
Mon premier plaisir de lecture a donc été de découvrir le monde imaginé par l’auteur, monde qui, à quelques détails près, ressemble beaucoup à celui dans lequel nous vivons, un peu à la manière de la série Years and Years.
Si Une machine comme moi avait été une réflexion sur la place de plus en plus importante des robots et sur les conséquences de l’intelligence artificielle sur la société, le roman aurait pu être vite ennuyeux.
Le talent de l’écrivain est de mêler la technologie la plus avancée avec la préoccupation la plus ancienne du monde : l’amour ! Alors que la relation entre Charlie et Miranda évolue, Charlie se pose vite une question éternelle : m’aime-t-elle ? m’aime-t-elle comme je l’aime ? m’aime-t-elle autant que moi ? (oui ça fait 3 questions ).
L’écrivain instille, en outre, une double tension dans son récit, tension liée à la fois à l’évolution d’Adam qui s’avère moins obéissant que prévu et au secret de Miranda qui marque un véritable tournant dans leur histoire.
Non seulement Ian McEwan manie parfaitement l’humour noir mais il dresse un tableau de la société et de ses enjeux économiques, écologiques et politiques sans jamais se départir de son sens du romanesque.
La lecture d’Une machine comme moi est peut-être parfois un peu exigeante mais ce roman confirme que Ian McEwan est un très grand auteur.
Merci aussi à sa fabuleuse traductrice France Camus-Pichon.