Nouveauté poche: Je vous écris dans le noir, en version collector pour les fêtes
« Ce n’est pas tous les jours, même dans le monde de la Justice, qu’une jeune fille de vingt et un ans est jugée pour avoir tué son ex-fiancé à bout portant. C’est ainsi que mon crime fut énoncé. »
Pour ceux qui n'auront pas lu la petite femme de Philippe Jaenda, c'est sous la plume de Jean-Luc Seigle que j’ai fait connaissance avec cette Pauline Dubuisson qui a vraiment connu une destinée incroyable, échappant par deux fois à la peine de mort pour deux chefs d’accusations différentes, à quelques années d’intervalle.
Fille de militaire dont deux de ses frères furent mort pendant la guerre, la jeune fille a été tondue en place publique à tout juste 16 ans pendant la Libération, puis victime d’un viol collectif et condamnée au peloton d’exécution, pour avoir couché avec un médecin allemand de l’hôpital de Dunkerque. Sauvée par son père colonel, elle rencontre Félix Bailly à la faculté de médecine de Lille, qu’elle tuera de trois coups de revolver, crime passionnel dû à leur histoire d’amour particulièrement cahotique.
Arrêtée et jugée, elle échappe à la peine de mort pourtant réclamée avec passion par le procureur, et est condamnée à la perpétuité en 1953, et son père qui ne se remet pas de l’arrestation de sa fille, se suicide.
Si Pauline échappe une nouvelle fois au jugement annoncé, et elle est libérée six ans plus tard pour bonne conduite, elle ne se remettra jamais totalement de tous ces faits qui ont brisé sa vie et s’en ira vivre au Maroc pour se faire définitivement oublié.
Si cette partie de sa vie n’est connue par personne, l’auteur Jean Luc Seigle, et c’est évidemment la liberté et l’audace de tout grand romancier qu'il est, décide d’imaginer cette vie au Maroc et une nouvelle histoire d’amour avec un certain Jean à qui elle dissimule tout d’abord sa véritable identité
En choisissant Pauline comme narratrice, en lui laissant la parole comme elle ne l’a sans doute jamais eue, Jean-Luc Seigle décédé l'an passé brutalement nous montre que son héroïne n'était peut etre pas aussi froide et calculatrice que ce que Clouzot nous avait montré, et sa volonté d’entreprendre cette réhabilitation littéraire ne peut que me toucher profondément.
Travail littéraire d’une grande finesse, et très joliment écrit, voici un bien beau livre !!
Suivi de Iphigénie, ou les effets de la chasse
LITTÉRATURE FRANÇAISE
Littérature (n° 11323), Littérature française
Paru le 10/11/2021